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Une avocate coupable de voies de fait réprimandée par le Barreau

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Élisabeth Fleury

Élisabeth Fleury

2025-12-10 15:00:53

Malgré la gravité des gestes, le Conseil de discipline a entériné la recommandation conjointe des parties d'imposer une sanction minimale, soit une réprimande…


Marie-Christine Savard - source : Radio-Canada


Déclarée coupable de voies de fait, une ancienne procureure de la Couronne, Me Marie-Christine Savard, s’est vue imposer une réprimande par le Conseil de discipline du Barreau.

La décision du Conseil, composé de Mes Isabelle Martel, Craig S. Berger et Éric Denille, a été rendue le 28 octobre, mais n’a que tout récemment été publiée sur les sites d’information juridique.

C’est Me Nicolas Bellemare qui représentait le syndic adjoint du Barreau.

Me Savard agissait pour elle-même.

Une soirée de Noël qui tourne mal

Les faits reprochés à Me Savard remontent au 27 novembre 2021, lors d'une soirée de Noël des membres du service de police de Saguenay qui a lieu dans un club de golf. L’intimée et la victime arrivent ensemble à cette fête aux alentours de 19 h.

Isabelle Martel - source : LinkedIn

Vers 00 h 30, constatant l’état avancé d’intoxication de l’intimée par l’alcool, la victime la convainc de quitter l’événement et la dirige vers la sortie où un transport l’attend.

Une fois dans la cage d’escalier menant vers l’extérieur, la victime se retourne afin de s’assurer que l’intimée la suit toujours.

« C’est à ce moment que l’intimée plaque la victime contre le mur avec ses mains au niveau du buste et s’approche de son visage pour tenter de l’embrasser. La victime fige un instant, finit par la repousser et quitte par la suite la soirée », rapporte le Conseil de discipline dans sa décision.

À la suite de ces événements, Me Savard est déclarée coupable le 31 janvier 2025 de voies de fait (article 266(b) du Code criminel), une infraction punissable par procédure sommaire.

Le 31 mars 2025, l’intimée est absoute conditionnellement et doit, pour une période de 12 mois, se conformer à certaines conditions. Il lui est notamment interdit de communiquer directement ou indirectement avec la victime.

L'honneur et la dignité mis en cause
Craig Berger - source : LinkedIn

Le syndic adjoint du Barreau a porté plainte en vertu de l'article 149.1 du Code des professions, qui permet de saisir le Conseil de discipline d'une décision criminelle lorsqu'elle a un lien avec l'exercice de la profession.

Me Savard a d’emblée reconnu le lien entre l'infraction de voies de fait et l'exercice de sa profession d'avocate. Le Conseil de discipline a confirmé ce lien, soulignant que l'infraction est une atteinte directe à l'intégrité et à la sécurité d'une personne, un comportement incompatible avec les valeurs intrinsèques de la profession. Les gestes de violence, même isolés, sont jugés dérogatoires à l'honneur et à la dignité de la profession, ébranlant la confiance du public envers les auxiliaires de justice, a rappelé le Conseil.

Plaidoyer pour une sanction clémente

Les parties ont demandé au Conseil d'envisager de ne pas imposer de sanction, ou, subsidiairement, d'imposer une réprimande.

Pour justifier cette approche, le syndic a mis en lumière plusieurs facteurs atténuants :

  • L'acte de voies de fait a été de très courte durée.
  • Il s'agissait d'une infraction de gravité objectivement moindre que d'autres (poursuite par voie sommaire).
  • Me Savard a obtenu une absolution conditionnelle par le tribunal criminel.
  • L'avocate a subi des conséquences importantes, notamment la perte de son poste de procureure au DPCP.
Nicolas Bellemare - source : Université de Montréal

Me Savard a témoigné avec franchise, exprimant ses remords et son empathie envers la victime. Elle a cessé de consommer de l'alcool et a entrepris une thérapie.

Aujourd’hui, l’avocate, qui a ouvert son propre cabinet de consultation juridique, se concentre sur le droit familial et collabore avec deux organismes soutenant des femmes victimes de violence familiale afin notamment de les guider dans le processus judiciaire et de les renseigner sur leurs droits, a noté le Conseil de discipline.

L'importance de l'exemplarité

Le Conseil a conclu qu'il était opportun d'imposer une sanction disciplinaire. Ne pas en imposer, malgré l'existence d'un lien avec la profession, irait à l'encontre de la perception du public et transmettrait un message négatif aux membres, a-t-il fait valoir.

« Sans remettre en cause la recommandation conjointe présentée par les parties, le Conseil tient à rappeler la gravité intrinsèque de l’infraction criminelle dont l’intimée est reconnue coupable. Tout en étant conscient que l’objectif de la sanction disciplinaire n’est pas de punir à nouveau le professionnel, le Conseil estime néanmoins que l’imposition d’une réprimande demeure une sanction clémente, même en considérant les facteurs subjectifs propres à l’intimée et son évolution positive », écrivent Mes Martel, Berger et Denille.

Le Conseil a choisi de donner suite à la recommandation des parties, « car la sanction suggérée conjointement sur l’unique chef de la plainte, dans le présent contexte, ne fait pas perdre au public renseigné et raisonnable sa confiance dans le système de justice disciplinaire ».

Il a jugé, en somme, qu’il n’était « pas en présence d’une recommandation contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice ».

Le Conseil a donc unanimement décidé d'imposer à Me Marie-Christine Savard une réprimande pour le chef d'infraction. L’avocate a également été condamnée au paiement de la totalité des déboursés du processus disciplinaire.

Une épreuve difficile pour l’avocate

Invitée à commenter la décision du Conseil de discipline, Me Savard a dit en accepter « pleinement les conclusions ».

« Les événements en cause ont été une épreuve extrêmement difficile sur le plan personnel et professionnel en raison, entre autres, de la médiatisation », a confié l’avocate à Droit-inc.

Me Savard a depuis entrepris un important travail sur elle-même, a-t-elle ajouté.

« Mes démarches m’ont permis de me reconstruire et de fonder une pratique privée dans laquelle je m’efforce, chaque jour, d’aider les gens avec rigueur, empathie et respect », a partagé l’avocate.

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