Une entreprise gagne contre un cabinet d'avocats

Élisabeth Fleury
2025-08-25 15:00:41
La Cour du Québec rejette le recours d’un cabinet d’avocats montréalais contre une entreprise. De qui et de quoi s’agit-il?
Le cabinet Greenspoon Winikoff n’a pas réussi à convaincre le tribunal qu’il était dans son bon droit de réclamer des honoraires à l’entreprise Northern Bright Distilleries.
La décision a été rendue plus tôt en août par la juge Dominique Launay.
La demanderesse, Greenspoon Winikoff, était représentée par un de ses avocats, Me Sébastien Dubois, alors que la défenderesse, Northern Bright Distilleries, était défendue par Me Dorin Holban, du cabinet Allen Madelin.
Le litige portait sur le paiement de 41 673 $ en honoraires pour des services juridiques rendus par un avocat, Me Matthew Meland, avant qu'il ne quitte Greenspoon Winikoff.

Northern Bright Distilleries a requis les services de Me Matthew Meland pour la représenter dans le cadre d’un conflit entre ses actionnaires. Me Meland connaissait la défenderesse, ayant déjà effectué des mandats pour elle.
Le cabinet a accepté que Me Meland représente l’entreprise sur la base d’une convention d’honoraires à pourcentage. L’avocat a donc transmis une proposition en ce sens à la défenderesse.
L’entente prévoyait que le cabinet ne serait rémunéré qu’en fonction des montants récupérés par la distillerie par un jugement ou par un règlement, et qu’en contrepartie, l’entreprise verserait un dépôt non remboursable de 8 000 $. La proposition ne contenait rien de particulier en cas de transfert de dossier.
Le 9 mai 2020, la défenderesse a accepté les termes de cette convention et Me Matthew Meland a commencé son travail dans le dossier.
En avril 2022, Me Meland a annoncé son intention de rejoindre un autre cabinet d’avocats, celui où travaille son père, et qu’il quittait donc celui de la demanderesse.
L’avocat a annoncé en quittant le cabinet qu’il souhaitait partir avec le dossier de Northern Bright Distilleries. Greenspoon Winikoff a accepté le transfert du dossier, mais a conservé le dépôt de 8 000 $.
Ce n'est qu'après le départ de l'avocat qu'un des associés du cabinet aurait réalisé le nombre important d'heures travaillées sur ce dossier.
Les positions des parties
Pour le cabinet, il est injuste de ne pas être compensé pour les heures travaillées. Il réclame les honoraires sur la base du « quantum meruit », un principe juridique qui permet d'évaluer la valeur des services rendus en l'absence d'une entente claire. Le cabinet allègue que la cliente a rompu l'entente initiale en demandant à Me Meland de continuer à la représenter ailleurs.
La défenderesse rétorque que c'est le cabinet d'avocats lui-même qui a mis fin à l'entente. Elle fait valoir que le transfert du dossier a été accepté par le cabinet en échange de la conservation du dépôt de 8 000 $, sans aucune autre condition. Pour l'entreprise, le cabinet aurait dû clarifier toute intention de réclamer des honoraires supplémentaires avant le transfert.
La décision du tribunal
La juge Dominique Launay a tranché en faveur de l'entreprise. Elle a reconnu que le principe du quantum meruit peut être appliqué lorsqu'un contrat ne peut être exécuté, mais a estimé que cette situation ne s'appliquait pas ici. La juge a relevé que le cabinet avait donné son accord pour le transfert du dossier sans poser d'autres conditions.
Le tribunal a souligné l'obligation du cabinet d'avocats d'informer adéquatement sa cliente des conséquences financières en cas de transfert du dossier.
« Le Tribunal est d’avis que si la demanderesse avait l’intention de réclamer des honoraires advenant le cas où la convention ne puisse être exécutée, il avait l’obligation d’informer adéquatement la défenderesse des conséquences, et notamment du fait que dans une telle situation, les honoraires seraient évalués sur la base des services rendus. La demanderesse avait également l’obligation de l’informer du nombre d’heures en cause et des taux horaires des professionnels », a tranché la juge Launay.
La convention d'honoraires a donc pris fin lorsque Greenspoon Winikoff a autorisé le transfert du dossier, a statué le tribunal en rejetant la demande du cabinet.
Le procureur de Greenspoon Winikoff n’avait pas donné suite à notre invitation à commenter cette décision au moment de mettre cet article en ligne.