Nouvelles

Le rôle d'une avocate au cœur d'un litige déontologique

Main image
Élisabeth Fleury

Élisabeth Fleury

2025-12-09 15:00:29

La Cour supérieure se prononce sur le pourvoi de deux policiers dérangés par la double casquette d’une avocate…

Genesis R. Diaz et Mario Coderre - source : RBD


La Cour supérieure du Québec a refusé de suspendre les procédures disciplinaires visant deux policiers du Nunavik. En trame de fond : les questions d'indépendance et d'impartialité soulevées par la nomination d'une avocate de la Ville de Québec comme décideure au Tribunal administratif de déontologie policière (TADP).

La décision a été rendue le 3 décembre par la juge Catherine Martel.

Les policiers Francis Bourbeau et Pierre Luc Houde, les demandeurs, étaient représentés par Mes Genesis Rondon Diaz et Mario Coderre, de RBD Avocats.

Me Forrest Wakarchuk agissait pour le TADP, le défendeur, alors que Mes Audrey Farley et Fannie Roy représentaient le Commissaire à la déontologie policière, le mis-en-cause.

Audrey Farley et Fannie Roy - source : LinkedIn
Le contexte

Visés par une plainte déposée en novembre 2023, les deux policiers du Service de police du Nunavik se retrouvent devant Me Mélanie Tremblay, nommée membre à temps partiel du TADP en janvier dernier.

Le 27 octobre, les policiers demandent la récusation de Me Tremblay au motif que son emploi à temps plein au contentieux de la Ville de Québec est incompatible avec la fonction de membre du TADP. Ils invoquent les garanties minimales d'indépendance et d'impartialité du décideur prévues à l'article 23 de la Charte québécoise.

À titre d’avocate à la Ville de Québec, Me Tremblay est appelée à défendre les intérêts du service de police de la Ville de Québec dans différents types de dossiers, incluant les procédures d’ordre disciplinaire contre des policiers.

Devant le TADP, Me Tremblay rejette la demande de récusation, niant toute apparence de partialité. Elle souligne qu’elle n’a eu aucun lien avec les policiers impliqués ou le service de police du Nunavik et qu’il n’y a donc pas de conflit d’intérêts l’empêchant d’entendre la plainte.

L’avocate conclut également qu’il n’existe pas de crainte raisonnable de partialité, puisque « la présente situation ne peut soulever une réelle probabilité de partialité chez une personne raisonnable […] ». Elle ne traite pas de l’argument des demandeurs fondé sur la garantie d’indépendance judiciaire.

Les policiers se pourvoient en contrôle judiciaire de cette décision interlocutoire, réclamant le sursis des procédures devant le TADP jusqu’à ce qu’un jugement final dispose de leur pourvoi.

Mélanie Tremblay - source : LinkedIn

Les demandeurs reprochent à Me Tremblay de ne pas avoir abordé l'argument fondamental concernant la garantie d'indépendance judiciaire. Ils soutiennent également que son analyse de l'impartialité se serait indûment attardée à son impartialité « dans les faits », plutôt qu'à « l’apparence » de partialité perçue de l'extérieur.

La décision de la Cour supérieure

Pour rendre sa décision, la Cour supérieure a appliqué le test du sursis (apparence de droit, préjudice sérieux ou irréparable et balance des inconvénients).

La juge Catherine Martel a reconnu que les policiers soulevaient une question sérieuse à débattre, notamment en raison du silence de la décision attaquée sur l'argument de l'indépendance judiciaire.

Ce pourvoi visait cependant une décision interlocutoire. Le tribunal a rappelé que l'intervention immédiate dans le processus administratif est une exception très rare, même en cas de rejet de récusation.

La Cour supérieure a statué que le fait de devoir continuer l'audience devant un décideur contesté ne constituait pas un préjudice sérieux ou irréparable. Les inconvénients de temps et de ressources financières engagées sont considérés comme des préjudices essentiellement économiques qui ne justifient pas l'arrêt des procédures, a tranché la juge Martel.

La balance des inconvénients a aussi milité contre le sursis. Le tribunal a mis en avant l'intérêt public à la célérité du traitement des plaintes déontologiques, citant les objectifs de rapidité et d'efficacité du législateur. Accorder le sursis, dans un dossier déjà ouvert depuis 2023, aurait risqué de paralyser la justice administrative, un inconvénient jugé supérieur au préjudice subi par les policiers, a estimé la juge de la Cour supérieure.

Ceux-ci pourront soulever leurs arguments en appel ou lors d'un pourvoi en contrôle judiciaire contre la décision finale, a encore établi le tribunal.

Les procureurs des demandeurs n’avaient pas donné suite à notre demande de commentaires au moment de mettre cet article en ligne.

886
Publier un nouveau commentaire
Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires