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Familles triparentales au Québec : s’adapter à une nouvelle réalité familiale en milieu de travail, malgré un cadre juridique encore flou

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Shari Munk-Manel Et Tina Basile

2025-06-17 11:15:09

Focus sur une récente décision par la Cour du Québec en matière de familles triparentales…


Shari Munk-Manel et Tina Basile - source : McMillan


La Cour du Québec a rendu une décision récente dans laquelle elle tranche qu’il est inconstitutionnel de limiter l’affiliation légale d’un enfant à un ou deux parents. Elle accorde ainsi aux familles triparentales ou multiparentales les mêmes droits juridiques qu’aux autres familles. Bien que la décision soit un soulagement pour les parents dont la cellule familiale n’est pas traditionnelle, nous anticipons qu’elle pourra créer certains problèmes dans les milieux de travail, puisque la législation en matière d’emploi n’a pas encore connu la même évolution.

Les avantages sociaux

Les régimes d’avantages sociaux sur le lieu de travail (par exemple, l’assurance maladie complémentaire, la couverture des personnes à charge) limitent souvent les personnes à charge aux enfants de deux parents. Considérant le flou juridique à ce niveau, les employeurs pourront être confrontés à des conflits de coûts ou d’éligibilité lorsque les employés cherchent à inclure d’autres co-parents dans leur plan ou à partager les avantages entre les ménages comprenant plusieurs enfants.

Les congés : familiaux et autres

Les employeurs sont légalement tenus d’offrir à leurs employés certains congés familiaux, tels que les congés parentaux et familiaux. Or, ces congés sont généralement fondés sur l’hypothèse de deux parents légaux, y compris dans les cas d’adoptions. En vertu des loi québécoises, les employés ont droit à dix jours de congé par année pour remplir des obligations liées aux soins, à la santé, ou à l’éducation de leur enfant ou de l’enfant de leur conjoint, ou à la santé d’un « membre de la famille ».

Le terme « membre de la famille » est défini comme étant, outre le conjoint du salarié, l’enfant, le père, la mère, ou l’un des parents, le frère, la sœur et les grands-parents du salarié ou de son conjoint, ainsi que les conjoints de ces personnes, leurs enfants et les conjoints de leurs enfants. Toutefois, la loi ne définit pas les termes « conjoint », « enfant » ou « enfant du conjoint du salarié ». Par conséquent, les employeurs pourraient donc être confrontés à un certain nombre d’incertitudes. Effectivement, en l’absence de précédent juridique ou de clarté législative, les employeurs pourraient ne pas savoir si l’octroi d’un congé à un troisième parent, ou si plusieurs congés familiaux au même parent pour plusieurs proches, sont autorisés ou légalement requis.

Finalement, les congés de deuil ou de proches aidants requièrent également un lien de parenté. Les familles multiparentales comprennent souvent des co-parents non conjugaux ou des partenariats polyamoureux, dont aucun n’est envisagé dans les lois actuelles sur les congés. Certains employeurs pourraient donc refuser d’autoriser des congés en raison d’une interprétation littérale de la loi, alors que d’autres choisiront d’accorder un congé par mesure d’accommodement. Ainsi, dans tous les cas, dans l’état actuel des choses, ce droit se verrait certainement être appliqué de manière incohérente et ambiguë à travers la province. Cette zone grise juridique pourrait donc exposer les employeurs à des contestations de la part d’employés dont la demande a été rejetée ou de collègues invoquant une charge de travail inégale en raison d’un abus de congés familiaux.

À prévoir

Pour le moment, au Québec, les employeurs travailleront dans un vide juridique en ce qui concerne les familles triparentales ou multiparentales. Jusqu’à ce que des dispositions législatives soient formellement revues et révisées, les situations avec les employés devront s’étudier au cas par cas, en tentant de trouver un équilibre entre droits légaux, inclusivité, et capacité administrative.

À propos des auteures

Shari Munk-Manel pratique le droit de l’emploi et des relations de travail chez McMillan, offrant des conseils aux employeurs et les représentant dans le cadre de litiges et du règlement de différends.

Tina Basile est une avocate qui se construit une pratique axée sur le droit de l’emploi et des relations de travail chez McMillan.

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