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Son client acquitté d’agression sexuelle, une avocate explique

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Camille Laurin-desjardins

2020-10-08 11:15:00

Une avocate de Magog se réjouit que son client ait été acquitté en Cour d’appel, quatre ans après avoir été accusé dans une mystérieuse affaire d’agression sexuelle…
Me Stéphanie Côté. Photo : Radio-Canada
Me Stéphanie Côté. Photo : Radio-Canada
Le 27 juillet 2018, Philippe Benoît-Lessard était reconnu coupable de s’être introduit par effraction dans une résidence et d’y avoir commis une agression sexuelle. Quelques mois plus tard, il sera condamné à 42 mois de prison.

L’histoire remonte à novembre 2016. Pendant la nuit, un homme est entré dans l’appartement d’un immeuble à logements, puis s’est dirigé directement dans la chambre d’une adolescente de 14 ans et a commis des attouchements sexuels sur elle.

C’est un des voisins, qui avait vu le véhicule noir du suspect avant l’agression, qui a cru reconnaître sa voiture, par la suite, près du logement, quand la police était sur place. Philippe Benoît-Lessard a été arrêté et correspondait à la description sommaire des témoins – c’est-à-dire sa carrure. Mais l’accusé a toujours nié sa culpabilité dans cette affaire.

Son avocate, Me Stéphanie Côté, du petit cabinet Plourde Côté, plaidait qu’il n’existe aucune preuve directe permettant d’affirmer hors de tout doute que M. Benoît-Lessard est l’agresseur. La Cour d’appel vient de lui donner raison, estimant que la juge Claire Desgens, de la Cour du Québec, avait commis une erreur de droit, et acquittant son client.

Droit-inc s’est entretenu avec la criminaliste.

Droit-inc : Sur quoi vous basiez-vous pour dire que le verdict était déraisonnable?

Stéphanie Côté : La question en litige depuis le début, c'est l'identification de mon client. Parce que personne n'avait vraiment vu son visage, et les témoins parlaient seulement de sa carrure et de sa grandeur.

On avait quatre motifs dans notre requête en appel : la juge avait rendu un jugement déraisonnable, parce que, entre autres, elle n'a pas respecté le droit au silence de mon client, et elle a omis de rappeler son rôle de gardienne de ses droits fondamentaux.

Dans le jugement de première instance, elle avait dit quelque chose du genre : « comme il n'a pas témoigné, on ne sait pas ce qu'il faisait là… »

Par contre, [les juges de la Cour d’appel] ne se sont pas rendus jusque là, parce qu’ils ont conclu que la juge avait erré de façon manifeste et déterminante dans l'appréciation de la preuve, donc ils ne sont pas allés plus loin.

Ils parlent de « la faiblesse de l'identification », incluant l'erreur commise par la juge, et ils expliquent que cela les amène à conclure que la preuve circonstancielle est faible, et qu'il existe un risque réel qu'une erreur judiciaire ait été commise.

Et plus loin, ils disent que le verdict prononcé n'en est pas un que le jury aurait suivi… Puis : « Dans la mesure où nous sommes d'avis qu'il y a lieu d'acquitter l'appelant des accusations portées contre lui, il n'est pas utile de traiter des autres moyens. »

Et votre client niait depuis le début sa culpabilité…

En fait, il nie complètement avoir été là! La Cour d'appel reprend presque toute ma plaidoirie…

C'était un appartement qui était débarré. L'individu entre dans l'appartement (NDLR : dans le noir, en pleine nuit), va directement dans la chambre de la jeune fille, n’accroche rien, ne touche à rien, ne déplace rien et ne fait pas de bruit. Monsieur est inconnu de la part de tout le monde. Comment Monsieur aurait su qu'il y avait un enfant dans cette chambre-là?

Ce sont des événements qui remontent à 2016… Ç’a dû être un soulagement, pour votre client…?

Absolument. Il est très heureux, soulagé... Ce n'est pas le fun d'avoir cette étiquette-là. Sa mère aussi, où il demeure, et qui l'a soutenu depuis le début, est très contente.

Et en plus, il avait des conditions très strictes de remise en liberté à respecter, depuis presque quatre ans : un couvre-feu à 22h, demeurer chez sa mère, pas d’Internet, un périmètre à respecter, ne pas aller à Sherbrooke…

Et pour vous, c'est une belle victoire?

Oui, c'est une super belle victoire qui aurait dû avoir lieu en première instance (rires).

Mais oui… parce qu'effectivement, la Cour d'appel, dans son jugement, mentionne plusieurs faits qu'on avait mentionnés en première instance. Donc pour moi et pour Me Christine Brosseau, qui l'a plaidé en Cour d'appel, c’est une très belle victoire!

J'étais aussi contente qu'on ne refasse pas un autre procès. J'étais contente pour mon client, mais également pour la plaignante. Elle a quand même vécu quelque chose, quelqu'un est rentré chez elle! Donc qu’elle ne soit pas obligée de revivre tout ça...

C’était du jamais vu, pour vous?

Oui, c'était une première pour moi, en Cour d'appel. Et surtout, le fait que la décision portait sur le premier motif, ils ne se sont pas rendus aux autres.

Les juges ont tout de suite dit : « non, l'identification n'était pas claire, il y a eu trop d'erreurs ». Qu’ils n'ordonnent pas un nouveau procès, oui pour moi, c'était la première fois…

Maintenant, je ne sais pas ce que la Couronne va faire, elle pourrait s’adresser à la Cour suprême… Elle a 30 jours pour le faire, à partir du jugement.
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