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L’Archidiocèse de Montréal nuit au processus de plainte pour abus, selon l’ombudsman

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Radio -canada

2022-12-13 12:00:00

Un récent rapport déplore les mesures prises par des membres de l’Église catholique de Montréal…
Me Marie Christine Kirouack. Photo : LinkedIn
Me Marie Christine Kirouack. Photo : LinkedIn
L’avocate Marie Christine Kirouack est entrée en fonction en tant qu’ombudsman pour l’Archidiocèse de Montréal le 5 mai 2021. Depuis lors, elle a pour mission de l’aider à être plus transparent dans la manière dont il gère les allégations d’abus qui pèsent sur des membres du clergé.

Cependant, au cours des derniers mois, son travail est compromis par des membres de l’Église de Montréal.

L’ombudsman observe notamment de « graves manquements au devoir de confidentialité » dans le traitement des plaintes, peut-on lire dans le rapport de Marie Christine Kirouack publié lundi mais obtenu sous embargo par Radio-Canada.

« Un vicaire épiscopal relayait des courriels en copie cachée à une personne extérieure au mépris de la confidentialité du processus de plainte. »

Ce vicaire épiscopal y dévoilait notamment le nom des plaignants, le nom des personnes visées par les plaintes, des échanges avec la firme d’enquête externe ainsi que des courriels de l’ombudsman à propos des plaintes.

Le même vicaire épiscopal, qui n'est pas nommé dans le rapport, aurait aussi omis d’aviser l’ombudsman d’une plainte et aurait dit à une autre plaignante de ne pas contacter Mme Kirouack « pour porter plainte dans un dossier d’abus psychologique important et qu’il s’en occuperait personnellement ».

« J’en ai été complètement estomaquée », a lancé Mme Kirouack lors d’une entrevue avec CBC.

L'archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, à la basilique Notre-Dame, à Montréal. Source: Radio-Canada / Ivanoh Demers
L'archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, à la basilique Notre-Dame, à Montréal. Source: Radio-Canada / Ivanoh Demers
Il aura pourtant fallu trois mois, une réunion d’urgence avec l’archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, trois plaintes et un mémo explicatif au Comité consultatif expliquant qu’elle ne lui enverrait plus de plaintes tant qu’elle ne pourrait pas en garantir la confidentialité auprès des victimes pour que le vicaire en question soit finalement relevé de ses fonctions, le 22 novembre dernier.

C’est un délai « difficilement compréhensible », déplore l’ombudsman.

Et Marie Christine Kirouack assure que ce prêtre continue de travailler pour l'Église et supervise plusieurs paroisses malgré la perte de son poste.

À cela s’ajoute la menace de mise à pied lancée à l’archiviste, un employé de l'Archidiocèse, avec lequel l’ombudsman travaillait « de façon étroite » pour mener son travail de recherche dans les anciens dossiers, et ce, « selon toute vraisemblance pour avoir osé demander une augmentation ».

Par la suite, cet archiviste est tombé malade et ses accès informatiques ont été suspendus par un autre employé, ce qui a eu l'effet suivant : « les accès de Mme Kirouack à des dossiers fondamentaux, y compris les anciens dossiers (qu'elle) traite sur la plateforme documentaire sécurisée entre l'Archidiocèse et (elle-même), ont disparu ».

« Voulant être certaine que pareille chose ne se reproduirait plus, j’ai écrit à cet employé en mettant en copie conforme toute la hiérarchie de la curie. J’en ai profité pour souligner à tous que personne n’avait le droit de toucher à mes accès informatiques ou à mes dossiers ». Par la suite, l’employé en question a envoyé une plainte au Barreau du Québec au sujet de Mme Kirouack.

188 plaintes en quelques mois, dont le tiers pour abus

Depuis son entrée en fonction, le 5 mai 2021, Marie Christine Kirouack a reçu 188 plaintes, dont environ le tiers pour des abus, qu’ils soient sexuels, physiques, psychologiques, financiers ou spirituels. Ces plaintes portent sur des événements qui vont des années 1950 aux années 2020, certains étant ponctuels, d’autres s’étendant sur de plus longues périodes.

Parmi les autres plaintes, plusieurs ne visent pas des membres du clergé mais ont plutôt trait à l'entretien de cimetières, à l'organisation de funérailles, à l’exigence du passeport vaccinal, à des recherches généalogiques, à des demandes d’apostasie ou à des questions de relations de travail; d'autres concernent majoritairement des problèmes entre des employés et des membres du clergé.

Au printemps dernier, l’ombudsman s’est aussi fait confier le mandat de « traiter tout ancien dossier de plainte ou d’abus qui n’aurait pas été traité par le passé de façon satisfaisante ».

Et c’est à ce moment-là qu’elle a clairement senti que certains membres du clergé devenaient mal à l'aise par rapport à son travail.

« Tout à coup, c’est comme un goulot d’étranglement qui a commencé », a-t-elle expliqué en entrevue à CBC

Les délais sont devenus « interminables » dans certains de ces dossiers. Par exemple, « dans deux dossiers, les suspensions qui ont été recommandées respectivement les 11 mai et 30 juin 2022 n’ont pas encore été décrétées ». Une de ces suspensions concerne un prêtre qui fait face à des allégations de harcèlement sexuel.

« Est-ce que je pense que mon travail dérange certaines personnes de la vieille garde? Sans aucun doute, surtout les gens qui, en toute connaissance de cause, n’ont pas agi par le passé dans ce qui est depuis lors devenu les plaintes ombudsman et qui sont toujours en fonction. »

Résolue à rester en fonction

Malgré ces difficultés, Marie Christine Kirouack est bel et bien résolue à rester en fonction en tant qu’ombudsman pour l’Archidiocèse de Montréal.

« Si qui que ce soit pense que je vais démissionner à cause d’une plainte au Barreau, passez le message : ce ne sera pas le cas », assure-t-elle avoir dit à Mgr Christian Lépine récemment.

« Je suis une voix pour les victimes. J’ai un travail à faire. Et quand ça fonctionne, ça fonctionne de façon splendide. »

« Est-ce que le processus de plainte connaît des jours difficiles? À coup sûr. Est-ce que je remets en question la bonne foi de l’archevêque? Non. Mais est-ce que je pense qu’il manque de fermeté dans l’application des règles? Oui. Et qu’il est possiblement mal conseillé? Fort possiblement. »

« Mais je pense aussi que nombreux sont ceux qui se réjouissent de mon arrivée et qui collaborent afin que le ménage soit fait une fois pour toutes. »

L'Archidiocèse de Montréal a prévu de répondre au rapport de l'ombudsman lundi en journée.
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