Heenan poursuivi par son ancien personnel

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Emeline Magnier

2014-10-08 15:00:00

Des assistants juridiques du cabinet dissous au début de l’année poursuivent leur ancien employeur pour des indemnités de licenciement non payées, totalisant 600 000 dollars...

Me Christopher Perri, associé chez Cavalluzzo Shilton McIntyre Cornish et qui intervient pour les salariés
Me Christopher Perri, associé chez Cavalluzzo Shilton McIntyre Cornish et qui intervient pour les salariés
Cinq assistants juridiques ont lancé un recours contre leur ancien employeur Heenan Blaikie à Toronto pour le paiement de sommes qui ne leur auraient pas été versées dans le cadre de la procédure de licenciement diligentée à leur égard par le cabinet pancanadien à la suite de sa dissolution en février dernier.

D'après les procédures déposées à la Cour supérieure de l'Ontario et dont le magazine Precedent a obtenu copie, les réclamations sont comprises entre 15 000 et 418 000 dollars, représentant un montant total de près de 600 000 dollars.

Au moment de sa dissolution, le bureau torontois de Heenan Blaikie comptait environ 170 avocats et 160 employés de soutien. Deux des employés qui poursuivent leur ancien employeur réclament le paiement d'indemnités de préavis et de départ.

Le 14 février 2014, le cabinet aurait envoyé un avis de fin d'emploi à son personnel, indiquant que la fermeture du bureau était fixée au 28 février, date jusqu’à laquelle les employés devaient rester en fonction et percevraient leur plein salaire.

Deux anciens assistants, qui ont retrouvé un emploi dans un cabinet national, affirment n'avoir perçu aucun autre paiement après le 28 février. Ils considèrent que les deux semaines de préavis et le non-versement d'une indemnité de départ ne respectent pas les dispositions légales applicables.

Selon Me Christopher Perri, associé chez Cavalluzzo Shilton McIntyre Cornish, qui intervient pour les salariés, le cabinet qui a licencié 160 personnes lors de sa dissolution devait payer six semaines de préavis supplémentaires pour respecter la législation applicable.

Un employeur qui ne connaît pas la loi ?

Me Daneil Rohde intervient également dans le dossier
Me Daneil Rohde intervient également dans le dossier
En plus de l'indemnité de préavis, les deux assistants réclament le paiement d'une indemnité de départ. L'un des salariés qui a travaillé au sein du cabinet pendant 26 ans sollicite le paiement une somme équivalant à 26 semaines de salaire. L’autre employé, qui a travaillé pendant six ans pour Heenan Blaikie, réclame six semaines de salaire.

D'après l'Employment Standards Act (ESA), un employé qui a travaillé pour le même employeur pendant cinq ans bénéficierait d'une semaine d'indemnité de départ par année d'ancienneté jusqu'à concurrence de 26 semaines.

Pour Me Daneil Rohde, qui intervient également dans le dossier, il est extrêmement rare qu'un employeur refuse de payer le minimum légal applicable. Il indique que quand la situation se présente, c'est qu’il n'a pas consulté d’avocat ou ne connaît pas la loi. En l'espèce, l'employeur étant un cabinet d'avocats, il qualifie la situation de « très étrange ».

Me Kenneth Kraft
Me Kenneth Kraft
Même si ses clients ont retrouvé un emploi immédiatement après leur licenciement, Me Perri indique que la loi impose à l'employeur de payer une indemnité de départ et de préavis pour compenser le manque d'ancienneté chez leur nouvel employeur. S'ils devaient être remerciés une semaine plus tard, ils n'obtiendraient alors qu'une semaine de préavis.

Après le dépôt du recours au mois de mai, le comité de transition de Heenan Blaikie, dirigé par Kenneth Kraft, n'a pas répondu à leur courriel et n'a pas déposé de défense. À la demande des deux avocats des assistants juridiques, le tribunal a alors constaté le défaut du cabinet en juillet.

Une lettre anonyme

Mais le 1er octobre, Me Greg McGinnis, associé du cabinet Dinsdale & Clark, a contacté Me Perri pour lui indiquer qu'il intervenait pour Heenan Blaikie. À ce jour, aucune défense n'a été déposée. Contacté par The Precedent, Me McGinnis n'a pas voulu commenter.

Quelque temps après le dépôt de leur recours, en arrivant sur leur nouveau lieu de travail, les deux assistants juridiques ont trouvé une enveloppe déposée sur leur chaise, contenant une lettre anonyme venant d'un ancien associé de Heenan Blaikie, qui travaille désormais dans le même cabinet qu’eux.

Me Greg McGinnis, associé du cabinet Dinsdale & Clark, n'a pas voulu commenter l'affaire.
Me Greg McGinnis, associé du cabinet Dinsdale & Clark, n'a pas voulu commenter l'affaire.
« Je ne vous demande pas de retirer (votre recours) et je ne suis pas en colère contre vous, mais je veux que vous compreniez certaines considérations », est-il indiqué dans la lettre. L'auteur poursuit en expliquant que les associés sont conscients que les assistants « ont souffert » mais qu’ils ont fait en sorte que le plus grand nombre d'employés subissent le moins de pertes économiques possibles.

« Chacun de nous cherche à recouvrer les centaines de milliers de dollars perdus (…)» « Je ne vous demande pas de retirer votre recours (…) Je voulais que vous sachiez que (…) les associés devront payer de leurs poches (…) ».

Après avoir reçu cette lettre, Me Rohde indique que ses clients - qui étaient déjà dans une situation difficile considérant qu'ils continuent de travailler pour les mêmes avocats - se sont sentis menacés et offensés.

Sauver sa part du gâteau

« Ce que la lettre dit (…) “Arrêtez votre recours pour que nous puissions prendre une plus grande part du gâteau” » souligne Me Perri, faisant référence au fait que le montant d'argent que les anciens associés récupéreront dépend des sommes qui seront payées aux créanciers.

« Combien d'associés possèdent des actifs importants, comme un vignoble à Niagara. Vendre ses biens, je suis sûr que c'est difficile, mais ils sont déconnectés de la réalité », poursuit l'avocat.

Me David Hager, avocat de Mme Brugos
Me David Hager, avocat de Mme Brugos
Rosemarie Brugos, une assistante juridique de 70 ans toujours sans emploi a déposé un recours contre Heenan Blaikie pour un montant total de 418 000 dollars. Les parties s'opposent sur la détermination de l'ancienneté de la salariée. Mme Brugos prétend que quand elle a été embauchée par Heenan Blaikie en 2004, le cabinet a accepté de reprendre ses années de service chez Goodmans et de lui accorder 30 ans d'ancienneté, ce qui lui donnerait droit à une indemnité de fin d'emploi d'au moins 26 semaines.

Lors de son licenciement, Heenan Blaikie lui aurait versé une indemnité équivalant à 5,3 semaines de salaires. Dans sa défense, le cabinet indique qu'il n'avait pas connaissance de son service antérieur chez Goodmans, mais qu'il a été reconnu le cas échéant uniquement pour fins de prestations reliées à l'emploi, telles que les congés.

« Je voudrais voir un des associés témoigner à l'audience et expliquer que lorsqu'ils reconnaissent l'expérience antérieure, ils ne veulent pas vraiment dire que les salariés ont travaillé pendant cette même période », indique Me David Hager, l'avocat de Mme Brugos qui réclame le paiement de 24 mois de préavis et 100 000 dollars de dommages et intérêts punitifs.

Si jusqu'à présent, seuls deux autres assistants juridiques ont déposé un recours contre Heenan Blaikie à la Cour supérieure de l'Ontario, d'autres pourraient être enregistrés à l'intérieur du délai de deux ans pour intenter de telles réclamations.

Mémo et instructions

Dans un mémo - dont Droit-inc a obtenu copie - envoyé par courriel à tous les associés le 5 février - soit quelques heures avant le vote de la dissolution -, le comité de transition du cabinet a fait part de ses principes directeurs et « stratégiques » visant à bien « gérer le départ du personnel et des avocats ».

Le comité y rappelait que le cabinet avait l'intention de s'acquitter de ses obligations prévues par la loi « uniquement envers les employés qui y ont réellement droit », « ce qui signifie dans presque tous les cas, à la fois un avis de licenciement et, selon la durée d’occupation de l’emploi, une indemnité de préavis », mais que « dans aucune circonstance, (le cabinet ne voulait) empêcher nos employés de démissionner, car cela nous évite de devoir leur payer une indemnité de départ ».

Tandis qu’elles venaient d’apprendre qu’elles allaient perdre leur emploi, deux adjointes juridiques avaient confié à Droit-inc leurs inquiétudes quant au paiement de leurs salaires et indemnités. Contactée quelques semaines plus tard, l’une d’entre elle avait affirmé avoir reçu l’ensemble des sommes dues.

Recours en paiement pour les rénovations à Montréal

Le 17 juin dernier, une procédure a été déposée à la Cour supérieure de Montréal par l'entrepreneur général en construction P&R Desjardins, représenté par Savonitto et associés, pour obtenir le paiement des travaux de rénovation entrepris dans les locaux de Heenan Blaikie ainsi que des dommages et intérêts pour un montant total de 2,1 millions de dollars.

Le contrat avait été conclu avec Gestion H.B, mais Desjardins entend obtenir le soulèvement du voile corporatif et la condamnation solidaire de Heenan Blaikie Sencrl srl - le cabinet d’avocats-, à titre d'associé unique et d'alter ego de la société de gestion ainsi que de l’administrateur de la société de gestion, Me Daechsel.

LCM - qui compte notamment parmi ses membres Mes Bernard Amyot, Max R. Bernard, David Joanisse, tous d'anciens associés au bureau de Montréal de Heenan Blaikie - avait comparu pour tous les défendeurs mais s'est finalement retiré du dossier à la suite du dépôt d'une requête en inhabilité déposé par les avocats du demandeur. Le cabinet Borden Ladner Gervais devait alors prendre la suite, mais c'est finalement le cabinet Lavery qui a comparu.
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