La Presse

«J'aime trop débattre»

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Rene Lewandowski

2008-06-20 10:00:00

Le plaideur de l'année est une plaideuse redoutable qui vient de passer des mois dans deux des causes les plus médiatisées au pays.

Suzanne Côté a toujours voulu devenir avocate. Déjà, jeune adolescente, de sa Gaspésie natale, elle dévorait les comptes rendus des procès publiés dans le journal Photo-Police, lorsque par mégarde son père le laissait traîner dans la maison.

Mais elle ne voulait pas «juste» être avocate; elle souhaitait devenir plaideur, comme son héros Perry Mason, ce célèbre avocat de Los Angeles dont les exploits furent relatés dans une télésérie au début des années 1960.

«Pour moi, être avocat ça voulait dire être devant un tribunal», raconte la femme de 49 ans, alors qu'elle reçoit La Presse dans une salle de conférence du cabinet Stikeman Elliott, où elle est associée et chef du département de litige.

Elle explique que de nombreux avocats en droit des affaires peuvent passer toute leur carrière à faire des transactions ou à rédiger des contrats, sans jamais avoir à plaider ni à mettre les pieds dans un tribunal.

Pas elle. «J'aime trop débattre», dit-elle, en ajoutant que ce goût de la plaidoirie lui vient probablement de son enfance, alors que petite, elle était toujours partante pour en découdre avec ses frères et soeurs sur à peu près n'importe quel sujet.

Cela fait bien longtemps que Suzanne Côté a réalisé son rêve d'enfance. En 2003, le magazine L'expert l'a reconnue comme l'une des 25 meilleures avocates au Canada, et elle est devenue en 2005 membre de l'American College of Trial Lawyers, une distinction accordée aux meilleurs plaideurs en Amérique du Nord.

Mais il y a deux semaines, la reconnaissance est venue de ses collègues du Québec, alors que plus d'une centaine d'avocats - en majorité des plaideurs - dont plusieurs adversaires, ont déboursé 250$ pour un dîner en son honneur au Club Mont-Royal, alors qu'elle recevait le titre de Plaideur de l'année, décerné par le magazine Le Monde juridique.

«Un des meilleurs avocats que j'ai affronté», dit Marcel Rivest, du cabinet Rivest, Schmidt. Ce plaideur de 62 ans en a vu d'autres. Il soutient qu'en plus d'être une excellente plaideuse, Suzanne Côté a conscience d'être un officier de la justice. «Elle est prête à collaborer sans complaisance avec l'autre partie pour faire avancer un dossier, ce qui n'est pas le cas de tous les avocats.»

William Brock, associé chez Davies Ward Phillips & Vineberg, la considère comme une adversaire coriace, mais adore néanmoins se mesurer à elle. «C'est plus facile de régler des dossiers avec des adversaires intelligents.»

Deux grandes causes

Pour Suzanne Côté, ce titre de plaideur de l'année est important parce qu'il souligne le travail des plaideurs. «En quelque sorte, nous sommes la parole de nos clients et il faut que cela soit reconnu.»

Elle mentionne être ravie de voir que les plaideurs forment une entité bien particulière, des gens capables de s'apprécier à l'extérieur de l'arène judiciaire. «Ce n'est pas parce qu'on se dispute en cour qu'on doit se chicaner dans la vie.»

Ce titre de meilleur plaideur, elle le doit surtout à deux causes qui l'ont tenue passablement occupée ces dernières années. Deux causes qui ont aussi retenu l'attention du public et des médias, soit le litige opposant l'ex président du conseil de Via Rail, Jean Pelletier - son client -, au gouvernement fédéral, pour son congédiement à la suite de ses déclarations à l'égard de Myriam Bédard, ainsi que l'enquête de la Cour d'appel du Québec sur la juge Andrée Ruffo, qui a mené à sa démission.

Dans la cause de Jean Pelletier, elle a passé plus de 1000 heures sur le dossier, en tenant compte des nombreuses auditions en cour fédérale, cour supérieure et cour d'appel. Elle a gagné à chaque occasion; le gouvernement devra même verser plus de 300 000$ en dommages à l'ex-fonctionnaire, à moins de gagner en appel.

«C'est une cause particulière parce qu'on se bat contre le gouvernement du Canada, ce qui est loin d'être évident», explique-t-elle. En général, soutient-elle, les juges ont une déférence naturelle envers le gouvernement, qu'ils écoutent plus sérieusement ses arguments. «Et les forces financières en présence ne se comparaient pas: le gouvernement peut supporter une chicane judiciaire très longtemps.»

Dans l'enquête sur la juge Ruffo, elle fut embauchée comme avocate indépendante pour assister la Cour d'appel. L'objectif était de passer au peigne fin l'ensemble de la carrière de l'ex-magistrat, de regarder les bonnes et les mauvaises choses.

Pendant des mois, Suzanne Côté a donc parcouru les palais de justice et les centres de protection de la jeunesse du Québec pour recueillir des témoignages. Au bout du compte, elle a recommandé la destitution, mais la juge a démissionné juste avant.

Bon an mal an, Suzanne Côté gère environ une trentaine de dossiers de front et participe à environ cinq procès majeurs par année. Au cours des prochains mois, elle ne chômera pas. Elle vient de plaider pour AbitibiBowater dans une cause qui implique des employés-cadres poursuivis pour des problèmes de régimes de retraite.

Et cet automne, elle défendra les membres du comité de placement de la Caisse de retraite de l'Université de Montréal poursuivis par le syndicat des professeurs.

Qui sait, l'an prochain, si elle gagne encore, elle sera peut-être proclamée de nouveau Plaideur de l'année.
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