Que risquent les membres du CA?

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Daphnée Hacker-b.

2015-07-13 15:00:00

Ce n’est peut-être qu’une question de jours avant que le CA du Barreau ne se retrouve avec une poursuite sur le dos, gracieuseté de la bâtonnière. Les administrateurs sont-ils couverts? Ça dépend…

Me Hugues Langlais agit comme inspecteur au Service de l’inspection professionnelle du Barreau
Me Hugues Langlais agit comme inspecteur au Service de l’inspection professionnelle du Barreau
Le lendemain de la parution d’un article annonçant que la bâtonnière Me Lu Chan Khuong avait fait l’objet d’une procédure de non-judiciarisation en avril 2014, le conseil d’administration du Barreau du Québec (CA) a pris la décision de la suspendre, après lui avoir demandé, sans succès, de démissionner.

De nombreuses voix se sont élevées à la suite de cette décision, mettant en lumière la précipitation avec laquelle elle est intervenue et l’absence de base juridique sur laquelle elle pourrait reposer.

Certains ont même évoqué la thèse d’une vendetta ou d’un putsch, mené par des personnes qui ne souhaitaient pas voir appliquer à l’Ordre les nombreux changements promis par la bâtonnière lors de la campagne électorale.

Une éviction de mauvaise foi ?

Si cette thèse était fondée et que Me Khuong et son équipe d’avocats parvenaient à prouver que les membres du CA ont agi de mauvaise foi en votant à l’unanimité sa suspension, rien n’indique que ces derniers pourront bénéficier de la couverture d’assurance dont bénéficient habituellement les administrateurs.

« Les assureurs acceptent un certain nombre de risques, mais pas tous, et certainement pas la mauvaise foi », déclare Me Hugues Langlais, qui agit comme inspecteur au Service de l’inspection professionnelle du Barreau.

Ce dernier précise ne pas connaître les détails de l’assurance des administrateurs du Barreau (qui coûte un demi-million de dollars par année) mais se dit convaincu que plusieurs exclusions existent. Par ailleurs, il ajoute qu’il sera probablement long et complexe de prouver qu’un geste a été posé de mauvaise foi. « Rien ne prouve que tous les détails de l’affaire sont connus, peut-être que des informations qui ne sont pas encore dévoilées peuvent justifier que les agissements du CA étaient fondés », dit Me Langlais.

Ce que la police d’assurance dit…

Me Donald Riendeau, fondateur de l’Institut de la confiance dans les organisations
Me Donald Riendeau, fondateur de l’Institut de la confiance dans les organisations
Droit-inc a retrouvé une copie de la police d’assurance des administrateurs du Barreau, datant de 2012, et l’a fait évalué par Me Langlais. Selon sa compréhension, l’assureur serait obligé de couvrir les administrateurs dans presque tous les scénarios. « A priori, sur la base du contrat que je lis rapidement, c’est plutôt certain que l’assurance les couvrirait - même si leur mauvaise foi est prouvée. Mais un doute persiste », analyse-t-il.

Il faudra donc une preuve solide pour que l’équipe de Me Khuong puisse convaincre les tribunaux de la mauvaise foi des administrateurs. Me Donald Riendeau, fondateur de l’Institut de la confiance dans les organisations rappelle le devoir juridique des administrateurs : agir avec prudence, agir avec loyauté et agir dans l’intérêt de l’organisation. « S’ils pensent avoir pris une décision prudente avec l’information qu’ils avaient, même s’ils se sont trompés l’équipe de Khuong ne pourra pas gagner son point. Mais s’ils ont agi dans un but déraisonnable et personnel, alors là les assurances pourraient avoir leur limite », nuance l’expert.

Celui qui suit de près la jurisprudence des ordres professionnels observe que les condamnations pour manquement juridique sont très rares, encore plus rares quand un conseil d’administration tout entier est pointé du doigt.

Faire la paix plutôt que la guerre ?

Me Riendeau n’adhére pas à la thèse de la mauvaise foi : à ses yeux, le CA du Barreau a pris une décision rapide, certes, mais certainement que l’intention d’origine était bonne. « Je ne peux pas croire que près de 15 personnes ont toutes accepté de prendre une décision qu’ils ne pensaient pas être pour le bien de l’organisation et du public », dit-il.

Ils ont peut-être fait une erreur, mais est-ce que cela vaut un bras de fer juridique devant les tribunaux, qui va coûter des centaines de milliers de dollars aux membres du Barreau et entacher l’image et la réputation de l’ordre et de la profession ? Me Riendeau ne le croit pas.

« Il est temps que la bâtonnière et les membres du CA se parlent, qu’ils trouvent un terrain d’entente », suggère-t-il. Plus leur dispute sera judiciarisée, médiatisée, « plus les cicatrices seront profondes ». À son avis, si ces individus souhaitent tous agir dans le bien du public et des avocats, ils devraient reconnaître leurs erreurs et se remettre au travail.

« Un tel scénario demande beaucoup de bonne volonté », concède-t-il.
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