Nouvelles

Affaire Joyce Echaquan : Plus jamais ça! plaident tous les avocats

Main image

Radio -canada

2021-06-03 08:59:00

Tous les avocats dans l’affaire ont rappelé que ce type de situation ne devrait plus se reproduire. Retour sur la conclusion des audiences…

Source : Radio-Canada
Source : Radio-Canada
Plus jamais ça. C’est ce qui peut être retenu de la dernière journée des audiences publiques sur le décès de Joyce Echaquan qui se sont tenues pendant quatre semaines.

Racisme systémique, préjugés, défaillances organisationnelles, conditions de travail et la nécessité de changements concrets… Les avocats des différentes parties concernées ainsi que la coroner de l’enquête publique sur le décès de Joyce Echaquan ont en effet assuré vouloir éviter qu’une telle situation se reproduise.

« Joyce, sache que mon rapport ne sera pas complaisant, mais honnête. J'espère qu'il sera la fondation d'un pacte social qui nous amènera à dire : plus jamais! », déclare la coroner Géhane Kamel.

La présidente de l'enquête, Géhane Kamel, a clos ces 13 jours d'audiences étalés sur quatre semaines avec un mot personnel où elle a remercié tous ceux qui étaient présents, mais aussi les chefs atikamekw.

« Pacifier est sans doute le plus beau verbe de la langue française; j’espère que nous aurons le courage de le conjuguer avec vos communautés », a-t-elle lancé en direction des chefs.

À Carol Dubé, le conjoint de Mme Echaquan, elle a répondu à son questionnement. Mardi, il avait demandé comment il pouvait raconter une telle histoire à ses enfants.

« Carol, vous pourrez raconter l’histoire que la petite révolution de la réconciliation a débuté grâce à votre maman », lui a-t-elle exprimé.

Et si...

Après ces jours d'audiences et des dizaines de témoignages, de l'émotion, des contradictions, des excuses, des plaidoyers... l'enquête publique sur le décès de Joyce Echaquan s’est donc terminée avec les représentations des avocats.

« Si elle s’était appelée Jocelyne Tremblay, elle serait encore vivante aujourd’hui… mais elle s’appelait Joyce Echaquan », affirme Jean-François Arteau, avocat pour le Conseil des Atikamekw de Manawan et pour le Conseil de la Nation Atikamekw.

Dans leurs plaidoiries, les avocats de la famille, de Femmes Autochtones du Québec et du Conseil des Atikamekw de Manawan et pour le Conseil de la Nation Atikamekw ont fait un résumé du fil des événements ayant mené au décès de la femme atikamekw.

Ils l’ont ponctué de liens vers la discrimination et le racisme pour démontrer, selon eux, qu’à plusieurs occasions, Joyce Echaquan aurait pu être sauvée « si elle n’avait pas été étiquetée », si elle n’était pas perçue « comme dérangeante ».

Me Arteau a aussi invité la coroner Géhane Kamel à écouter un enregistrement d’une rencontre entre le personnel de santé et la famille après le décès, enregistrement déposé en preuve.

« On voit de quelle façon on peut avoir tendance à justifier (le décès) et à cacher les choses qui n’ont pas été faites comme il faut », a-t-il précisé.

Mme Echaquan est morte à 37 ans d’un œdème pulmonaire, mais « exacerbé par le racisme systémique », a affirmé l’avocat pour le Conseil des Atikamekw de Manawan et pour le Conseil de la Nation Atikamekw, Jean-François Arteau.

Dignité

L’avocate de Femmes autochtones du Québec, Rainbow Miller, a posé le même diagnostic dans sa représentation et a affirmé que Mme Echaquan était « titulaire du droit à la dignité, à la sécurité et à la vie, des droits qui n’ont pas été respectés ».

Elle a alors invité la coroner à prendre en compte ces droits à la dignité humaine lors de la rédaction de son rapport.

« On considère depuis des siècles que les membres des Premières Nations sont des citoyens de deuxième, de troisième classe, et c’est ça qui doit être rétabli. Ils ont droit à la même dignité, car ils sont avant tout des humains », a conclu Me Miller.

Pour étayer ses propos, Me Arteau a pris l’exemple de la candidate à l’exercice de la profession infirmière dont il a été beaucoup question pendant ces dernières semaines. Cette dernière s’est retrouvée seule à veiller sur Joyce Echaquan et d’autres patients instables, ce qu’elle n’aurait pas dû faire selon les règlements.

Me Arteau a dit que confier les Autochtones à une candidate à la profession d'infirmière, c’est les « donner à ceux qui sont en bas de la hiérarchie ». « Joyce n’intéresse personne. Elle va intéresser quelqu’un quand on va prendre connaissance de la vidéo. Avant ça, tout le monde s’en fout », a-t-il lancé.

Dans sa plaidoirie, Émilie Gauthier pour la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec a poursuivi sur cette lancée en s'interrogeant sur le fait que personne ne soit intervenu « pour mettre fin à cette pratique illégale qui mettait les patients en danger ».

L’avocat de la famille, Patrick Martin-Ménard, a alors invité l’Ordre des infirmières à faire une enquête dans tous les hôpitaux sur la place des CEPI dans les urgences. Car selon lui, il faut s’assurer que la sécurité des patients n’y soit pas compromise.

De plus, Me Arteau s’est dit à plusieurs reprises tanné : « tanné d’entendre que c’est une barrière linguistique, j’aimerais bien ça, mais le mal est ancré plus profond que ça, tanné d’entendre "c’est pas ma faute" ».

« L’ignorance est un vice épouvantable, l’indifférence est un sentiment insupportable. Joyce est morte dans l’indifférence, c’est épouvantable », a lancé Me Arteau.

Il a aussi invité la Sûreté du Québec à faire des compléments d’enquête, car bien que l’enquêteur Martin Pichette soit venu témoigner qu'il n’a rien trouvé de criminel, Me Arteau dit en douter.

Problème organisationnel

Émue, l’avocate pour le Centre intégré de santé et des services sociaux de Lanaudière, Anne Bélanger, a affirmé qu’avec les témoignages, le CISSS a constaté l’existence de préjugés, conscients ou inconscients, et de discrimination envers les Autochtones parmi le personnel de l’hôpital.

Elle a rappelé que ces préjugés étaient présents partout dans le réseau. « On retient que le CISSS doit prendre des mesures pour déconstruire les préjugés et éradiquer la discrimination. Chaque individu a une responsabilité personnelle et des remises en question à faire ».

Me Bélanger a alors demandé que chaque personne du CISSS fasse son propre examen de conscience.

Lors de leurs représentations, Julie Gauthier, pour la FIQ, et l’avocat de l’infirmière congédiée ont demandé à la coroner de ne pas oublier « les facteurs organisationnels qui sont défaillants et qui sont toujours présents au CISSS de Lanaudière », comme l’a mentionné Me Gauthier.

Il faut donc, selon ces avocats, garder en tête dans le rapport le climat de travail dans cet hôpital car dès la mi-août, le sous-effectif, la charge des infirmières en apprentissage entre autres avaient déjà été dénoncés par une employée.

« Il a fallu une mort pour que les choses commencent à bouger, c’est inacceptable », mentionne Julie Gauthier, avocate pour la FIQ.

Me Martin-Ménard, avocat de la famille, a lui aussi appelé à un changement de culture dans le système de santé à cause « des lacunes » qu’il y a eu dans ce dossier et qui dépassent le contexte de la situation de Joyce. Ce que plusieurs avocats ont mis en lumière aussi.

Il a notamment pris comme exemple la préposée aux bénéficiaires qui s’est défendue de ses propos en affirmant que c’était par simple bienveillance et pour motiver Mme Echaquan qu’elle les avait tenus.

Me Gauthier pour la FIQ a d’ailleurs plaidé pour des solutions mais qui partent de la tête de l’organisation : « il faut que le papa de la famille envoie le bon message! ».

Comme plusieurs avocats, elle a aussi exigé qu’on mette fin à la culture du silence qui empêche le personnel soignant de dénoncer.

Tous ont promis des actions concrètes pour établir ou rétablir des ponts avec la communauté atikamekw et que ses membres se sentent en sécurité à l’hôpital.

Plusieurs avocats ont parlé de la maison de la réconciliation qu’il faut construire brique par brique.

La famille a fait part de son soulagement de la fin de ces audiences, qui ont été extrêmement bouleversantes pour ses membres.

Elle dit avoir témoigné avec transparence et aurait aimé en voir autant de la part de certains témoins.

La famille a expliqué avoir besoin de réfléchir avant de s’exprimer, mais avoir confiance en la coroner et dans le processus. Elle a ensuite rejoint les centaines de personnes, portant du violet et des pancartes à l’effigie de Joyce, pour une grande marche dans les rues de Trois-Rivières.

Sur Facebook, le conjoint de Joyce Echaquan, Carol Dubé, avait invité mardi soir Autochtones et allochtones à venir y participer en grand nombre.

« On pourra montrer qu'on ne se déteste pas, qu'on s'aime, qu'on s'entraide », dit Carol Dubé.
2529

Publier un nouveau commentaire

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires