La Presse

Pourquoi Claude Robinson pourrait perdre en appel

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Rene Lewandowski

2010-04-16 10:15:00

Claude Robinson a gagné une première bataille, mais la victoire en Cour d'appel est loin d'être acquise, n'en déplaise à ses partisans. Le droit doit prévaloir...

Bien sûr, pour lui, il vaudrait mieux qu'il gagne, mais si jamais Claude Robinson devait perdre la bataille juridique qui l'oppose à Cinar et Cie, il pourra au moins se consoler à l'idée qu'il aura remporté la guerre de l'opinion publique. Grâce à l'appui de la population, le créateur est en effet maintenant mieux armé financièrement pour poursuivre son combat devant les tribunaux. La campagne de financement lancée la semaine dernière par plusieurs de ses amis lui aura permis d'amasser plus de 260 000$.

Cet élan de sympathie, l'homme le doit à sa bonhommie naturelle, à son courage, à sa ténacité et, bien entendu, à sa spectaculaire victoire remportée en août dernier en Cour supérieure, alors que le juge Claude Auclair lui a donné raison sur toute la ligne, traitant même ses opposants de bandits et les condamnant à lui verser 5,2 millions dollars, plus les intérêts.

Mais aussi claire qu'a été la victoire de Claude Robinson, elle n'en demeure pas moins une première étape; il reste le droit d'appel, dont se sont prévalus ses opposants. Certains de ses adversaires craignent que le battage médiatique en faveur de Claude Robinson puisse influencer la Cour d'appel. Après tout, les juges aussi lisent les journaux et regardent la télé. Mais rassurons-les sur-le-champ: dans le procès Norbourg, la Cour d'appel n'a pas bronché d'une miette, et a réduit, malgré le tollé général, les peines de Vincent Lacroix à cinq ans moins un jour de prison.

Quatre mémoires!

Au bout du compte, le procès Robinson contre Cinar et Cie va se régler sur des questions de droit et c'est très bien ainsi. À ce sujet, justement, les avocats des appelants ont récemment déposé leurs mémoires, au nombre de quatre. Gowlings, cabinet qui représente Claude Robinson, devra y répondre d'ici le 26 avril. Et il a beaucoup de pain sur la planche!



En Cour d'appel, en effet, le jugement Auclair sera attaqué sur plusieurs fronts. Les avocats des opposants remettront notamment en question le montant des dommages accordés et la responsabilité civile personnelle de certains des appelants. Mais le gros point sur lequel les trois magistrats du tribunal devront se pencher est celui concernant les droits d'auteur. Ils devront répondre à la question suivante: y a-t-il eu violation de droits d'auteur de Claude Robinson?

Manifestement, le juge de première instance a tranché que oui, mais avec leurs arguments, les avocats Pierre Y. Lefebvre, Alain Y. Dussault et Silviu Bursanescu, du cabinet Fasken Martineau, vont tout faire pour ébranler le premier jugement.

Dans un premier temps, les avocats de Fasken soutiennent que, pour définir le projet Curiosité (celui de Claude Robinson), «le juge a erré en droit en considérant comme faisant partie du projet les idées, scénarios et dessins contenus à la pièce P-18 alors que Robinson les a écartés dans sa version la plus achevée». Ce qu'ils disent, dans le fond, c'est que le juge n'aurait pas dû tenir compte des brouillons du créateur pour déterminer le plagiat; il devait s'en tenir à la version définitive.

Ils estiment aussi que le juge Auclair a erré en droit parce qu'il n'a pas bien défini ce qu'était l'œuvre originale de Claude Robinson. En conséquence, clament-ils, il n'a pas pu correctement déterminer quelle partie de l'oeuvre aurait été reprise par leurs clients.

Enfin, pour déterminer s'il y a une reprise importante ou substantielle de Curiosité dans Sucroë (le Robinson de Cinar), ils prétendent que «le juge a erré en droit en ne considérant pas les deux oeuvres dans leur ensemble et en se limitant à relever les similitudes sans tenir compte des différences». Or, selon eux, les différences sont énormes, beaucoup plus importantes en fait que les ressemblances.

Au Canada, la Loi sur le droit d'auteur mentionne qu'on a le droit de copier une idée; ce que l'on ne peut faire, c'est s'approprier l'expression d'une idée. Par exemple, un journaliste peut très bien s'inspirer d'un article pour écrire un texte, sans toutefois recopier mot pour mot l'article en question. Le nouveau texte aura certes des similitudes avec l'«original», mais il comportera aussi des différences.

C'est cette notion qui est en jeu dans le procès Robinson: quelle partie d'une œuvre peut être reprise sans que ça ne soit considéré comme du plagiat? Il s'agit d'un enjeu majeur, car si le jugement Auclair demeure, cela pourrait avoir des conséquences importantes sur le travail de milliers de créateurs. Alors que la Loi sur le droit d'auteur permet la libre circulation des idées, beaucoup d'auteurs risqueraient de se faire poursuivre parce qu'ils se seraient un peu trop inspirés d'une œuvre concurrente.

Un enjeu national? Assurément. Rendez-vous donc en Cour suprême...
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8 commentaires

  1. Me
    Me
    Personnellement les "bets" dans les instances d'appel, moi je les formule en regardant qui a fait le mémoire. Bien que je n'ai rien à dire envers Lafortune, Multifactum, ou les autres sweatshops à mémoires, j'ai des doutes sur cette méthode. Sous-traiter un mémoire me semble un manque aux obligations envers le client. À chaque fois que j'ai gagné en appel, mes mémoires je les ai pondus moi-même même si j'ai du m'adjoindre d'un ou deux autres avocats ou stagiaires. Il faut "sentir" ce que l'on a à dire. En principe je suis contre l'utilisation de ces sweatshops.

  2. 23761
    alors là...
    Alors que feras-tu si le mémoire de chacun des appelants et des intimés est fait par Lafortune?

  3. Me
    Me
    > Alors que feras-tu si le mémoire de chacun des appelants et des intimés est fait par Lafortune?

    Aucun de Davies, LKD, BLG et Fasken ne sont capables de pondre leur propre mémoire... Honteux! Les clients devraient s'en inquiéter. Le détachement qu'impose la sous-traitance est de nature à complètement détruire la relation de confiance avocat-client de même que l'implication que l'avocat doit avoir dans le dossier. Malheureusement le client est soit tenu dans l'ignorance soit il ne réalise pas ce que la sous-traintance des mémoires signifie.

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Re: Me
    >Malheureusement le client est soit tenu dans l'ignorance soit il ne réalise pas ce que la sous-traintance des mémoires signifie.


    Éclairez-moi, puisque je suis également dans l'ignorance.

    J'ai toujours cru que ces gens n'offraient que des services d'édition électronique et d'imprimerie. Ils contribuent aux arguments aussi ?

  5. Moi-même
    Moi-même
    il y a 14 ans
    Re : Me
    Ces firmes font une relecture et une mise en page, rien de plus. Jamais des grands cabinets ne les laisseraient contribuer à l'argumentation! Ben voyons donc Me rêve en couleur et veut y croire en plus!!!

  6. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    "bets" de Me en regardant qui a fait le mémoire.
    Me n'a toujours pas répondu.
    Comment feras-tu ton bet si le mémoire de chacune des parties est physiquement préparé par la même compagnie?

    Par ailleurs, ces gens, quoique très précieux et oh combien utiles, n'offrent effectivement que des services d'édition électronique, mise en page, impression, liens dans les documents, confection des volumes, coordination du processus, etc.

  7. GBS
    GBS
    On dirait que quelqu'un n'est jamais allé en Appel.

    C'est très pratique de faire faire sa mise en page par ces entreprises.

  8. Me
    Me
    Je n'ai jamais fait affaire avec Lafortune. Si Lafortune, en particulier, ne fait pas de contenu c'est loin d'être le cas pour d'autres avocats solo ou sweatshops qui sont prêts aussi à faire du contenu et recherche.

    Donc je me suis trompé au sujet de Lafortune, sweatshop que je ne connaissais pas. Mon commentaire critique demeure tout à fait valable au sujet des autres.

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