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Nouvelle année… nouvelles obligations pour les entreprises québécoises en matière de transparence corporative!

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Guillaume Lapierre Et Katherine Gervais

2023-02-06 11:15:00

Quelles sont les nouvelles obligations au Québec pour les entreprises en matière de transparence corporative ?

Guillaume Lapierre et Katherine Gervais, les auteurs de cet article. Source: Therrien Couture Joli-Coeur
Guillaume Lapierre et Katherine Gervais, les auteurs de cet article. Source: Therrien Couture Joli-Coeur
Le 8 juin 2021, le gouvernement provincial sanctionnait la Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises, soit le Projet de loi n° 78 (2021, chapitre 19) (« PL-78 »), dont les obligations entreront en vigueur dès le 31 mars 2023.

Le PL-78 modifie la Loi sur la publicité légale des entreprises (« LPLE ») et le Règlement d’application de la Loi sur la publicité légale des entreprises. Ce projet de loi instaure de nouvelles obligations relatives à la publication des informations par les assujettis, qui seront détaillées dans le présent article.

L’ensemble des actionnaires, associés, administrateurs et dirigeants des entreprises immatriculées auprès du Registraire des entreprises du Québec (« REQ ») de même que leurs conseillers et conseillères juridiques, comptables et fiscaux devront se familiariser avec les présentes modifications, car l’impact de ces changements sur les assujettis est non négligeable.

Quelles sont les nouvelles obligations?

Désormais, les assujettis seront dans l’obligation de déclarer les bénéficiaires ultimes de leurs entreprises, de fournir les pièces d’identité de tous leurs administrateurs et de déclarer la date de naissance des personnes physiques inscrites au REQ.

En outre, les modifications proposées par le PL-78 permettront dorénavant aux personnes physiques exploitant une entreprise individuelle de déclarer au REQ une adresse professionnelle. À ce propos, si l’assujetti choisit de déclarer une adresse professionnelle d’une personne physique, l’adresse du domicile de cette personne devra tout de même être déclarée, mais elle pourra alors demeurer secrète du public. Néanmoins, un huissier de justice pourra, dans l’exercice de sa profession, consulter les informations relatives au domicile de toute personne afin d’exercer les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi.

Finalement, le REQ entend optimiser son moteur de recherche pour le bénéfice de celles et ceux qui l’utilise, afin que le nom d’une personne physique puisse maintenant faire partie d’un regroupement d’informations ou encore servir de base de recherche. Notons toutefois que les recherches sous le nom d’une personne physique ne pourront se faire qu’à compter du 31 mars 2024.

Dates importantes à retenir

La LPLE, telle que modifiée par le PL-78, entrera en vigueur le 31 mars 2023. C’est donc à partir de ce moment que les entreprises devront s’y conformer. Le gouvernement a prévu une mise en application progressive du PL-78, afin que les assujettis puissent s’y conformer au cours de la prochaine année.

Évidemment, un assujetti qui n’est pas encore immatriculé au REQ en date du 31 mars 2023 devra déclarer les informations sur le bénéficiaire ultime au moment de la production de sa déclaration d’immatriculation, de sa déclaration initiale ou de sa déclaration de réimmatriculation. Ce sera le cas, par exemple, de l’ensemble des sociétés qui seront constituées après cette date et qui exploiteront leurs activités au Québec.

D’autre part, les entreprises qui sont déjà en opérations au Québec ou constituées en vertu de la Loi sur les sociétés par actions, donc immatriculées au REQ, ne seront pas tenues de déclarer les informations obligatoires relatives à leurs bénéficiaires ultimes, avant la production de leur première mise à jour annuelle suivant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi, ou lors d’une déclaration de mise à jour courante, le cas échéant.

Aux fins d’éclaircissement au sujet des déclarations de mise à jour courante, notons qu’un changement ou une modification aux informations obligatoirement contenues au REQ imposera alors aux assujettis de produire cette demande, et ce, même si la période de production de la déclaration annuelle ne soit pas encore arrivée à échéance.

À cet égard, précisons que le gouvernement provincial mentionne dans les directives du PL-78 que les assujettis, considérés comme des entreprises dites « jumelées » aux fins de l’impôt, pourront, lors de leur première déclaration de revenus suivant l’entrée en vigueur des nouvelles obligations, cocher « non » à la case 39 ou 436 de la déclaration de revenus applicable selon le cas.

Les assujettis devront alors produire leur déclaration de mise à jour annuelle directement auprès du REQ pour déclarer les nouvelles informations, et non produire le tout en une seule et même étape. Suite à cette première déclaration auprès du REQ, les entreprises pourront de nouveau produire leur déclaration de mise à jour annuelle via la déclaration de revenus comme il est actuellement possible de le faire.

Quelles entreprises devront déclarer un bénéficiaire ultime?

Selon les modifications apportées à la LPLE, voici les entreprises, québécoises, canadiennes ou étrangères, qui devront déclarer un bénéficiaire ultime :
  • Sociétés par actions exploitant une activité visée par la LPLE au Québec;

  • Personne physique exploitant une entreprise individuelle;

  • Sociétés de personnes (ex. : société en commandite, société en nom collectif) exploitant une activité visée par la LPLE au Québec;

  • Coopératives exploitant une activité visée par la LPLE au Québec, à l’exception des coopératives de services financiers;

  • Fiducies exploitant une entreprise à caractère commercial.

  • Par ailleurs, certaines formes d’entreprise sont exemptées de ces nouvelles obligations, soient :
  • Les personnes morales de droit public;

  • Les personnes morales sans but lucratif;

  • Un émetteur assujetti au sens des articles 68 et suivant la Loi sur les valeurs mobilières;

  • Une institution financière visée par les paragraphes 1 à 3 de l'article 4 de la Loi sur les assureurs soit les assureurs autorisés à exercer l’activité d’assureur en vertu de la Loi sur les assureurs, les institutions de dépôts autorisées en vertu de la Loi sur les institutions de dépôts et la protection des dépôts, les coopératives de services financiers au sens de la Loi sur les coopératives de services financiers;

  • Une société de fiducie régie par une loi provinciale ou fédérale, ou par une loi d'une autre province ou d'un territoire du Canada;

  • Une banque ou une banque étrangère autorisée figurant aux annexes I, II et III de la Loi sur les banques;

  • Les associations au sens du Code civil du Québec;

  • Les sociétés en participation au sens du Code civil du Québec.

  • Qu’est-ce qu’un « bénéficiaire ultime »?

    Pour les entreprises qui seront qualifiées comme étant assujetties aux nouvelles obligations, il importe de connaitre adéquatement la portée de la nouvelle désignation de « bénéficiaire ultime ». Il s’agit en fait d’une personne physique qui détient un droit au sein d’un assujetti de façon que celui-ci lui permette de profiter d’une partie des revenus ou des actifs de l’entreprise, ou encore de diriger ou d’influencer les activités d’une telle entreprise.

    C’est-à-dire les personnes physiques qui ont un réel pouvoir de contrôle et un impact sur les affaires d’une entreprise, que ce soit par le contrôle de droit ou le contrôle de fait. D’ailleurs, une entreprise peut avoir plusieurs bénéficiaires ultimes. Il est donc important que chacune des ces personnes soit déclarée au REQ.

    Une ou un bénéficiaire ultime, au sens de la loi, est notamment la personne qui :
  • Possède 25 % ou plus des droits de vote, et ce même indirectement;

  • Possède 25 % ou plus de la juste valeur marchande, de toutes les actions, parts ou unités émises par l’assujetti, et ce même indirectement;

  • A une influence directe ou indirecte qui pourrait se traduire par un contrôle de fait[11].

  • Relativement au contrôle de fait, soit la composante la plus subjective de l’analyse à savoir si une personne est qualifiée comme étant « bénéficiaire ultime », il s’entend d’une personne physique qui exerce une influence de manière importante sur les décisions de l’entreprise. Ainsi, la notion de contrôle de fait est intimement liée à son interprétation en vertu de la Loi sur les impôts, compte tenu des adaptations nécessaires.

    Pour déterminer si une personne exerce une telle influence, il s’agit d’une analyse factuelle et juridique qui dépendra du contexte. Ainsi, pour déterminer si une personne a, relativement à une entreprise, une influence directe ou indirecte telle que, si elle était exercée, il en résulterait un contrôle de fait Il faut prendre en compte l’ensemble des facteurs pertinents dans les circonstances.

    Il existe plusieurs situations de contrôle de fait. Il peut s’agir, par exemple, d’un membre de la famille qui exerce cette influence, d’un créancier majeur ou d’un employé de longue date. Il est à noter que les situations de contrôle de fait ne se limitent pas à ces exemples, il est donc recommandé de consulter le Guide du gouvernement sur le sujet et d’en discuter avec une ou un juriste.

    Par ailleurs, le PL-78 édicte que lorsque des personnes physiques détentrices, même indirectement, ou bénéficiaires d’actions, de parts ou d’unités d’un assujetti ont convenu d’exercer conjointement les droits de vote afférents à celles-ci et que cette entente a pour effet de leur conférer ensemble la faculté d’exercer 25 % ou plus de ces droits, chacune d’elles est considérée être un bénéficiaire ultime de l’assujetti.

    Dans le cas d’une entreprise individuelle, la personne physique qui l’exploite sera présumée être la seule bénéficiaire ultime, à moins de déclaration contraire.

    Finalement, notons que le gouvernement pourra fixer par règlement d’autres cas et conditions selon lesquels une personne physique sera considérée être un bénéficiaire ultime, il sera alors intéressant de suivre l’évolution en cette matière au cours des prochaines années.

    Quelles seront les informations à déclarer au REQ?

    Les bénéficiaires ultimes devront déclarer au REQ :
  • Leurs noms et prénom;

  • Leurs domiciles;

  • Leurs dates de naissance;

  • La date à laquelle ils sont devenus des bénéficiaires ultimes et la date où ils ont cessé d’être considéré ainsi; et

  • La façon dont les bénéficiaires ultimes se qualifient ainsi.

Ceci implique que certaines informations à transmettre au REQ seront accessibles au public alors que d’autres ne le seront pas, et ce, dans un esprit de protection des données personnelles des diverses parties intervenantes. C’est le cas notamment de la date de naissance et du domicile des bénéficiaires ultimes, s’ils ont également déclaré un domicile professionnel. Cette responsabilité de déclarer les présentes informations incombera aux entreprises assujetties en vertu de la LPLE.

Notons que les dates de naissance et les domiciles, si une adresse professionnelle est déclarée, ne seront pas affichés à la vue du public, alors que l’ensemble des autres informations apparaitront publiquement au REQ. Un huissier de justice pourra cependant, dans l’exercice de sa profession, consulter les informations relatives au domicile de toute personne physique.

Les registres qui se retrouvent dans les livres des sociétés devront alors être modifiés afin de tenir compte de cette nouvelle composante relativement aux bénéficiaires ultimes et indiquer les informations nécessaires.

Fournir les pièces d’identité des administrateurs

Il sera désormais obligatoire pour chaque administratrice active et administrateur actif au REQ de même que pour chaque nouvel administrateur élu de fournir une copie d’une pièce d’identité à l’appui de toute déclaration ou mise à jour des informations relatives à ceux-ci. Il s’agit, pour le REQ, d’une façon de s’assurer de l’exactitude du nom, du prénom et de la date de naissance des administrateurs de l’entreprise.

À cette fin, la pièce d’identité doit être valide et émise par une autorité gouvernementale, soit une entité qui relève d’un gouvernement. Seules les pièces d'identité ayant un nom, un prénom et une date de naissance seront acceptées.

À quelles sanctions s’exposent les entreprises en cas de défaut?

L’assujetti qui ne se conforme pas à ses obligations s’expose à des sanctions administratives ou pénales, les pénalités pouvant aller jusqu’à 20 000 $ selon le cas. Ces amendes sont toutefois portées au double en cas de récidive.

Ce qu’il faut retenir

En somme, les nouvelles obligations imposées par le gouvernement apportent une toute nouvelle perspective au regard de la transparence des entreprises faisant affaires en sol québécois. Les nouvelles mesures renforceront la protection du public et permettront de lutter contre l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent ainsi que la corruption.

Être accompagné par vos conseillers juridiques en droit des affaires s’avèrera plus que pertinent. Pour toute question concernant les nouvelles obligations auxquelles votre entreprise doit se conformer en vertu du PL-78, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe en droit des affaires.

Cet article a été publié à l’origine sur le site du cabinet Therrien Couture Joli-Coeur.

À propos des auteurs :

Me Guillaume Lapierre est associé au sein du cabinet Therrien Couture Joli-Coeur.

Celui-ci accompagne et conseille, depuis le début de sa pratique, une vaste clientèle d’entrepreneurs de PME issues de secteurs d’activités variés dans diverses facettes du droit des affaires.

Katherine Gervais est stagiaire au sein du cabinet Therrien Couture Joli-Coeur. Elle est diplômée de l'Université du Québec à Montréal.
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2 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    déclarer la date de naissance des personnes physiques
    ça va être le Klondike pour les fraudeurs !

    Une autre idée de génie du législateur...

  2. Felipe
    Felipe
    il y a un an
    Pour faire plaisir aux journalisssss
    Un beau registre qui plaira aux journalistes du J de Mtl afin qu’ils puissent écrire des articles du genre: « Scandale: tel ou telle est actionnaire de trois sociétés, ça doit être un fraudeur abuseur du système. Qui plus est, il a vendu son condo d’une valeur de 600k, il doit être milliardaire ».

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