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Achat de publicités: Quebecor menace Radio Canada de poursuites judiciaires

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La Presse Canadienne

2012-01-11 16:02:00

Le géant médiatique Quebecor a menacé Radio-Canada de poursuites judiciaires si le diffuseur public n'achète pas plus de publicités dans ses journaux et magazines.

Dans un autre chapitre du conflit entre les deux organisations, Pierre Karl Péladeau, le grand patron de Quebecor, a averti le président-directeur général de Radio-Canada, Hubert Lacroix, que s'il persistait à "boycotter" ses diverses publications pour l'achat de publicités, il pourrait s'adresser aux tribunaux.

Il a lancé cet avertissement dans une lettre datée du 7 septembre 2011, obtenue avec une liasse de correspondance, en vertu d'une demande d'accès à l'information formulée par La Presse Canadienne.

Cette lettre fait partie d'un échange sur ce même sujet entre les deux dirigeants, étalé sur plus de deux ans, depuis au moins août 2009. Avec cette missive de l'automne 2011, le ton a toutefois monté.

PKP veut que Radio-Canada achète plus de pub dans ses journaux et magazines!
PKP veut que Radio-Canada achète plus de pub dans ses journaux et magazines!
"Si vous persistez à porter préjudice aux Canadiens en poursuivant cette démarche illégale, nous vous avisons par la présente que nous pourrions nous adresser aux tribunaux afin de faire cesser ces pratiques tout aussi mesquines qu'illicites", avertit M. Péladeau.

Les menaces voilées se poursuivent dans une lettre subséquente, en décembre dernier.

"Nous souhaitons, pour le bénéfice mutuel des entreprises que nous dirigeons et surtout pour le plus grand bien des Canadiens, que cesse cet abus de droit et que vous réajustiez le tir rapidement, afin d'éviter que nous devions nous résoudre à nous engager dans des avenues nous permettant de protéger nos droits", écrit le dirigeant de Quebecor, dans une lettre mise en ligne sur son propre site Internet.

M. Péladeau en déduit que Radio-Canada a cessé d'acheter des publicités lors des lock-out décrétés par Quebecor au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Il estime qu'il s'agit aussi de "mesures de rétorsion" pour les critiques effectuées par les journalistes de ses quotidiens _ autant au Québec que dans le reste du Canada par l'entremise des reporters de Sun Media _ envers la société d'État.

Il estime que ses publications sont lésées, puisque ce sont en bonne partie les revenus publicitaires qui sont responsables des profits des médias. Il juge que le diffuseur public, qui est financé par les contribuables, ne peut se servir d'une telle stratégie envers un compétiteur, répète-t-il dans plusieurs lettres, auxquelles il joint tableaux, chiffres et graphiques à l'appui pour mettre en évidence l'important lectorat de ses journaux, surtout du Journal de Montréal.

La semaine dernière, M. Péladeau offrait ses voeux de bonne année à M. Lacroix _ dans une autre lettre mise en ligne sur le site Web de Quebecor _ profitant de l'occasion pour lui souligner qu'il ne semblait pas avoir pris pour la nouvelle année la résolution "d'éliminer ses pratiques publicitaires discriminatoires".

Mais Quebecor n'est pas encore passée aux actes. Aucune poursuite judiciaire n'a été intentée pour le moment.

"Le service juridique de Quebecor Media est à achever l'analyse du dossier. Puisque nous en sommes maintenant à la dernière phase de notre analyse, il ne nous apparaît pas approprié de commenter plus avant", a fait savoir cette semaine Serge Sasseville, le vice-président, affaires corporatives et institutionnelles de Quebecor, lorsque questionné sur la concrétisation d'une poursuite judiciaire.

Il répondait ainsi par courriel aux demandes d'entrevue formulées par La Presse Canadienne _ d'abord pour interroger M. Péladeau, puis M. Sasseville _ et cela, après avoir exigé d'obtenir par écrit les questions.

Quant à Radio-Canada, elle juge ses pratiques publicitaires tout à fait légitimes.

Que fera Hubert Lacroix?
Que fera Hubert Lacroix?
"On n'a rien à se reprocher", a déclaré Marco Dubé, porte-parole pour CBC/Radio-Canada. Le diffuseur public ne montre aucun signe qu'il entend modifier sa stratégie de placement publicitaire.

Dans ses lettres, M. Lacroix soulignait d'ailleurs que si peu de publicités sont achetées dans les journaux de Quebecor, c'est parce leurs lecteurs ne représentent pas le public cible de Radio-Canada.

"Le choix des véhicules publicitaires pour faire la promotion de la programmation de Radio-Canada se fait sans égard aux considérations de propriété. (...) Ses choix de placements publicitaires répondent uniquement aux impératifs de promotion de sa programmation", écrit M. Lacroix dans une lettre du 29 septembre 2009 adressée à M. Péladeau, qui résume la teneur des propos répétés dans plusieurs missives.

M. Péladeau rétorque à maintes reprises que le Journal de Montréal est le quotidien le plus lu au Québec et que Radio-Canada prive ainsi une bonne partie de la population des informations sur sa programmation et sa couverture de nouvelles.

Dans ses lettres, M. Péladeau qualifie tour à tour la stratégie de Radio-Canada d'"illicite", d'"illégale", de "mesquine", d'"insensée" et de "pernicieuse", en plus d'alléguer qu'elle est contraire à la mission du diffuseur public et à la loi canadienne sur la radiodiffusion.

Il avait déjà dénoncé la situation, notamment publiquement lors de sa comparution devant un comité parlementaire à Ottawa en octobre dernier.

Prudent, Marco Dubé refuse de qualifier les propos de M. Péladeau de "menaces", mais affirme les prendre au sérieux, comme toute autre correspondance. "Nous, on voit cela comme une stratégie commerciale", dit-il au sujet des lettres de Quebecor.

Il insiste que Radio-Canada a acheté des publicités dans les quotidiens de Quebecor au cours des dernières années, mais n'avait pas les chiffres pour préciser si ces achats avaient diminué au cours des deux dernières années, soit la période cernée par le pdg de Quebecor. Il souligne que Quebecor n'achète aucune publicité à Radio-Canada.

Les correspondances entre les deux hommes ont été également envoyées en copie conforme à quelques reprises à des membres du gouvernement conservateur, tels que le ministre du Patrimoine canadien James Moore et même le premier ministre Stephen Harper. M. Péladeau a même écrit directement à M. Harper pour se plaindre de la situation.

Mais M. Dubé assure qu'il n'y a eu aucune intervention du gouvernement.

"Le gouvernement est au courant, mais personne au gouvernement n'est intervenu pour influencer nos décisions à ce sujet-là", a-t-il déclaré en entrevue.
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