Et si on se mariait pour 5 ans ?
Emeline Magnier
2014-08-07 15:00:00
Si la jeune femme a participé à une vingtaine d'entrevues à travers le pays, c’est parce que le sujet de son mémoire de maîtrise intrigue les juristes ; il est intitulé « La création du mariage à terme dans le cadre législatif québécois ».
« Au départ, les gens sont surpris, mais quand je leur explique le principe ils aiment l'idée », commente l’étudiante âgée de 27 ans.
C'est en discutant du mariage avec l'un de ses enseignants que lui est venue cette idée, qu'elle qualifie elle-même de farfelue. « Mon professeur me disait que comme j'étais une fille intelligente qui ferait beaucoup d'argent, je ne me marierais pas. »
Pour elle, le principe du mariage ad vitam aeternam est quelque peu dépassé et l'institution devrait connaître un renouveau : « Notre société est rendue à un point où l’on peut envisager d'autres alternatives ».
Repenser l’institution du mariage

Mais trouver l’idée ne suffit pas, encore fallait il qu'un professeur accepte de diriger ses travaux pour le moins différents des sujets habituellement proposés. « On me disait que ça ne pouvait pas fonctionner, mais on ne m'expliquait pas pourquoi. C'est aussi sur ce point que j'ai travaillé dans mon mémoire. »
Après avoir sollicité un professeur en droit des obligations et un autre en droit de la famille, le professeur agrégé Charles Maxime Panaccio s'est porté volontaire pour superviser l'étudiante. « Il a trouvé ça choquant et amusant, puis a accepté », indique Véronique.
Plus qu'un travail de recherche, d'analyse et de rédaction, l'étudiante-notaire a dû faire preuve d'imagination et de création pour concevoir un cadre juridique capable de supporter son idée novatrice.
Un contrat à durée déterminée
Il s'agirait d'une sorte de contrat de mariage passé devant notaire, qui comporterait une clause de terme à l'issue duquel l'engagement marital arriverait à échéance et serait dissous selon les dispositions préalablement définies. « Les parties peuvent décider de la durée, ça peut être cinq ou dix ans. »
Comme toute convention privée, les futurs époux pourraient user de leur liberté contractuelle et insérer toutes les clauses qu'ils jugeraient utiles, en respectant bien sûr les dispositions d'ordre public. « Tout ce qui peut être négociable peut être négocié », rappelle Véronique.
À l'arrivée du terme, deux options s'offriraient alors aux époux unis « pour une durée limitée » : ils pourrait décider de renouveler leur contrat devant notaire pour une durée supplémentaire ou divorcer selon les dispositions prévues au contrat, toujours devant « le juriste de l’entente ».
En cas d'inaction des parties, elles perdraient le bénéfice du terme et seraient alors mariées selon le régime « classique », pour le meilleur et pour le pire et surtout, pour toute la vie.
Deux obstacles légaux

Il serait alors possible de mettre fin à l'union en saisissant la cour qui suivrait la procédure de divorce telle que prévue par la loi et assurerait l'application du contrat de mariage, la clause de terme en moins.
La Loi sur le divorce devrait aussi être modifiée pour ajouter l'arrivée du terme à la liste des causes d'échec du mariage.
Pour Véronique, ce nouveau type d'union permettrait de séduire les couples qui considèrent le mariage comme un engagement trop contraignant et formel, en plus de contribuer au désengorgement des tribunaux. « En passant par un notaire, le processus serait plus rapide et moins coûteux. »
Testé et approuvé
Investie dans son projet, Véronique a elle-même testé le concept de l'engagement à terme avec son conjoint, en l'adaptant pour en faire un contrat de cohabitation à durée déterminée. « Ça l'a un peu effrayé au début, mais il a finalement accepté », explique-t-elle.
Après un contrat initial de trois mois, le couple s'est entendu pour un renouvellement de six mois, puis d'un an, en renégociant quelques clauses à l'arrivée des échéances, dont Véronique garde le secret, intimité oblige. « Nous sommes toujours ensemble, heureux et amoureux. Le prochain c'est pour cinq ans ! »
Si certains pensent que Véronique est définitivement réfractaire au mariage tel qu'il est actuellement régi par le Code civil, ils se trompent : même si le mariage à terme ne devait jamais être adopté par le législateur, elle pense bien se marier un jour pour toujours et aimerait même pouvoir célébrer des unions quand elle sera diplômée, en mars 2015.
John
il y a 11 ansUn sujet de maîtrise bien intéressant et innovant sur le plan légal. Bravo
DSG
il y a 11 ansI’m just shocked that people are actually giving some attention to a law student’s thesis (which are usually as useless as a take-out menu for a Chinese restaurant that was shut down for health violations).
Pascale
il y a 11 ansJe pense que l'étudiante aurait du vérifier, son concept existe éjà d'une certaine manière au Québec. L'union civil au Québec est faite pour les couples qui décident de se "marier" sans être marier.La cérémonie et la dissolution peut se faire chez un notaire.
La société en générale dit que le divorce coûte cher, je crois que la seule chose qui coûte cher, c'est les disputes des couples qui se divorcent. Si les couples s'entendent et prennent les formulaires disponible par Publication Québec, cela peut couter seulement les frais juridiques!
Anonyme
il y a 11 ansÀ la base, un mariage est un contrat. S,il est possible de mettre un terme dans tout type de contrat, pourquoi ne pas être libre de le faire dans un contrat de mariage? C,est hypocrite de dire "oui" pour la vie, alors qu'on sait très bien que les temps ont changé et que le divorce est une option dont 50% des gens se prévalent.
On est libre de négocier bien des éléments dans un contrat de mariage, donc pourquoi pas le terme. Un contrat de mariage prévoit justement les conséquences juridiques de la fin du mariage. Allons y jusqu'au bout et prévoyons le terme avec option de renouvellement, si les gens se sentent plus à l'aise avec cette condition. C'est sans "âme" comme le dit Isabelle, mais ainsi en est-il des prenup.
Les enfants dans tout ça sont protégé par la loi. Le système de pension alimentaire est le même pour les enfants issus du mariage que ceux issus des unions de fait. Ce n'est pas la clause de "fin" du mariage qui affectera le régime juridique applicable aux enfants.
Anonyme
il y a 11 ansC'est ça qui arrive avec un notaire créatif.
Nicolas Rioux
il y a 11 ansBien que le concept puisse paraître un peu étrange et en dehors des moeurs de notre société, la question n'est pas: -Est-ce que cette union serait saine pour les mariés? mais plutôt -Sont-il en droit de le faire?
Nous vivons dans un pays libre et toutes personnes gênées par les contraintes actuelles effrayantes du mariage pourrait être contournées. Un tas de gens pourrait bénéficier de ces idées novatrices.