Séance ciné : des hommes d’influence

Céline Gobert
2012-03-02 17:00:00
Pour les avocats et avocates en solo qui ont toujours rêvé de décrocher LE procès du siècle

Peu importe la réponse, finalement. L’essentiel est ailleurs.
Dans la peinture que font Adam et Mark Kassen (ce dernier incarnant l’associé de Weiss) d’un monde judiciaire marionnette, corrompu par le business et le système. Assurance-maladie, dirigeants d’hôpitaux, industrie pharmaceutique, unis par l’appât du gain, au détriment de la vie humaine.
Le film, plus intéressant dans le fond que sur la forme, offre à entendre des chiffres et faits inquiétants : plus de 800 000 piqûres accidentelles par année aux Etats-Unis impliquant du personnel médical, des seringues réutilisées des centaines de fois dans les pays pauvres, notamment sur le continent africain, des millions de contaminations par le virus du sida et de l’hépatite par année.
A l’origine d’un procès qui fait date, puisqu’à la suite de celui-ci de nombreux hôpitaux ont adopté la fameuse seringue de sûreté, deux jeunes avocats fauchés pratiquant en solo: l’un s’apprête à devenir papa, l’autre est un junkie notoire.
Un combat, plutôt paradoxal pour le drogué, que retrace le film sans forcer le trait côté noirceur. Chris Evans (Captain America) livre une prestation plutôt convaincante, dans la retenue. Et le ton de l’ensemble reste salutairement fun, bien loin du film de procès rébarbatif.
D comme Di Caprio
Pour les avocats et avocates fascinés par l’Histoire, la politique, l’intime. Et Clint Eastwood.

Si le film est séduisant de tous côtés- politiquement, historiquement, cinématographiquement- il trouve son supplément d’âme dans ce paradoxe-là, cette faille dans laquelle s’engouffrent Clint Eastwood, par goût du non-dit, et Dustin Lance Black, scénariste oscarisé pour Harvey Milk, visiblement très attiré par la thématique. Fils à maman (Judi Dench, au passage impeccable), fin stratège, figure de pouvoir, monstre de détermination, petit garçon effrayé : J. Edgar Hoover est disséqué sous toutes les coutures.
Incarné par l’acteur-à-tout-faire Leonardo Di Caprio, l’un des plus grands comédiens de notre époque (oui, oui), l’homme qui a indubitablement marqué son temps, irrité autant que fasciné, bouleversé les acquis (accès à l’information, espionnage, débats juridiques) et questionné les consciences se transforme en étonnant protagoniste de cinéma. Du pain béni pour Eastwood qui puise dans la richesse psychologique de son personnage, matière à passionner.
Son biopic, d’une rigueur formelle toujours remarquable, captive de bout en bout. Comme à l’accoutumée chez le cinéaste, l’élégance apparente ne cache rien de moins qu’une immense précision, et la pudeur générale dissimule de grands tourments intérieurs.
Même s’il on reste bien en deçà des chocs émotionnels que furent Gran Torino ou Million Dollar Baby, J. Edgar est un film à saluer, qui conjugue Histoire et humanisme, délicatesse et politique. Avec classe, et sobriété.