Action collective contre la LHJMQ
Radio -canada
2023-05-25 13:15:00
Carl Latulippe, un ex-joueur des Saguenéens de Chicoutimi, est le requérant principal de cette action collective, déposé par le cabinet Kugler Kandestin.
Celui qui a joué six matchs pour les Saguenéens affirme avoir subi des abus physiques et psychologiques comme recrue à l'automne 1994. Le choix de premier tour au repêchage aurait notamment été enfermé dans les toilettes de l'autobus et aurait été forcé de se masturber lors d'un voyage en Abitibi.
« M. Latulippe a subi des abus répréhensibles lorsqu’il jouait dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec », a déclaré Me Dave Stolow, l'avocat chargé du dossier. « Il voulait avoir un forum, non seulement pour lui, mais de façon aussi importante pour les autres joueurs de la ligue qui ont subi des abus. Il veut que les gens aient une occasion de se faire entendre et de voir à ce que les abuseurs seront tenus responsables pour ce qui est arrivé aux membres du groupe. »
Pour l'instant, les avocats recommandent à Carl Latulippe de ne pas donner d'entrevues pour éviter que la cause se transporte devant les médias. Me Stolow soutient toutefois, qu'encore aujourd'hui, son client souffre des sévices qu'on lui a infligés.
« À cause des abus qu’il a subis, M. Latulippe est une personne anxieuse. Il n’était pas anxieux avant de jouer dans la ligue. Il souffre de claustrophobie et d’agoraphobie, il a du mal à se trouver dans de grands groupes de personnes, à prendre des avions et le transport public. Alors, effectivement, il subit toujours des séquelles de ces abus », explique-t-il.
Des points à éclaircir
Le témoignage de Carl Latulippe avait été corroboré en partie par un membre de cette édition, mais nié par la totalité des autres joueurs alors contactés par Radio-Canada. Yanick Jean, l’actuel entraîneur-chef, faisait partie de cette formation.
« Très étonné, comme j'ai dit, je n'ai jamais vu, entendu, subi, fait subir rien de ce qui est là-dedans. Puis, ça va me faire plaisir de collaborer avec l'enquête indépendante », avait-il alors dit.
En avril, la LHJMQ avait indiqué avoir lancé une enquête portant sur des cas allégués d'agressions sexuelles commises chez les Saguenéens dans les années 1990.
Carl Latulippe réclame aujourd’hui 650 000 $ aux défendeurs, en plus de 15 000 000 $ en dommages-intérêts punitifs et exemplaires collectifs.
« Il s’agit d’une somme qui reflète la nature des abus, de la durée au cours de laquelle ils ont été subis, la violation des droits fondamentaux des membres du groupe », a précisé Me Stolow. « Tout cela est pris en considération lorsqu’on demande des dommages punitifs et exemplaires. »
À Ottawa, la ministre des Sports Pascale St-Onge s'est dite d'avis « qu'il doit y avoir un changement de culture dans le monde du hockey et dans le monde du sport en général ». Elle estime que « le fait que les gens aujourd'hui en parlent, c'est une excellente chose parce qu'on brise cette culture du silence et qu'aujourd'hui ces personnes se sentent écoutées, entendues, crues ». Selon elle, « de tels recours en justice sont une démonstration comme quoi la société évolue ».
Isabelle Charest, la ministre québécoise responsable du Sport, n'a pas voulu parler directement du dossier, mais « encourage les victimes à dénoncer » les comportements répréhensibles.
En fin de journée, mercredi, la LHJMQ a réagi par voie de communiqué, affirmant être au courant des allégations de M. Latulippe, tout en rappelant qu'une enquête indépendante était toujours en cours. La ligue prévoit toujours déposer dans les prochaines semaines un plan d'action pour renforcer les initiatives visant au bien-être et à la sécurité de ses joueurs.
« La LHJMQ prend les allégations de maltraitance très au sérieux et condamne la conduite des individus ou des équipes qui ont agi de façon inappropriée et en dehors des attentes et des standards de la LHJMQ », peut-on lire dans le communiqué.
Contacté par Radio-Canada, le porte-parole de l'opposition officielle en matière de sports, de loisirs et de saines habitudes de vie, Enrico Ciccone, n'a pas souhaité commenter la nouvelle.
Des statuts bafoués
La demande d'autorisation d'action collective s'appuie notamment sur les statuts de la LCH et de la LHJMQ qui soutiennent toutes les deux que leur mission est d'encadrer les joueurs « dans un environnement sécuritaire et formateur pour les préparer à leur vie d’adulte », comme l'écrit la ligue québécoise.
On reproche ainsi aux ligues et aux équipes d'être responsables « de la création et de la tolérance d'une culture d'abus et de conduite criminelle à l'égard de joueurs mineurs qui comptaient sur les entraîneurs, les équipes et la ligue pour veiller à leur bien-être et pour les dommages subis par le demandeur et les membres du Groupe ».
Plus directement, ces reproches visent le commissaire du LHJMQ et les autres commissaires faisant partie de la LCH, qui auraient été « parfaitement au courant des abus commis au sein de leurs ligues » et n'auraient « rien fait pour y mettre fin ».
Tous les joueurs qui considèrent avoir été victimes d'abus sont invités à se manifester sans révéler leur identité.
« On veut les encourager à communiquer avec nous pour parler de leurs droits, et ce de façon absolument gratuite et strictement confidentielle. Personne n’a l’obligation de se dévoiler », a conclu Me David Stolow.
Révélations fracassantes
Une demande d'autorisation d'action collective visant sensiblement les mêmes objectifs avait été rejetée en février dernier par un juge ontarien. Dans ce cas, elle était portée par trois plaignants au nom de quelque 15 000 joueurs provenant des trois ligues de hockey junior majeur canadien, soit la LHJMQ et ses semblables en Ontario et dans l'Ouest canadien.
La décision du juge Paul Perrell avait semé la consternation au pays, avec ses révélations de cas révoltants de torture et d'agressions criminelles graves. Le magistrat avait cependant suggéré que les victimes lancent des procédures individuelles. La demande présentée au Québec prévoit d'ailleurs exclure les joueurs qui choisiraient cette voie.