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Action collective contre les fouilles à nu

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Didier Bert

2025-07-29 10:15:14

Une demande d’action collective vise le Procureur général du Québec pour la pratique systématique des fouilles à nu en prison. Les avocats?

Clara Poissant-Lespérance, Louis-Alexandre Hébert-Gosselin - Source: Trudel Johnston & Lespérance

Une demande d’autorisation d’une action collective reproche au gouvernement du Québec d’avoir maintenu les fouilles à nu dans les établissements de détention de la province.

C’est le Procureur général du Québec qui est ciblé, à titre de représentant du ministère de la Sécurité publique.

Le demandeur est un citoyen nommé Nelson Carey, qui vit présentement dans une maison de thérapie. Il a été incarcéré à plusieurs reprises dans les établissements de détention fédéraux et provinciaux de Montréal, de Baie-Comeau, de Parthenais, de Québec, de Sherbrooke, de Valleyfield, de Joliette, de Sept-Îles et de Hull.

Victime d’abus durant son enfance, puis tombé dans la dépendance aux drogues, M.Carey souffre de plusieurs problèmes de santé mentale. Déterminé à reconstruire sa vie, il suit un traitement contre la toxicomanie, dans la maison de thérapie où il vit.

Le demandeur est représenté par Me Clara Poissant-Lespérance et Me Louis-Alexandre Hébert-Gosselin du cabinet Trudel Johnston & Lespérance, qui ont déposé la demande devant la Cour supérieure du Québec.

Depuis sa première incarcération en 1994 jusqu'à la dernière en 2024, il a subi systématiquement des fouilles nu à chaque entrée et sortie des établissements de détention. « Les fouilles à nu qu’il a subies dans les 30 dernières années sont pratiquement toujours les mêmes d’un établissement à l’autre », pointe la demande. Cela consiste à « se dévêtir, se pencher, écarter ses fesses, tousser, manipuler ses organes génitaux et obéir aux ordres des gardes à chaque fouille à nu ».

Au total, ce sont des centaines de fouilles à nu que M.Carey a subi durant sa vie. « Aucune d’entre elles n’a mené à la découverte d’un objet prohibé sur sa personne dans un établissement provincial », précise la demande.

« Ces fouilles sont à jamais gravées dans sa mémoire en raison de leur caractère profondément humiliant, de leur banalisation et de leur fréquence. Le caractère abusif et arbitraire de cette routine atteint son paroxysme lors de ses transferts à Bordeaux pour comparaître en tant que prévenu, où les fouilles s’enchaînent en peu de temps. »

La demande décrit sept fouilles successives subies en quelques jours.

Elle précise également : « En 2020, M. Carey s’est fait fouiller à nu à Bordeaux avant une comparution par visioconférence, lors de laquelle il n’allait donc pas sortir de l’établissement. »

La demande dénonce l’absence totale d’intimité : « Dans la salle de fouille, chaque personne incarcérée est séparée des autres par de simples panneaux hauts d’environ 4 pieds. Toute personne qui entre peut ainsi voir celles qui sont en train de se faire fouiller. Cette configuration est en place depuis des années, sans qu’aucune mesure n’ait été prise pour y remédier. »

L’ex-détenu témoigne de l’humiliation ressentie. « Certaines fouilles sont particulièrement douloureuses. Lorsque les gardes lui ordonnent « d’écarter encore plus grand », de « se pencher encore plus bas », ou encore lorsqu’ils adoptent une attitude ou un ton « baveux », moqueur ou provocateur, M. Carey revit encore plus fortement les violences sexuelles de son enfance. Il note que les gardes à Bordeaux sont particulièrement méprisants et provocateurs. »

Une pratique dénoncée par la Cour suprême

Or, la Cour suprême a reconnu il y a plus de 24 ans que les fouilles à nu sont fondamentalement humiliantes et avilissantes, peu importe la manière dont elles sont effectuées, et qu’elles constituent une atteinte grave aux droits des personnes détenues, rappelle la demande.

Les fouilles à nu portent atteinte aux droits des membres du groupe protégés par la Charte canadienne et la Charte québécoise. « Le défendeur a également contrevenu à ses obligations en vertu du Code civil du Québec », allègue la demande.

Malgré l'existence d'alternatives plus efficaces et moins impactantes, des dizaines de milliers de fouilles à nu sont pratiquées chaque année dans les établissements de détention au Québec, soutient le demandeur.

L'action collective vise donc le Procureur général du Québec pour avoir « tardé à mettre en place des méthodes de fouille alternatives moins attentatoires connues et recommandées, il a érigé en système et banalisé la pratique des fouilles à nu dans ses établissements ».

Le demandeur réclame d’être nommé représentant du groupe composé de toutes les personnes incarcérées ayant subi une fouille à nu dans un établissement de détention du Québec depuis le 16 juin 2022. Il entend aussi être le représentant du sous-groupe constitué de toutes les femmes incarcérées ayant subi une fouille à nu dans un établissement de détention du Québec depuis le 16 juin 2022.

Plusieurs dizaines de milliers de personnes pourraient être concernées par cette action collective.

La présente action collective exclut les fouilles à nu subies à l'Établissement Leclerc de Laval, qui sont couvertes par une autre action collective.

Le demandeur entend obtenir la condamnation du défendeur à payer des dommages compensatoires au demandeur et à chaque membre du groupe et du sous-groupe selon des montants à déterminer. Il souhaite également que le défendeur soit tenu de lui payer un montant à déterminer à titre de dommages punitifs.

Le demandeur souhaite également que le tribunal déclare inopérants les termes « ou à nu » à l’article 27 du Règlement d’application de la Loi sur le système correctionnel du Québec.

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