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ArcelorMittal non coupable de négligence criminelle

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Radio Canada

2025-04-01 12:00:10

Les audiences du procès contre ArcelorMittal au palais de justice de Sept-Îles ont duré 29 semaines…

La juge Vicky Lapierre a mis un terme, lundi matin au palais de justice de Sept-Îles, à des démarches judiciaires qui durent depuis des années. La minière ArcelorMittal n’est pas coupable de négligence criminelle, a-t-elle tranché, dans les événements qui ont mené à l’accident de travail de Jason Lemieux, le 7 juin 2019 à la mine du Mont-Wright.

Source : Radio Canada

Elle a donc donné raison aux arguments de Michel Massicotte, l’avocat de la compagnie qui, depuis janvier 2024, a cherché à démontrer que son client avait été proactif dans les jours précédant l’accident pour régler les problèmes du convoyeur « CS-01 ».

C’est le garde-chaîne de ce convoyeur qui, en se brisant, a atteint à la tête Jason Lemieux, alors affairé à son entretien. Le travailleur happé a subi de nombreuses séquelles, dont une surdité du côté gauche et une paralysie partielle du visage. Sans surprise, M. Lemieux était d’ailleurs présent, lundi matin. C’est qu’il est là, assidûment accompagné de sa mère, à presque toutes les séances de ce procès qui s’est étiré bien au-delà de ce qui était prévu.

Pendant des mois, il a écouté les avocats de la Couronne Claude Girard et Marc Bérubé essayer de démontrer qu’entre 2014 et le moment de l’accident, ArcelorMittal avait négligé le convoyeur et la sécurité de son employé.

Lors de ses plaidoiries, M. Girard avait énuméré plusieurs signes – boyaux laissés par terre, flaques d’eau, défauts au garde-corps sur le site – dont la présence révélait selon lui une négligence de la part de l’employeur. ArcelorMittal, avait-il plaidé, avait aussi ignoré des signes alarmants, un claquement de la chaîne du convoyeur notamment, pourtant présents longtemps avant l’accident. L’avocat de la Couronne avait aussi dénoncé les décisions prises par les gestionnaires de la minière dans les jours précédant l’accident de travail.

Lors d’une série de rencontres au sujet du convoyeur problématique, ArcelorMittal a mis les profits avant la sécurité des travailleurs, a assené Claude Girard. Michel Massicotte, pendant ses deux jours de plaidoiries, n’a pas laissé ces arguments sans opposition. D’une part, selon lui, les problèmes du convoyeur énumérés par M. Girard n’avaient en réalité aucun lien avec le bris du garde-chaîne qui a causé les blessures à la victime Jason Lemieux. Ainsi, la connaissance d’un risque ne pouvait être attribuée à ArcelorMittal.

M. Massicotte a aussi mis en avant que la série de rencontres effectuées par les gestionnaires d’ArcelorMittal, si elle n’a pas su prévenir l’accident de travail, montre à tout le moins la proactivité de l’entreprise. Selon l’avocat de la défense, des travaux étaient en effet prévus sur le convoyeur la veille du 7 juin 2019.

Or, d’autres problèmes nécessitant une intervention d’urgence les ont reportés, a-t-il fait valoir, notant que la minière faisait face à une tempête parfaite. C’est à ces arguments plutôt qu’à ceux de la Couronne que la juge Vicky Lapierre a donné raison, dans son jugement rendu ce matin.

Doute raisonnable

Dans son jugement écrit de 83 pages, la juge Vicky Lapierre convient que les cadres supérieurs d’ArcelorMittal ont pris des décisions, que l’on peut qualifier de mauvaises après coup.

« Toutefois, la preuve acceptée ne permet pas de conclure que ces décisions ont été prises avec une insouciance déréglée ou téméraire pour la santé et la sécurité de Jason Lemieux ou des autres travailleurs », conclut-elle.

Bien qu’elle reconnaisse que certaines fautes sont attribuables à la minière, elle estime qu’il subsiste un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’entreprise dans cet accident.

« Manque de fiabilité et de crédibilité »

La preuve présentée par la poursuite a échoué à faire toute la lumière sur les causes de l’accident, conclut la juge.

Vicky Lapierre a notamment rejeté en grande partie le témoignage de Michel Rondeau, un technicien senior invité à témoigner en faveur de la poursuite. Le technicien qui était à l'emploi de Sotecma, une entreprise ayant participé à la fabrication de l’équipement défaillant, a argué que l’accident avait été causé exclusivement par un manque d’entretien du convoyeur.

Or, cet argument contredit la preuve présentée par la poursuite voulant que ce soit plutôt des problèmes de conception qui auraient mené à la défaillance du CS-01, souligne la juge.

« Non seulement le témoignage de l’expert Rondeau s’avère limité par sa compétence professionnelle, mais il manque de fiabilité et de crédibilité », tranche Vicky Lapierre. Dans son ensemble, la preuve ne permet pas d’écarter l’hypothèse voulant qu’un défaut de conception soit à l’origine de l’accident, ajoute-t-elle.

Possible appel de la décision

À la sortie de la salle d’audience, le procureur aux poursuites criminelles et pénales, Claude Girard, s’est quant à lui dit déçu de la décision du Tribunal.

Celle-ci fera l’objet d’une analyse et pourrait être portée en appel, indique-t-il. Même si le verdict s’est avéré décevant, le procureur se réjouit qu’un tel dossier ait été entendu en cour.

« On est loin d’abdiquer, au contraire, c'est même un bon signe de dire qu'on a réussi à amener ce type de dossier, en matière criminelle, malgré les conditions difficiles dans lesquelles ça s'est présenté ».

De tels dossiers sont complexes, requièrent une grande expertise et mobilisent souvent bon nombre de témoins, souligne-t-il.

De surcroît, témoins et victimes doivent faire preuve d’un grand courage tout au long du processus, affirme le procureur.

L’avocat de la défense, Michel Massicotte, a quant à lui exprimé l’intention de sa cliente, la minière, de rectifier la situation et maintenir ses employés à l’abri des accidents.

« Même si nous avons été acquittés, ceci d’aucune façon ne change notre attitude vis-à-vis le fait de pousser de l'avant les mesures visant à assurer (la sécurité) de nos employés », ajoute-t-il.

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