Des avocats dans le Métavers
Jean-francois Parent
2022-05-13 15:00:00
Fondée en 2020, l’univers virtuel de Decentraland augmente peu à peu son attrait pour le monde juridique. C’est normal, ce pays virtuel compte maintenant près d’un million d’habitants inscrits pour s’y promener et effectuer des transactions en cryptomonnaie.
On peut y établir résidence, ouvrir un commerce… et pratiquer le droit.
C’est d’ailleurs ce que vient de faire le cabinet torontois Grinhaus Law, qui a établi ses pénates tout près de l’Université Decentraland. Son associé principal et fondateur, Aaron Grinhaus, enseigne le droit des cryptomonnaies et des chaînes de bloc à la faculté de droit Osgoode Hall, de l’Université de Toronto, et se spécialise dans le droit contractuel relatif à la chaîne de blocs.
Disant faire partie d’une nouvelle génération de professionnels qui reconnaissent l’importance des univers virtuels, Aaron Grinhaus est d’avis que les résidents de Decentraland et les milliards d’usagers du Métavers à travers le monde « méritent des services juridiques et professionnels personnalisés ».
Les clients de Grinhaus Law qui résident dans le Decentraland peuvent visiter les bureaux du cabinet, poser des questions et solliciter des conseils juridiques.
Quelle justice pour le métavers?
L'intérêt pour l'acquisition de terrains et de produits au sein du métavers est en hausse, « mais la manière de gérer les litiges juridiques liés aux activités dans le monde virtuel s'apparente au Far West et reste un mystère », expliquait récemment le spécialiste du litige Howard Winkler au magazine Law Times News.
Des transactions s’y effectuent, des parcelles de terre (virtuelles) changent de main, tout cela sans cadre juridique précis. Decentraland et un des 10 univers virtuels accessibles dans le métavers, et chaque « pays » a ses propres règles, édictées par la communauté.
Ces communautés font des partenariats avec des célébrités et s’y établissent pour vendre des espaces près d’eux. Quelqu’un aurait ainsi débourser 450 000 dollars pour être le voisin virtuel de Snoop Dog.
Une pratique virtuelle
Grinhaus Law peut prendre des clients provenant d’autres pays du moment qu’il respecte les règles du Barreau de l’Ontario, et ce, afin d’aider les gens à comprendre les conséquences juridiques dans le monde réel des actes posés dans le monde virtuel.
En entrevue au Law Times News, Aaron Grinhaus explique que la fiscalité applicable aux transactions est celle du pays de résidence du client, et la plupart des transactions se font en cryptomonnaie. Ou en espèces sonnantes et trébuchantes.
Les montréalais du cabinet Renno & Cie y sont également présents. Le cabinet, dont l’offre de services juridiques est spécialisée dans le monde virtuel, a récemment loué un espace dans le Decentraland.
C’est qu’il y a de l'action dans le métavers. De plus en plus de grands noms investissent des parcelles de l’immobilier virtuel de Decentraland. C’est le cas notamment de Samsung, d’Adidas, et de PricewaterhouseCoopers. Sotheby’s y a même tenu un premier encan virtuel, tandis qu’une semaine de la mode mettant en vedette Dolce & Gabbama, Perry Ellis et autres Tommy Hillfiger s’y est tenue en mars dernier.
Engouement juridique
En outre, les juristes commencent tellement à s’intéresser au métavers que l’un des poids lourds de cet univers, Metaverse Productions, vient d’y ouvrir un quartier juridique, LawCity.com.
LawCity.Com a ainsi annoncé au début du mois d’avril la construction de ses premières tours à bureaux virtuels dans le Decentraland. Regroupant des cabinets d’avocats et des juristes de plusieurs horizons, LawCity.Com vise à permettre aux résidents de trouver de l'aide et des solutions juridiques relatives au métavers, ou dans l’univers virtuel directement.
LawCity.com se définit comme « une communauté de pionniers de l'industrie juridique qui veulent créer un point de départ pour le voyage juridique de chaque avatar dans le métavers ».Les avatars sont les représentations des personnes qui parcourent le métavers.
Si tout cela ne vous convainc pas encore, sachez que des causes impliquant le métavers commencent à être entendues par les tribunaux. Ainsi, la Cour supérieure tranchait récemment un litige contractuel impliquant deux ex-partenaires qui se disputaient la propriété d’une entreprise lancée exclusivement dans le Decentraland.
L’un des deux partenaires, exclu du projet, cherchait à obtenir une injonction provisoire en vertu de l’article 511 du Code de procédures civiles, ce que la juge Silvana Conte a rejeté.