Une avocate près d’un outrage, un accusé qui veut du haschich, un procès débridé
Radio Canada
2025-12-18 13:15:43

Le procès de Zakaria Rizqy, accusé d’avoir intimidé et harcelé des juges de la Cour municipale de Québec et des procureurs de la Ville, aura été marqué par une succession d’épisodes pour le moins inhabituels.
Alors que le jury est maintenant isolé pour délibérer à huis clos, les médias peuvent rapporter les échanges survenus en l'absence des jurés. Dès le début du procès, le juge Maxime Roy a dû négocier avec un situation qui a bien failli mener une jeune avocate au banc des accusés.
La poursuite devait faire entendre son premier témoin au lendemain de la sélection du jury, le 25 novembre. Or, l’avocate désignée par le Tribunal pour assister l’accusé lors des contre-interrogatoires, Me Rosemary Turgeon, était absente.
Zakaria Rizqy, qui assure seul sa défense, ne pouvait contre-interroger les présumées victimes. Le juge avait donc désigné Me Turgeon trois mois plus tôt pour poser les questions de l'accusé.
Conflit d'intérêts
Le 25 novembre, à 6 h 30, elle a toutefois informé le juge par courriel qu’elle ne pouvait finalement pas remplir ce rôle pour des raisons déontologiques liées à un conflit d’intérêts porté à son attention par un collègue. Se disant hautement préoccupé, le juge Roy lui a néanmoins ordonné de se présenter devant lui afin d’évaluer la nature de ce conflit, ce qu'elle n'a pu faire, puisqu'elle se trouvait à Paris.
Le juge a évoqué une possible entrave à la justice et convoqué Me Turgeon deux jours plus tard pour s’expliquer, allant jusqu’à soulever la possibilité d’une accusation d’outrage au tribunal contre elle. Assistée par Me Rénald Beaudry, l’avocate a expliqué qu’elle effectuait un stage en France jusqu’au 24 novembre et qu’elle devait rentrer à Montréal dans la nuit précédant le début des témoignages. La découverte tardive d’un conflit d’intérêts l’aurait amenée à reporter son retour afin de gérer cette situation à distance.
Me Turgeon a affirmé qu'elle n'avait pas voulu ralentir le processus judiciaire et s’est dite désolée. Le juge Roy lui a livré une sévère mise en garde, qualifiant sa conduite de grave, sans pour autant la citer pour outrage au tribunal. Ne cherchez pas à plaire et à être populaire. N’induisez jamais un juge en erreur. Jamais, a-t-il tonné, lui disant de chérir (sa) réputation professionnelle comme la prunelle de (ses) yeux.
« Hara-kiri »
Deux autres avocats ont été trouvés en urgence pour mener les contre-interrogatoires et éviter l'avortement du procès. Au fil de ces contre-interrogatoires, le juge a dû interrompre à plusieurs reprises les débats, allant jusqu’à faire sortir le jury. « Êtes-vous en train de vous condamner vous-même? », a-t-il lancé à l’accusé, parlant même d’hara-kiri et affirmant devoir le protéger contre lui-même.
À un autre moment, Rizqy a soumis un document contenant le nom du conjoint d’une procureure de la Ville, provoquant l’effondrement de cette dernière. Le juge l’a alors averti qu’il s’exposait à une peine plus sévère, en raison de ses agissements.
Entrave à Internet... et au haschich
Rompu à la rédaction de requêtes de toutes sortes, Zakaria Rizqy a également multiplié les demandes en détention. L’une d’elles réclamait l’arrêt pur et simple des procédures pour entrave à Internet, à l’épicerie, aux soins dentaires et au haschich. Il s’est plaint de ne pas avoir accès à un ordinateur pour préparer sa défense, ce qui a amené le Tribunal à ordonner certaines mesures d’accommodement.
Il a aussi dénoncé un délai de quatre mois pour le remplacement d’un plombage et l’augmentation du prix de la caisse de 24 boissons gazeuses, en détention, qui serait passée de 17,83 $ à 20,53 $, soit pile 15 %, a-t-il noté, en y voyant une hausse abusive.
Estimant que la cantine carcérale était exploitée par une unique entreprise privée aux profits usuraires, il a demandé à pouvoir faire son épicerie en ligne et se faire livrer en cellule. Appliquant la même logique, il a aussi réclamé l’autorisation de recevoir des produits de la SQDC, affirmant que le haschich était absolument nécessaire à sa santé mentale durant son incarcération. Le juge Roy n’a pas donné suite à ces demandes.
La consommation de l’accusé préoccupait déjà le Tribunal. Lors d’une audience de gestion tenue le 14 octobre, le procès-verbal indique que Rizqy a déclaré d’emblée être intoxiqué. Après une trentaine de minutes d’échanges, le juge lui a demandé d’essayer d’être à jeun pour le procès, ce à quoi il aurait répondu : impossible.
Des jurées inquiètes
Devant le jury, la poursuite a rappelé que Zakaria Rizqy a été condamné à 16 mois de prison en mars 2022 pour harcèlement. La victime, une femme qu’il ne connaissait pas, avait commencé à recevoir des messages sous différents pseudonymes après l’avoir croisé dans un commerce. Les échanges étaient devenus agressifs, et des hommes s’étaient présentés à son domicile à la recherche de services sexuels.
Il s’était avéré que Rizqy avait créé un faux profil avec les photos de la victime sur un site de prostitution, la terrorisant. Au début du procès, alors que le premier juge plaignant témoignait, deux jurées ont exprimé leurs inquiétudes dans des notes transmises au Tribunal. Les convoquant séparément, le juge a voulu les rassurer et a vérifié si elles pouvaient continuer à remplir leur rôle sereinement.
L’une d’elles a toutefois préféré se retirer, malgré l’assurance que l’accusé s’était engagé à détruire les notes prises lors de leur sélection. Ce que le jury ignore, c’est que Rizqy est accusé d’avoir recommencé à harceler la même victime au terme de sa condamnation à 16 mois de détention. Ce dossier est toujours pendant devant la Cour du Québec.
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