Deux grosses victoires pour Me Renno!
Jean-francois Parent
2022-05-10 15:00:00
Selon la décision remportée le 25 mars par Me Karim Renno, de Renno Vathilakis, sa cliente la société d’importation Mantab Foods devrait ainsi pouvoir revoir la couleur de son argent.
Les fautifs, les actionnaires et dirigeants de Olive Olea, sont ainsi condamnés à rembourser près de 12,5 millions de dollars, auxquels s’ajoute le taux d’intérêt légal depuis septembre 2017.
C’est en 2016 que l’un des dirigeants d’Olea propose à Mantab Foods de prendre une option sur les prochaines récoltes d’olives et la production subséquente d’huile d’olives. Manta pourra ainsi honorer ses accords de distribution avec notamment Costco et Première Moisson.
La société allonge quelque 8,3 millions d’euros pour quelque 1 500 tonnes d’olives kalamata et plus de 1 800 tonnes d’huile d’olive.
En échange, Olive Olea promet de réserver une partie de la production grecque à Manta Foods pour l’année 2017.
Ça sent l’embrouille
Très tôt au printemps 2017, Manta commence à s’inquiéter pour son approvisionnement, puisque les livraisons tardent. Et ce, malgré les assurances offertes par Elea. La preuve démontre que Elea continue de mener Manta en bateau tout au long de l'été.
Jamais le produit ne sera livré.
C’est quand Manta propose d'envoyer quelqu’un en Grèce pour faire le point sur l’absence de livraison. La réponse, offerte dans un courriel décousu, est à l’effet qu’il n’existe aucun inventaire réservé pour Mantab, ni pour les autres clients d'Olive Olea par ailleurs.
Olive Olea estime de plus qu’elle peut conserver l’argent avancé.
Mantab allègue donc un comportement frauduleux de la part d'Olive Olea, et demande au juge Patrick Buchhold de la Cour supérieure de trancher.
Ce dernier relate que le dirigeant d’Olive Olea, Charalampos Alexandratos, a admis qu’il n'a jamais réservé aucun des produits requis pour Mantab. Il concède de plus qu’il a faussement rassuré Mantab, en plus d’avoir fabriqué de faux documents et falsifié des signatures.
« Ma sœur est morte! »
« Alexandratos dit qu'il est devenu désespéré à un moment donné et qu'à l'origine, il n'y avait aucune intention d'escroquer. Pourtant, rien n'indique qu'Alexandratos ait jamais eu l'intention d'utiliser l'argent aux fins appropriées », note le juge.
Le magistrat relate aussi que « le comportement frauduleux d'Alexandratos a commencé dès août 2016 lorsque, à un autre client canadien avec lequel il était en défaut pour environ 10 millions de dollars, Alexandratos a inventé une histoire sur la mort de sa propre sœur ! » peut-on lire dans la décision.
« La décision est significative car nous avons ici réussi à établir qu’il y avait fraude, ce qui est difficile en droit commercial », explique Me Karim Renno à Droit-Inc. Dans ce cas, parce que la preuve se trouvait surtout en Grèce, avec tout ce que ça implique de délais, de traduction et surtout de connaissance des registres d’autres juridictions, l’argument devait être solide.
Il fallait également démontrer la négligence et l’insouciance quant aux conséquences des actions posées par les défendeurs. «Si on n’a pas le fardeau du Mens rea comme en droit criminel, il reste que démontrer une fraude, même en droit commercial, relève de la prouesse. C’est d’ailleurs ce qui a mené le juge à décréter qu’il y avait eu « fraude civile », poursuit Me Renno, qui vient tout juste de se hisser dans le Top 50 des meilleurs plaideurs au Canada.
Autre élément important de la cause gagnée par Renno Vathilakis, la levée du voile corporatif. « On a pu identifier les actionnaires des compagnies à numéro impliquées dans l’affaire », et les citer dans la poursuite.
En effet, l’utilisation de nombreuses compagnies à numéro pour faire transiter les fonds avancés par Mantab permettait de plaider qu’il y a avait un stratagème, auquel ont participé plus de gens que le seul patron d’Olive Olea.
Ce dernier, Charalampos Alexandratos et ses collègues Theodore Sarganis et Ioannis Souflias, actionnaires et gestionnaires des filiales et autres compagnies à numéro impliquées dans l’affaire, sont donc solidairement responsables des pertes de Mantab.
Charalampos Alexandratos se représentait seul. L’un des co-défendeurs, Theodore Sarganis, est décédé pendant les procédures et sa succession n’a pas fait de représentation pendant les audiences.
L’autre co-défendeur, Ioannis Souflias, était défendu par Mes Yves Dulude et Charles Côté-De Lagrave, de Spiegel, Sohmer. « Nous sommes déçus de la décision dans cette affaire », explique Me Côté-De Lagrave.
Le plaideur relate par ailleurs qu’il s’agissait là d’un dossier particulier, puisque le défendeur principal, M. Alexandratos, témoignait depuis la Grèce, et que le décès d’un défendeur a compliqué davantage les choses. Me Côté-De Lagrave ajoute qu’il a été surpris que son client soit également tenu responsable. Le juge a estimé qu’il avait fait preuve d'aveuglement volontaire, « mais pour cela il aurait fallu qu’il ait connaissance » de la fraude qui a été faite. Me Dulude a par ailleurs depuis quitté Spiegel Sohmer pour Sovadex.
Ioannis Souflias gérait les sociétés par où les sommes transigeaient. Le juge Buchhold estime pour sa part que « même si Souflias n'a pas participé sciemment à la fraude, son comportement envers Mantab est clairement négligent et déraisonnable dans les circonstances », peut-on lire dans la décision.
Une décision « nulle de nullité absolue »
La seconde décision rendue par la Cour supérieure le 4 avril dernier concerne la révocation d’un permis de construction d’un projet résidentiel sur le chemin Bates, à Côte-des-Neiges.
Dans cette affaire, la cliente de Me Karim Renno, Immeubles Blue Stone, demande l’annulation d’une décision de l’arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce de révoquer un permis de construction obtenu en 2019. Le promoteur demande alors, et obtient, un permis pour démolir un bâtiment commercial et construire un bâtiment résidentiel de six étages comportant 86 logements au 2845-2875, chemin Bates.
Me Camille Ingarao, de Beauregard Avocats, plaidait aux côtés de Me Renno.
L’arrondissement était quant à lui représenté par Me Mélissandre Asselin-Blain, de Gagnier Guay Biron. Me Asselin-Blain n’a pas répondu rapidement à notre demande de commentaires.
Or voilà que ce permis est suspendu en juin 2021, l’arrondissement alléguant que « les travaux autorisés par le permis n’ont pas commencés dans les 18 mois qui suivent la date de délivrance du permis ». Un litige opposant un voisin commercial de Blue Stone gèle les travaux effectués par Blue Stone sur le terrain du chemin Bates.
Blue Stone conteste et obtient une décision judiciaire lui permettant de poursuivre ses travaux. Mais l’arrondissement invoque que les travaux entrepris ne sont pas des travaux de construction.
Ici, Blue Stone plaide avoir été dans « l’impossibilité d’agir » sur une longue période en raison du litige l’opposant au voisin commercial de son chantier de construction.
« La défense (de l’arrondissement) soutenait que l’impossibilité d’agir, prévue au code civil, ne s’appliquait pas dans le cas de ma cliente », déplore Me Renno, qui estime que ce genre d’argument va à l’encontre du bon sens.
« C’est comme si on venait dire qu’en cas de catastrophe nucléaire, l’impossibilité d’agir ne s’applique pas » aux entrepreneurs qui doivent mettre leur chantier en veilleuse.
Le juge Michel Déziel de la Cour supérieure s’est rendu à l’argument de Renno Vathilakis, et a rejeté celui de l’arrondissement selon lequel « le concept de l’impossibilité d’agir doit être prévu dans la Loi pour pouvoir être invoqué par un administré. »
C’est parce qu’il fait une interprétation « restrictive » de la réglementation que l’arrondissement suspend le permis, ce que le tribunal rejette, statuant que « le Permis n’est pas périmé et que l’Arrondissement a eu tort d’émettre, le 10 juin 2021, l’avis de péremption et de nullité ». Sans compter que faire une nouvelle demande de permis tel que l’exige l’arrondissement engagerait des frais substantiels pour Blue Stone, de l’ordre de plusieurs centaines de milliers de dollars, en plus de retarder le projet.
Le juge Déziel déclare ainsi « nulle de nullité absolue la décision de l’Arrondissement » de déclarer le permis nul, et ordonne qu’il soit valide jusqu’au 6 août 2024.
« À ma connaissance, c’est la première fois que le concept de l'impossibilité d’agir est appliqué au droit relatif aux permis de construction », conclut Me Renno.
Anonyme
il y a 2 ansS'il y a couches sur couches de protection dans la structure corporative, il est probable qu'il y en ait aussi dans l'organisation patrimoniale des défendeurs contre qui le voile corporatif a été soulevé.
Roch
il y a 2 ansEn plein le genre de cause qui fait avancer la justice canadienne, continuez à endosser les jugements bâillons et faites tout un plat avec l'huile d'olive, quel beau pays.
Anonyme
il y a 2 ansMerci Roch. Super commentaire. Continuez votre bon travail pour faire avancer la justice canadienne.