Industrie du tabac : fumée à l’horizon à l’audience sur l’approbation du plan de sauvetage

Radio-Canada Et Cbc
2025-01-29 10:30:13

De nouveaux documents judiciaires montrent que la compagnie Rothmans Benson & Hedges (RBH) s'oppose maintenant au plan de sauvetage proposé après avoir pourtant passé sous silence son désaccord lorsque JTI-Macdonald faisait déjà connaître son opposition, en octobre dernier.
Les trois géants du tabac au Canada se retrouvent mercredi avec leurs créanciers devant un tribunal de Toronto pour débattre d'éventuels amendements à apporter à l'entente de principe du 17 octobre 2024.
La question qui préoccupe RBH est de savoir comment répartir équitablement entre eux la responsabilité de tout paiement à effectuer aux créanciers dans le contexte du montant global du règlement proposé.
Historiquement, les trois entreprises avaient toujours été unies contre les groupes de pression, qui tentaient de les soumettre à de sévères restrictions de santé publique.

« Elles sont aujourd'hui en train de se manger entre elles pour indemniser le moins possible leurs créanciers », ironise l'avocat Rob Cunningham, de la Société canadienne du cancer, qui a obtenu un statut d'intervenant dans cette cause.
L'accord a été approuvé à l'unanimité par les créanciers le 12 décembre 2024, mais deux compagnies de tabac ont signifié qu'elles rejetaient derechef l'entente de 32,5 milliards $ à verser aux provinces et aux victimes du tabac.
Les provinces et territoires tentent de récupérer les sommes d'argent qu'elles ont dépensées dans les soins aux malades du tabac ces 25 dernières années. Ils ne recevront toutefois qu'une enveloppe de 24 milliards, dont 6 milliards dès la première année, après l'approbation de l'entente par les tribunaux.
Durant les cinq premières années de la mise en place du plan de sauvetage, chaque compagnie devra verser aux créanciers 85 % de ses profits après taxes.
De la sixième à la dixième année, cette proportion diminuera à 80 %, puis à 75 % de la onzième à la quinzième année et enfin à 70 % les années subséquentes jusqu'au remboursement complet des créanciers.
Un accord qualifié d'injuste
Seul hic : certaines compagnies ont plus de liquidités en banque que d'autres depuis le début des procédures judiciaires en 2019. C'est le cas de RBH, qui se plaint, dans de nouveaux documents de cour, de devoir payer plus que les autres en vertu de leurs parts de marché. La requête de RBH se présente comme une déclaration sous serment de la directrice principale de la compagnie, Milena Trentadue.
RBH y qualifie l'entente d' « injuste ».

« Bien que RBH ait tenté de résoudre le problème de répartition avec Imperial Tobacco et JTI-Macdonald, aucune résolution n'a encore été arrêtée », écrit Mme Trentadue.
Il est mentionné que « RBH serait tenue de contribuer beaucoup plus au montant de règlement global que ce qui serait requis dans le cadre d’une répartition raisonnable des responsabilités entre les compagnies de tabac ».
RBH ajoute que dans ces circonstances, « l'entreprise n'est pas actuellement en mesure de consentir au plan de sauvetage proposé dans sa forme actuelle ».
La compagnie JTI-Macdonald avait déjà déclaré en octobre qu'elle ne pouvait pas non plus approuver le plan dans sa forme actuelle « en raison de derniers problèmes qui ne sont toujours pas réglés ».
JTI-Macdonald soutient notamment que l'entente de principe ne respecte pas les intérêts de sa société, JTI-Macdonald TM Corp., et de ses filiales multinationales.
Dans les raisons pour débouter JTI-Macdonald, le juge en chef de la Cour supérieure de l'Ontario, Geoffrey Morawetz, avait expliqué qu'il faudrait 20 ans pour dédommager les créanciers à hauteur de 32,5 milliards en fonction des projections financières des trois compagnies de tabac.
Le magistrat avait précisé que le plan de sauvetage dans sa forme actuelle était raisonnable et approprié.
La Société canadienne du cancer compte demander également des amendements, parce qu'elle estime que la santé publique a été complètement écartée du plan de sauvetage.
Me Cunningham affirme que le juge devrait rejeter les doléances de RBH, parce que ce ne sont pas toutes les victimes du tabac qui seront indemnisées en vertu de l'entente de principe.
« RBH s'en tire très bien comme cela, toutes les compagnies ont obtenu une entente incroyable, parce qu'elles auraient dû payer bien plus », dit-il en ajoutant qu'il allait s'opposer aux arguments de JTI-Macdonald et de RBH.
Seul le juge aura l'autorité d'accepter les amendements des parties dans ces négociations de la dernière chance.
Une éventuelle entente amendée ne sera donc pas soumise à nouveau au vote des créanciers.