Infractions criminelles: les avocats sont-ils protégés ?

Emeline Magnier
2014-10-03 11:15:00
Il aurait reçu l'interdiction de partager l'information collectée avec la police, même dans le cas d'activité criminelle présumée, telle qu’une appropriation de fonds placés dans un compte en fiducie. Le personnel serait également assujetti à des quotas mensuels élevés qui rendraient difficile la tenue d'enquêtes approfondies.
S'il a décidé de dénoncer ces pratiques, c'est parce que l'ancien enquêteur estime qu'il s'agit d'un « devoir public ». « Je ne suis pas d'accord avec ça. Je pense qu'on devrait être en mesure de fournir des renseignements et des documents aux agents de police si nécessaire pour les aider, a déclaré M Cottrell. Nous sommes sensés protéger le pauvre justiciable et pourtant on protège l'avocat (…) ».

Interrogé sur ces constatations, le Barreau de l'Ontario aurait répondu que « le mandat de protection du public exigeait la tenue d'enquêtes complètes et en temps opportun ». « Dans le cadre des enquêtes, nous recevons de l'information confidentielle; nous coopérons avec les autorités compétentes, y compris la police, selon une procédure établie », a indiqué le porte parole de l'ordre, Roy Thomas, assurant que le Barreau cherchait toujours à renforcer la protection du public.
Prendre des raccourcis
Avant de travailler au Barreau de l'Ontario, M. Cottrell a passé 30 ans à enquêter sur les fraudes en matière de valeurs immobilières et sur les délits d'initiés à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.
Il a notamment participé à certaines affaires médiatisées, telles que celle sur Argosy Financial qui a fraudé 1000 investisseurs pour 27 millions de dollars dans les années 70.
Sa volonté de mener des enquêtes approfondies aurait été contrecarrée par l'obligation de respecter les quotas. Chargé de dossiers complexes, il devait clôturer quatre dossiers par mois tandis que les autres enquêteurs devaient avoir fini entre six à huit affaires. Un dossier est considéré comme terminé quand la plainte a été rejetée ou quand l'audience disciplinaire a eu lieu.
« Quand vous êtes poussés à traiter une affaire rapidement, vous avez tendance à prendre des raccourcis » souligne-t-il. Il ajoute que les 25 enquêteurs présents quand il travaillait au Barreau n'étaient pas assez nombreux pour le nombre de dossiers à traiter.
Le Barreau de l'Ontario recevrait 4700 plaintes par an, dont 3100 feraient l'objet d'enquête approfondie et 100 donneraient lieu à une audience disciplinaire.
En mai dernier, l'ancien procureur de la Couronne Steve Brampton chargé des poursuites disciplinaires au Barreau de 1982 à 1989 a déclaré à The Star que le Barreau pouvait et devait signaler les comportements fautifs des avocats. « Je continue de penser que le public est mis en danger sans raison», a-t-il indiqué.
Quand il a quitté le Barreau en octobre 2011, M. Cottrell était en charge de 50 dossiers, soit 10 fois plus que le nombre d'affaires dont il s'occupait à la Commission des valeurs mobilières. À la fin 2010, il a fait l'objet d'un plan d'amélioration de la performance. Après avoir traité ses dossiers plus rapidement et amélioré ses chiffres, il a finalement démissionné.