La première avocate autochtone du pays est décédée

Radio-Canada Et Cbc
2025-05-09 10:15:35

Marion Lillian Ironquil Meadmore, la première avocate autochtone du pays, est décédée le 19 février à l'âge de 89 ans. Elle est née en 1936 dans la Nation crie de Peepeekisis, en Saskatchewan. Son père, Joe Ironquil, était ojibwé, et sa mère, Helen Poitras, était crie et métisse. Son admission au Barreau du Manitoba le 29 juin 1978 fera d'elle une pionnière, mais aussi une source d’inspiration pour de nombreuses personnes.
Karine Pelletier, qui est maintenant présidente de la Commission du travail du Manitoba, se souvient que lorsqu'elle étudiait le droit au début des années 2000, cette pionnière faisait déjà parler d'elle.
Elle souligne également l'âge de Marion Ironquil Meadmore lorsqu'elle est devenue avocate : 42 ans.

« C’est un peu une source d’inspiration pour moi, qui ai fait une maîtrise en droit un peu plus tard dans ma vie ». Au moment d'obtenir son diplôme, Marion Ironquil Meadmore était mariée depuis plus de 20 ans à Ron Meadmore, un ancien joueur de ligne des Blue Bombers de Winnipeg, et était mère de leurs trois garçons.
Bien que sa carrière de juriste ait été de courte durée, elle n’a été inscrite que six ans auprès du Barreau comme membre active, elle a tout de même su faire tomber des barrières. Elle a cofondé le premier cabinet composé exclusivement d’avocates à Winnipeg.
Dans un communiqué publié au moment de son décès, l’Assemblée des chefs du Manitoba (AMC) a aussi souligné le rôle essentiel qu’elle a joué dans la création de l’Association des avocats indiens du Canada, aujourd’hui appelée Association du Barreau autochtone du Canada.
Co-fondatrice de nombreuses organisations à l’épreuve du temps
La carrière juridique de Marion Ironquil Meadmore n’est cependant que la pointe de l’iceberg que constitue son héritage.
L’infolettre Communiqué du Barreau du Manitoba, qui lui rend hommage dans son édition du mois de mai, la décrit comme une défenseuse de l'autonomie autochtone et du développement économique.
« Marion était un moteur de changement, une visionnaire qui a créé des institutions qui continuent de faire progresser la souveraineté, les droits et l'autodétermination des Premières Nations », a déclaré la grande cheffe de l’AMC, Kyra Wilson, par voie de communiqué.
Mme Ironquil Meadmore a effectivement cofondé, en 1959, le premier Centre d'amitié autochtone et métis au Canada et, en 1963, des organisations actuellement connues sous les noms d'Assemblée des Premières Nations et d'Assemblée des chefs du Manitoba (AMC). Le président de la Fédération métisse du Manitoba (MMF), David Chartrand, se souvient d’avoir rencontré pour la première fois Mme Ironquil Meadmore alors qu’il était actif dans le mouvement des Centres d’amitié.
Une vision qui offrira un toit à des milliers de familles autochtones
En 1970, elle cofonde Kinew Housing, la première société de logement sans but lucratif au pays. Cet organisme est né du souci de combler le manque de logements décents et abordables pour la population autochtone de Winnipeg, peut-on lire sur le site Internet de l’OSBL, qui est toujours en activité 55 ans après sa fondation.

« Elle décrivait les membres des Premières Nations en quelque sorte comme des réfugiés économiques venant à Winnipeg parce que leurs économies s'effondraient chez eux à cause des politiques gouvernementales et des actions des agents des Indiens », explique le fondateur de l’entreprise sociale BUILD, Shaun Loney, qui considérait Marion Ironquil Meadmore comme sa mentore.
« (Kinew Housing) est l'expression de sa conception des économies autochtones dans un contexte moderne : nous ne construisons pas la richesse pour nous-mêmes, nous la construisons les uns pour les autres. Le fait qu’elle ait décidé à l’époque d’en faire un OSBL était remarquablement visionnaire », ajoute Shaun Loney. Aujourd’hui, l’organisme possède et gère près de 400 propriétés, qui sont louées à prix modiques à des personnes autochtones à Winnipeg, selon le service 211 de la province.
Une vie marquée par la résilience
Le premier ministre du Manitoba, Wab Kinew, qualifie le décès de Marion Ironquil Meadmore de perte immense pour la province.

Son ami Shaun Loney souligne que l’adversité à laquelle Marion Ironquil Meadmore a été confrontée tout au long de sa vie ne l’a pas empêchée de réussir. « ( Elle ) est devenue la première avocate autochtone du Canada, un parcours semé d’embûches, d’autant plus qu’elle a été envoyée dans un pensionnat pour Autochtones, où elle n’a pas reçu une éducation de qualité », indique-t-il.
Même à la fin de sa vie, le Parkinson ne l’empêchait pas de s’exprimer, se souvient M. Loney. Son épouse et lui l’aidaient à coucher ses pensées sur papier, lorsqu’elle n’en était plus capable elle-même.
« Son esprit demeurait vif. Elle disait Je veux écrire une lettre sur ceci ou cela, et exprimait exactement ce qu’elle voulait ».
« Un bon exemple de cela est le discours que son fils a lu pour elle lorsqu’elle a reçu le doctorat honorifique de l’Université du Manitoba. C’était brillant », ajoute-t-il. Au printemps dernier, elle était parmi les cinq récipiendaires du plus haut grade décerné par l'établissement.
Les nombreux faits de Marion Ironquil Meadmore lui ont également valu l’Ordre du Canada en 1985, mais c’est surtout l'impact qu’elle a eu sur des milliers de vies qui perdure.
« Des milliers de Winnipégois vivent aujourd’hui dans des logements grâce à l’organisme qu’elle a fondé. Elle est aussi à l’origine d’organisations qui défendent les droits des peuples autochtones et a créé des lieux de rassemblement pour les communautés. Sans elle, Winnipeg serait bien plus sombre et moins porteuse d’espoir », affirme Shaun Loney.
« Je crois qu'elle est l’une des personnes les plus remarquables qui aient jamais vécu à Winnipeg », admet-il.