La réforme du droit d’auteur attendue par des autochtones
Radio -canada
2022-08-29 14:15:00
Avec cette réforme, qui est actuellement préparée par les ministères de l'Innovation et du Patrimoine, les artistes visuels canadiens pourraient recevoir 5 % du prix de revente lorsque leurs œuvres sont revendues au cours d'un encan ou encore par une galerie d'art commerciale.
Plus de 90 pays à travers le monde, dont la France et le Royaume-Uni, ont des lois dont les dispositions encadrent précisément ce droit de suite.
« Le droit de suite pour les artistes constitue une étape importante vers l'amélioration des conditions économiques pour les artistes au Canada », soutient la porte-parole du ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, Andréa Daigle, dans un échange de courriels.
« Le gouvernement examine attentivement ces questions nationales et les leçons internationales, alors qu'il détermine la meilleure façon de mettre en œuvre son engagement ».
Des défis supplémentaires pour les artistes du Nord
Le Canada compte un peu plus de 21 000 artistes visuels. En 2016, leur revenu médian était d’environ 20 000 $, soit moins de la moitié de celui de tous les travailleurs, selon des données de Statistique Canada.
« Bon nombre de nos artistes vivent près du seuil de la pauvreté, alors tout ce qui peut leur revenir est plus que bienvenu », affirme la vice-présidente du Front des artistes canadiens (CARFAC), Theresie Tungilik, qui milite depuis plusieurs années pour l’instauration d’un droit de suite.
S’il est parfois difficile de vivre pleinement de son art partout au pays, les artistes du Grand Nord font face à des défis particuliers, comme le coût élevé d’acheminement des matériaux et le manque d’espaces de création.
« Il est temps d'améliorer notre système (et) la façon dont nous traitons les artistes du monde entier, en particulier au Nunavut », ajoute-t-elle.
Un encadrement du processus de revente réclamé
Loin des décisions politiques, l’artiste inuvialuk Derrald Taylor sculpte la pierre depuis les années 1970 ; un art que lui a enseigné son père durant son enfance à Tuktoyaktuk, un hameau des Territoires du Nord-Ouest qui borde l’océan Arctique.
Il vend aujourd’hui ses sculptures, inspirées de la faune arctique, dans des galeries d’art de Vancouver et de Montréal.
Pour Derrald Taylor, il ne fait aucun doute qu’un droit de suite serait bénéfique. « Cela permettrait à nos artistes de se sentir beaucoup mieux à l’égard de leur travail ».
Récemment, il raconte avoir aperçu sur eBay deux de ses sculptures, vendues individuellement à plus de 8000 dollars, soit plus de quatre fois leur prix initial.
Selon lui, les galeries d’art devraient faire preuve d’une plus grande transparence auprès des artistes lorsque leurs œuvres sont revendues. « Elles gardent le silence et ne nous disent rien », dit-il.
Le sculpteur inuk Kuzy Curley, originaire de Kinngait, dans l’est du Nunavut, a aussi fait les frais de ce phénomène.
« C’est assez incroyable à quel point (les galeries) gonflent les prix. Un jour, j’ai vendu une sculpture à 1000 $ et elle a été revendue à 3000 $ », explique-t-il.
L’artiste, qui est l’arrière-petit-fils de l'artiste graphique de renom Pitseolak Ashoona et le neveu d’Annie Pootoogook, est issue de trois générations de sculpteurs.
S’il juge encourageante la réforme des droits d’auteur à venir, Kuzy Curley souligne que plusieurs questions demeurent en suspens.
Il se demande notamment si les descendants d’artistes reconnus - et dont les œuvres ont grandement gagné en valeur - toucheront eux aussi des droits de suite et de quelle manière ils pourraient être distribués, particulièrement en l'absence de testament.
« Nous sommes tellement nombreux à être des descendants de Pitseolak Ashoona », souligne-t-il.
Impacts sur le marché de l'art
L’instauration d’un éventuel droit de suite à la revente ne fait toutefois pas l’unanimité. Parmi ceux qui s’y opposent fermement figure le propriétaire de la galerie d’art inuit Elca London, à Lac-Brome, au Québec.
Le galeriste Mark London estime les commissions habituelles des galeries d’art canadiennes à entre 40 % et 50 % du prix de vente.
Il croit que certaines galeries seront forcées d’augmenter leurs prix pour compenser un droit de suite, ce qui contribuerait selon lui à freiner les ventes. « Le droit de suite va être presque obligatoirement calculé dans le prix de détail », affirme-t-il.
Il estime aussi qu’il sera difficile de retrouver certains artistes et de suivre le fil de toutes les transactions, un processus qu’il qualifie de « cauchemar administratif ». « J’ai une petite galerie et je suis le seul employé », donne-t-il en exemple.
« Si nous avons des doutes sur l'industrie, les artistes seront aussi affectés. Il devrait y avoir une véritable consultation avec le clan du "non" », ajoute-t-il.
Joint par courriel, le ministère du Patrimoine indique que le gouvernement consultera les principaux intervenants et partenaires de l’industrie des arts visuels au cours des prochains mois pour mieux orienter la réforme de la Loi sur le droit d’auteur.
Anonyme
il y a 2 ansOu une droit qui sera court-circuité par une chaine de revente qui passera par des pays étranger?
Le militantisme de Pocanhontas est touchant, mais je ne pense pas qu'il ira très loin...