Nouvelles

La vie d’un avocat « détruite » par l’intelligence artificielle

Main image

Marie-ève Buisson

2023-12-13 15:00:00

Un avocat a été faussement accusé d’avoir possédé et distribué de la pornographie juvénile. Tout ça à cause des algorithmes…
Jean Berthelot. Source: LinkedIn
Jean Berthelot. Source: LinkedIn
Un avocat de Laval, Jean Berthelot, a faussement été accusé de distribution et de possession de pornographie juvénile, rapporte le Journal de Montréal.

Les accusations, qui ont bouleversé la vie de l’avocat, ont été rejetées par la juge Dominique Larochelle lors d’une enquête préliminaire. Il a été libéré les 16 et 23 novembre, mettant ainsi fin à une épreuve de trois ans marquée par un stress intense.

« On m’a volé ma dignité », affirme à Droit-inc Jean Berthelot.

L'affaire a commencé en 2020 lorsque l'algorithme de Facebook a détecté une « image sexuelle » d'une enfant de 6 ans, présumément partagée par Berthelot. L'alerte a été transmise au National Center for Missing & Exploited Children (NCMEC), puis à la police de Laval.

« Ce jour-là, j’ai été accueilli par une dizaine de policiers masqués avec des vestes par balles, à 6 heures du matin. Je ne m’attendais pas du tout à ce genre de visite », se rappelle Jean Berthelot.

Une perquisition au domicile de Berthelot n'a toutefois révélé aucune trace de la photo suspecte parmi les 343 780 fichiers analysés dans ses appareils électroniques.

Manque de preuves

La seule preuve étayant les accusations de distribution de pornographie juvénile reposait sur les algorithmes de Facebook.

« Aucune preuve n’a été apportée sur la manière dont Facebook repère, identifie et transmet au NCMEC les fichiers problématiques», indique la juge Larochelle, selon le JdeM.

La juge Larochelle a critiqué le manque de vérification humaine dans le processus de Facebook, soulignant l'absence de preuves sur la méthode utilisée par Facebook pour identifier et transmettre des fichiers problématiques au NCMEC.

Une des photos que la police a récupérées comme preuves. Source: Jean Berthelot
Une des photos que la police a récupérées comme preuves. Source: Jean Berthelot
Cette affaire soulève des questions importantes sur les méthodes d'enquête de la police de Laval et les procédures de la Couronne.

Parmi les photos recueillies par la police, certaines démontrent sa fille au cours d’un voyage humanitaire et n’auraient « aucune connotation sexuelle », selon la juge.

« Clairement, là, est-ce que vous pensez que vous allez être en mesure de prouver que ces photos-là sont du matériel pornographique? C’est oui ou c’est non! » a adressé la juge Larochelle à la Couronne.

L’avocat écorché

Ces accusations ont causé en 2020 le renvoi de Jean Berthelot du cabinet Alepin Gauthier.

« J’ai perdu mon emploi du jour au lendemain. Mon nom était partout sur Google. Il suffisait de faire une petite recherche sur internet pour découvrir que j’étais accusé de distribution de pornographie juvénile », mentionne avec tristesse l’avocat.

Ces trois années « difficiles » ont menacé la santé mentale de Jean Berthelot qui cumulait plus de 30 ans d’expérience comme avocat.

« J’ai vécu de l’isolement social. Il y a beaucoup de personnes qui m’ont tourné le dos. Ça m’a causé un état dépressif et beaucoup d’anxiété », avoue-t-il.

Voyant qu’il ne pouvait plus pratiquer le droit, l’avocat s’est mis à travailler comme technicien de scène.

« J’envoyais mon C.V. partout et je n’avais aucune réponse. J’ai eu peur pour mon métier d’avocat », ajoute-t-il.

Aujourd’hui, Jean Berthelot se sent soulagé que les accusations soient tombées.

« Si ça n’avait pas été de la résilience, je ne crois pas que je serais là aujourd'hui. Subir tout ça et être capable de continuer de vivre, c’est tout un exploit », soutient-il.

Est-ce que l’avocat souhaite réintégrer le barreau? « Je ne sais pas. Ça fait partie des choses auxquelles je réfléchis », dit-il.

Et veut-il intenter des poursuites judiciaires? « J’y réfléchis ».

Il ajoute: « Maintenant, au moins, je suis capable de dire mon nom publiquement », conclut-il
9513
11 commentaires
  1. Effarée
    Effarée
    il y a 9 mois
    Sidérée
    Une vie brisée après 30 ans de carrière. Quelles mesures de réparation? Je lis cet article et je suis sidérée littéralement! Il y aurait clairement lieu de poursuivre. Je peux facilement m'imaginer les dommages exemplaires qui pourraient être accordées en plus des dommages moraux!!

  2. Gold
    Votre titre est erroné
    Je trouve déplorable que l'on dénonce l'intelligence artificielle comme étant la cause de cette situation. Il faut plutot considérer que celle-ci ne fait que signaler une situation quiaurait du être vérifié avec intelligence ce qui ne semble pas avoir été le cas. Un peu à l'instar d'un signalement par une personne à l'effet qu'elle croie que.... dans ce cas cette déclaratiion n'impliquerait pas d'office une accusation, il y aurait enquete, vérifications ect....
    Il me semble ici évident que la faute reviens à l,enqueteur et au procureur qui a autorisé la dénonciation.

  3. Me(e)
    Bon courage
    OUF!!! Bon courage pour la suite des choses. Moi je déposerais une poursuite salée contre le service de police. Perte salariale, atteinte à la réputation, troubles, etc. On est TOUS sujet à cette méprise des algorythmes. Bref, cela me fait réfléchir quant à ma présence sur les réseaux sociaux. J'espère que la vie vous sera plus douce à l'avenir!

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 mois
    Poursuivez, d'l' tapis !
    La police de Laval et la Couronne méritent une poursuite "épique" !

    Allez-y à fond !

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 mois
    Entrevue sur Qbe Radio
    Dans l'entrevue réalisée par Alexande Dubé, on comprend que c'est l'accusé (et non son avocate) qui a eu la présence d'esprit de demander l'origine des photos, durant l'enquête préliminaire, pour apprendre que 7 de 9 photos retenues venaient de la mémoire cache de ses appareils!

    Ciboire ! ça vaut la peine de se payer un criminaliste, quand c'est toi qui fait la job à sa place !

  6. A
    A
    Bravo aux deux adolescents frère et soeur qui gèrent Alepin Gauthier.
    Quel beau soutien de la part de l'équipe.

  7. YB
    bof
    À leur défense, devoir composer avec un scandale sexuel est un véritable fléau pour les affaires et la réputation d'une entreprise. Ca aurait été pareil dans n'importe quel bureau.

  8. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 mois
    Et bravo aussi au Barreau, qui se torche avec la présomption d'innocence!
    https://www.barreau.qc.ca/media/qdthazbr/avis-limitation-provisoire-jean-berthelot.pdf

    • Me(e)
      Pas de solution miracle
      Il n'y a pas de solution facile. Imaginez-vous un cas où on a un vrai prédateur, qui est accusé, et qui continue à exercer, disons, en droit de la jeunesse. Une fois condamné, tous se seraient levé pour dire: où était le barreau durant ce temps!

      Oui c'est terrible ce qui lui est arrivé et c'est un préjudice irréparable qui a été subi. Par contre, je me demande si je me soulèverais aussi spontanément contre le Barreau. J'en voudrait plus à tous les (non) intervenants du système qui ont permis que ce confrère soit arrêté, puis accusé.

  9. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 mois
    Alepin Gauthier
    J'en connais une qui est trop occupée à faire ses petites danses sur Tik Tok.

  10. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 mois
    Présomption d’innocence
    Le prochain Tik Tok de Me Chanel : La présomption d’innocence en dansant

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires