L’infiltration : la preuve judiciaire ultime
Sophie Ginoux
2021-12-01 15:00:00
On connaît généralement de l’infiltration ce qu’en véhiculent les films et les médias. Des agents spéciaux se glissent dans la peau de trafiquants, de meurtriers ou de malfrats pour intégrer les rangs et gagner la confiance de réseaux criminels qu’ils doivent faire tomber. Eh bien, nous ne sommes pas si loin de cette réalité lorsqu’on parle d’infiltration civile !
« Pour s’infiltrer dans une entreprise, un de nos agents va se porter candidat à un poste en envoyant un faux CV, puis passer une entrevue, se faire embaucher et espionner dans l’ombre quelques mois ou quelques années, selon l’ampleur des infractions à signaler. Toute l’opération est menée en secret par le truchement d’un avocat et de notre firme. À tel point, d’ailleurs, que ni ce dernier, ni son client, ni même mes collègues de Sirco ne connaissent l’identité de l’agent infiltré ! » raconte Mario Lacombe, un ancien policier de 32 ans d’expérience devenu directeur des enquêtes spécialisé en infiltrations pour Sirco, une référence québécoise dans le domaine des enquêtes et des services-conseils en matière de sécurité.
Quand peut-on recourir à une infiltration ?
On ne mène jamais une infiltration dans une entreprise à la légère. « Il faut toujours préalablement que nous ayons des motifs raisonnables de croire qu’il y a un réel problème dans cette société, et que cette mesure est nécessaire », indique M. Lacombe.
Quels sont les motifs qui peuvent nécessiter une infiltration ? Ils sont divers selon le directeur. Il peut s’agir de consommation et de commerce de stupéfiants; de vol de produits, de matériel ou de données; de destruction intentionnelle de biens et de marchandises, d’espionnage industriel ou de fausses blessures… Les moyens utilisés par des employés pour nuire à leur entreprise sont bien plus nombreux qu’on pourrait l’imaginer !
« Nous pouvons aussi bien enquêter sur du vol de temps opéré par des individus qui dorment à leur poste de travail ou sont volontairement très lents, qu’infiltrer une entreprise qui a volé les modèles de vêtement de sa compétitrice, notre cliente, et les affiche à moindre prix sur son site web », explique Mario Lacombe.
Profession : agent infiltré
Qui sont les agents infiltrés de l’équipe de Sirco ? M. Lacombe ne nous révèlera rien sur eux pour préserver leur anonymat, bien sûr, mais il admet en compter une douzaine à temps plein, ainsi qu’une centaine sur appel.
« Nous devons disposer de nombreux profils pour pouvoir infiltrer tous les types d’entreprises, dit-il. Ils disposent tous d’un permis du Bureau de la sécurité privée et pour la plupart d’un permis d’investigation. Mais ce sont surtout des personnes très polyvalentes et débrouillardes qui arrivent à se fondre dans des personnages et à gagner la confiance des gens sur lesquels ils doivent enquêter. »
M. Lacombe, qui a lui-même réalisé des missions d’infiltration dans son ancienne vie de policier, est conscient du haut degré de confidentialité que réclament les opérations que mènent ses agents. Il centralise donc toute l’information, en plus d’être le seul intervenant que l’avocat, l’entreprise et même la Cour, si l’affaire se rend jusqu’en justice, verront physiquement.
Chaque jour, il reçoit en moyenne 12 rapports d’agents infiltrés dans des entreprises. « Les agents ont pour mission de se rapporter quotidiennement, puis je dresse un résumé de leurs observations et résultats aux avocats des clients concernés une fois par semaine. »
Au cours de leur mandat, les agents peuvent accumuler des preuves oculaires et audibles à titre de témoins, réaliser des enregistrements audio ou vidéo des larcins, ou encore prendre des photos compromettantes. « Mais en aucun temps, ils ne participent aux infractions, précise le directeur. Comme au hockey, ce sont peut-être d’excellents joueurs, mais nous jouons tous dans la même équipe. »
Des preuves irréfutables
Une fois que les preuves sont suffisantes pour dénoncer la ou les personnes suspectées, Sirco les convie à un interrogatoire auquel participent l’entreprise cliente, l’avocat qui a servi d’intermédiaire et, si la situation s’applique, un représentant du syndicat des employés.
« La plupart des affaires s’arrêtent à cette étape, car les éléments de preuve sont suffisants pour confondre les suspects, qui reconnaissent les crimes dont on les accuse. Et les entreprises ne veulent pas vraiment faire appel à la police, ce qui pourrait nuire à leur réputation, donc elles se contentent de demander aux individus de démissionner », explique Mario Lacombe.
Il arrive cependant que certains mandats se rendent jusqu’en cour, soit parce que les suspects ne veulent pas avouer leurs crimes, soit parce que les crimes en question sont majeurs et nécessitent l’intervention de la police.
Dans le premier cas de figure, un arbitrage est nommé pour donner raison à l’employeur ou l’employé. « Et nous avons alors évidemment presque toujours gain de cause, car les preuves que nous fournissons sont irréfutables », dit fièrement l’expert.
Nous comprenons maintenant un peu plus pourquoi il ne regrette pas une seconde d’avoir délaissé sa retraite pour poursuivre son fascinant métier !
Gabrielle
il y a 3 ansBravo pour cet article, c'est très intéressant, et ça fait changement. Rafraîchissant et plus instructif que les nombreux articles publicités.. j'ai hâte de vous relire :)
Anonyme
il y a 3 ansMais sans le braillage ?