Maître Corbeau dans une chambre perchée…

Trois personnes ont en effet été tuées par balles, vendredi, à Tirana, lors d'une manifestation de l'opposition marquée par de violents accrochages avec les forces de l'ordre, donnant une tournure dramatique à la crise politique que traverse le pays depuis un an et demi.

Or, Me Martin se trouve justement actuellement à Tirana. De sa chambre d’hôtel, Il vient d’écrire à Droit-inc.com.

Je suis en mission pour la Croix-Rouge internationale. Je suis en Albanie depuis deux semaines – dans la capitale, Tirana, mais la mission m'a aussi emmené en région dans le nord et le sud du pays. Mon mandat consiste à faire une étude des dispositions législatives, nationales, régionales et locales, qui favorisent la prévention et la réduction des risques de désastres naturels – l’Albanie est un pays à risques surtout en ce qui concerne les inondations et les tremblements de terre mais d’autres aussi. La Croix-Rouge encourage de plus en plus dans le monde une approche préventive plutôt que simplement réactive et curative (« response and recovery ») afin de réduire davantage les pertes de vie et les autres impacts destructeurs résultant des désastres naturels.

Ma mission se terminait aujourd’hui avec un retour prévu pour demain sur Montréal via Munich.

Les émeutes ont commencé vers les 14h (8h, heure de Montréal). La manifestation-monstre, prévue depuis quelque temps, s'est tenue cet après-midi au cœur de Tirana pour protester contre la corruption gouvernementale. Certains prévoyaient effectivement de la violence et de la « casse ». J’ai eu plus tôt ce matin une réunion à l’UNDP – une agence des Nations-Unies – qui a, par mesure de précaution, décidé de fermer leur bureau – comme plusieurs autres bureaux et entreprises au centre-ville – à compter de midi. Le haut placé de l’UNDP que j’ai rencontré m’a fortement recommandé de rester à l’intérieur de mon hôtel et de ne pas sortir jusqu’à ce que la manifestation soit terminée. Mes réunions de cet après-midi ont donc été annulées.

La manifestation était concentrée autour du « Gouvernement House » - l’édifice qui abrite les bureaux du premier Ministre, à vue d’œil de ma chambre d’hôtel - avec violence, unités anti-émeute, canon à eau, gaz lacrymogène et tir de balles de plastiques (j'entendais les détonations de ma chambre), cocktails Molotov, voitures qui brûlent, etc. Je suivais tout ça live à la télé et en partie de ma chambre d’hôtel.

Je comptais aller découvrir ce soir un fameux resto de Tirana hautement recommandé que je gardais pour la toute fin pour fêter la fin de ma mission mais les gens de l’hôtel m’ont fortement suggéré de ne pas y aller parce que les émeutes se sont déplacées ailleurs en ville. Je suis sorti quand même mais à un resto à pied de l'hôtel.

J'espère pouvoir prendre mon avion demain comme prévu. J’espère encore plus que la situation ici ne se transforme pas en un autre Tunis. Un soulèvement populaire semblable en 1998 avait renversé le gouvernement dans un contexte de violence aussi.


Paul Martin