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Un expert appelé à la barre par le clan Rozon a déjà été blâmé pour langage inapproprié

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Radio Canada

2025-08-27 11:00:54

Le criminologue Marc Ouimet a admis devant la juge avoir dit « Ta gueule, salope » à une de ses étudiantes de l'Université de Montréal.

Gilbert Rozon - source : Radio-Canada / Ivanoh Demers


Au procès civil de Gilbert Rozon, mardi, un expert appelé en renfort par les avocats de l'ex-magnat de l'humour a vu son impartialité et sa crédibilité grandement minées par la révélation d'une plainte disciplinaire de nature sexuelle à son encontre.

Marc Ouimet, professeur récemment retraité de l'Université de Montréal (UdeM), avait pour mission de présenter à la juge Chantal Tremblay son rapport intitulé Les mythes du viol et les stéréotypes, de Brownmiller en 1975 à la loi 73 de 2024. Une expertise dont les avocats du défendeur, Gilbert Rozon, comptaient se prévaloir dans leur contestation du tout récent article 2858.1 du Code civil. Une disposition qui, selon les prétentions de Gilbert Rozon, le prive d'un procès juste et équitable.

L'article 2858.1 est important pour les victimes d'agression sexuelle qui se retrouvent dans la spirale de la justice, puisqu'il stipule qu'en cas d'allégations de violence sexuelle sont présumés non pertinents des éléments comme la réputation de la personne victime, son comportement sexuel en dehors du litige en instance, le fait que la personne n'ait pas demandé que le comportement cesse ou encore le fait qu'elle n'ait pas porté plainte.

La journée durant, Marc Ouimet a exposé au tribunal un corpus d'études scientifiques sur lesquelles il s'est appuyé pour examiner en détail les sources utilisées par le législateur québécois dans l'élaboration de l'article 2858.1 et pour justifier son adoption. L'expert criminologue a décrit aussi comment il avait évalué la qualité scientifique des études utilisées par Québec.

Or, en clair, d'après l'expert, le législateur n'a pas fait ses devoirs : il n'a pas fondé l'article 2858.1 sur suffisamment d'études scientifiques ni sur des données probantes. Je m'attendrais à ce que le législateur, avant de prendre une décision aussi sérieuse (telle que l'adoption de 2858.1), mène et finance ses propres études scientifiques, a déclaré Marc Ouimet.

L'expert blâmé pour comportement inapproprié de nature sexuelle

Mais Gilbert Rozon conteste du même souffle deux articles du Code civil – celui sur les mythes et les stéréotypes et celui abolissant le délai de prescription en matière d'agression sexuelle. C'est ce volet constitutionnel qui explique la présence du procureur général du Québec, représenté dans cette affaire par Me Michel Déom.

Et c'est Me Déom qui a révélé en toute fin d'audience qu'aux alentours de 2014, l'une des étudiantes de Marc Ouimet, Catherine Montmagny-Grenier, avait formulé contre lui une plainte pour un comportement inapproprié de nature sexuelle.

Après examen par un comité disciplinaire, le professeur de criminologie a été blâmé par l'UdeM pour avoir utilisé un langage inapproprié à l'encontre de cette étudiante, dans le contexte d'une occasion sociale. Devant la juge Chantal Tremblay, mardi, Marc Ouimet a admis avoir dit Ta gueule, salope à cette femme qui était son étudiante.

Le témoin expert a précisé à la Cour qu'il ne s'était pas retrouvé en congé sans solde ou quelque chose comme ça en raison de ce blâme. On m'a dit de ne plus être dans un rapport d'autorité avec madame, c'est ce dont je me souviens. Poursuivant le contre-interrogatoire entamé par le procureur général, Me Jessica Lelièvre, qui représente les neuf demanderesses, en a ajouté une couche en affirmant que Marc Ouimet aurait aussi dit à cette étudiante : Est-ce que tu veux monter à l'étage pour se faire de la tendresse?

Le professeur aurait aussi reproché à son étudiante d'aimer mieux coucher avec quelqu'un d'autre que lui, et lui aurait fait des attouchements en dansant. C'est ce que l'étudiante a allégué, a répondu le professeur Ouimet. À l'avocat de Gilbert Rozon, Me Pascal-Alexandre Pelletier, qui objectait qu'on s'éloignait ainsi du sujet, Me Lelièvre a répliqué que les faits relatifs à cette plainte dénotaient un niveau de sexisme important de la part de Marc Ouimet.

La juge Tremblay a tranché l'affaire en rejetant l'objection de l'avocat du défendeur. Pour le procureur général, qui défend la constitutionnalité de l'article 2858.1, la sanction disciplinaire dont avait fait l'objet le témoin expert Marc Ouimet est de nature à semer le doute quant à son impartialité. Cet incident est pertinent pour que le tribunal puisse jauger de sa crédibilité, a-t-il expliqué.

Dès le début du procès, en décembre dernier, en Cour supérieure, Gilbert Rozon avait tenté de le faire reporter en invoquant que l'article 2858.1, adopté quelques jours auparavant seulement, était de nature à le priver d'une défense pleine et entière. Une requête qu'avait rejetée la juge Tremblay. Puis, en mars, la Cour d'appel du Québec avait accepté d'entendre l'appel de Gilbert Rozon, toujours au sujet de l'article 2858.1.

Le plus haut tribunal de la province a finalement tranché en faveur des demanderesses. Mardi, dans le couloir du palais de justice de Montréal où il parle régulièrement aux journalistes, Gilbert Rozon a reproché au législateur québécois d'avoir adopté, au feeling, deux jours avant (le début de son propre procès), quelque chose qui change complètement le droit civil au Québec.

Péladeau ne témoignera pas

Le procès civil de Gilbert Rozon, qui se poursuit cette semaine, devait notamment donner lieu à un témoignage de Pierre Karl Péladeau, mais le président et chef de la direction de Québecor déposera plutôt une déclaration sous serment. M. Péladeau devait parler d'une soi-disant cassation de la relation d'affaires entre son entreprise et Juste pour rire, en octobre 2017, au moment où Le Devoir et le 98,5 FM avaient révélé que Gilbert Rozon était visé par des allégations d'agression et d'inconduite sexuelles. L'audience se poursuivra, mais avec des témoins qui aborderont la question du montant des dommages.

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