Une « arme nucléaire » rejetée contre la LHJMQ
L'outrage au tribunal est une « arme nucléaire » qui ne doit être utilisée qu'en dernier recours, rappelle la Cour supérieure…
La Cour supérieure a mis un terme à une nouvelle procédure intentée dans le cadre dela longue saga de l'action collective des joueurs de hockey junior.

Le litige, qui s'inscrit dans le contexte de la grande action collective pancanadienne visant à reconnaître les joueurs de hockey junior comme des salariés, opposait les défenderesses aux représentants du groupe, Lukas Walter et Thomas Gobeil, qui accusaient la Ligue d'avoir enfreint une ordonnance en diffusant une publicité télévisée sur RDS.

La LHJMQ, la défenderesse, était représentée par Mes Raymond Doray et Guillaume Laberge, de Lavery.

La bataille des joueurs-salariés
Ce jugement, on l’a dit, s’inscrit dans le contexte des actions collectives visant la Ligue canadienne de hockey (LCH) et ses trois ligues membres (OHL, WHL et LHJMQ). Ces actions, autorisées au Québec en 2018 avec Lukas Walter et Thomas Gobeil comme représentants, visent à faire reconnaître que les joueurs sont des salariés qui devraient bénéficier des avantages sociaux et du salaire minimum prévus par les lois du travail.
En 2020, une entente globale prévoyant un règlement de 30 millions de dollars a été négociée. Cependant, en juin 2023, Walter et Gobeil ont désavoué leurs signatures, alléguant que la LHJMQ n'aurait pas divulgué tous les fonds auxquels elle avait accès. Aussi se sont-ils opposés à ce que l’entente modifiée soit soumise à l’approbation judiciaire.

Malgré cette opposition, l'un des avocats de l'époque, Me Michel Savonitto, a tout de même soumis l'entente modifiée à l'approbation judiciaire, entraînant une cascade de procédures. La Cour d'appel a statué que, faute pour les demandeurs de soumettre eux-mêmes l'entente (tout en s'y opposant), les défenderesses et le Fonds d’aide aux actions collectives seraient justiiés de le faire. Le dossier est d’ailleurs actuellement suspendu, en attente d’un jugement de la Cour suprême du Canada.
La publicité sur RDS

Les demandeurs ont déposé une demande d’outrage au tribunal réclamant 100 000 $ à la LHJMQ et aux équipes membres. Ils reprochaient aux défenderesses d'avoir intentionnellement violé cette ordonnance en diffusant une publicité télévisée sur le Réseau des sports (RDS) du 10 au 25 mars 2025. Cette publicité invitait simplement les joueurs à consulter le site chl.ca/lhjmq pour une « importante mise à jour sur l’action collective ».
Les avocats des défenderesses ont présenté une demande verbale en non-lieu après que la preuve des demandeurs eut été close.
Absence d’une interdiction claire
Pour statuer sur la demande en non-lieu en matière d’outrage, la Cour supérieure n’a pas eu à évaluer la force de la preuve, mais seulement à déterminer s'il y avait « absence totale de preuve » sur un élément essentiel de l'infraction. L'outrage civil requiert, selon la Cour suprême, que l’ordonnance soit formulée de manière claire et non équivoque sur ce qui doit ou ne doit pas être fait.
C’est sur cet élément que les demandeurs ont échoué.
- L’ordonnance est permissive : la juge Perreault a constaté que l’ordonnance du 7 février 2025 était « muette sur ce qui est interdit », indiquant plutôt ce que les défenderesses « pourront » faire (publier des représentations écrites sur leurs propres sites web).
- Interprétation a contrario rejetée : les demandeurs plaidaient que ce que l’ordonnance n’autorise pas, elle l’interdit nécessairement (a contrario). La Cour supérieure a rejeté cette prémisse en matière d'outrage. Pour qu'il y ait outrage, la personne visée doit savoir « exactement ce qu'elle peut ou ne peut pas faire », et une ordonnance ne doit pas être sujette à interprétation.
- Ambiguïté : la Cour supérieure a souligné que l’ordonnance, « à première vue, est ambiguë, imprécise ou susceptible d'interprétations divergentes quant à sa portée ». L'ordonnance fait référence à des « représentations écrites », laissant place au doute quant à savoir si la diffusion d'une publicité télévisée invitant à consulter un site web peut être interprétée comme une contravention à une interdiction implicite. Le tribunal a rappelé que si les termes sont ambigus, « le doute qui en découle doit bénéficier à la partie accusée ».
Une « mesure exceptionnelle »
Le tribunal a conclu qu’il y avait « absence de preuve d’une ordonnance claire et non équivoque sur l’interdiction de diffuser la publicité ».
La juge Perreault y est allée d’une mise en garde finale : l’outrage au tribunal est une « mesure exceptionnelle qui ne doit être utilisée qu’en dernier ressort » et non pas lorsqu'il existe une autre mesure de redressement possible. Les demandeurs auraient pu, par exemple, s'adresser au juge gestionnaire de l’action collective « avant de recourir à l’arme nucléaire », a souligné la juge.
La demande en non-lieu a donc été accueillie, avec les frais de justice en faveur des défenderesses.
Droit-inc a tenté d’obtenir les commentaires des procureurs des parties, mais n’avait pas eu de retour au moment d’écrire ces lignes.