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Financement de la transition énergétique du Québec : libérer le potentiel des actions accréditives

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David Tournier, Éric Gélinas Et Charles-hugo Gagné

2024-09-30 11:15:04

David Tournier, Éric Gélinas et Charles-Hugo Gagné, les auteurs de cet article. Source : Lavery
David Tournier, Éric Gélinas et Charles-Hugo Gagné, les auteurs de cet article. Source : Lavery
Quid du financement de la transition énergétique au Québec?

Le Québec s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de transition énergétique et de décarbonation industrielle. Ce virage environnemental doit être pris dans un contexte où notre consommation d’énergie pourrait croître rapidement sous l’effet cumulé de plusieurs facteurs, tels que la réindustrialisation de notre économie, la croissance de notre population, l’électrification des transports ou encore le potentiel énergivore de l’intelligence artificielle.

Investir dans le développement d’infrastructures énergétiques est donc primordial, l’abondance énergétique étant par ailleurs indispensable à la prospérité de l’économie.

Or, les finances publiques sont déjà fortement sollicitées, notamment par la rénovation de nos infrastructures vieillissantes. Il est donc indispensable d’encourager l’investissement de capitaux privés, et la fiscalité peut s’avérer très efficace à cet égard.

L’exemple américain

En 2022, les États-Unis ont adopté l’Inflation Reduction Act (IRA), notamment pour stimuler les investissements dans le secteur de l’énergie renouvelable. Plus particulièrement, l’IRA a modifié ou créé plusieurs crédits d’impôt afin d’encourager les investissements privés.

Au cours des deux dernières années, les entreprises américaines ont annoncé un total de près de 276 milliards $ US en nouveaux investissements dans la production d’énergie propre, la capture ou l’élimination du dioxyde de carbone et d’autres formes de décarbonation industrielle, soit une augmentation de 34 % par rapport aux deux années précédentes.

L’impact de l’IRA réside dans sa créativité, sa flexibilité et son pragmatisme pour tenir compte des réalités respectives des différents intervenants du secteur énergétique, notamment en matière de fiscalité. En effet, les promoteurs de projets énergétiques doivent souvent attendre plusieurs années avant de générer des revenus et des profits, alors que les banques et autres fonds d’investissement qu’ils sollicitent sont présumément en exploitation bénéficiaire.

Les pertes fiscales générées au cours des années de conception et de construction de tels projets ont donc un intérêt diffus pour les promoteurs, mais immédiat pour les investisseurs. Un marché de titres de participation assortis d’avantages fiscaux (tax equity market) s’est ainsi développé, permettant aux sociétés assujetties à l’impôt d’investir dans des parts d’entités constituées pour aménager de tels projets en vue de bénéficier de crédits d’impôt et d’un amortissement accéléré.

Généralement, l’entité qui recueille les investissements et aménage le projet distribue 99 % des revenus, des pertes et des crédits d’impôt à l’investisseur jusqu’à ce qu’un rendement prédéterminé soit atteint. Une fois ce rendement atteint, la part des avantages attribués à l’investisseur diminue, et le promoteur a l’option de racheter la part résiduelle de l’investisseur.

L’IRA a transformé la monétisation des crédits d’impôt fédéraux pour l’énergie propre, en permettant désormais d’acheter et de vendre ces crédits sans forcément avoir à faire un investissement à long terme. Cette nouvelle approche offre aux entreprises un moyen supplémentaire et intéressant de participer à ce marché croissant des crédits d’impôt.

En 2023, le volume du marché des titres de participation assortis d’avantages fiscaux pour les projets américains était d’environ 20 à 21 milliards $ US, soit une augmentation d’environ 18 milliards $ US par rapport à l’année précédente.

Cette tendance semble vouloir se maintenir. En effet, il est estimé que la valeur du marché actuel, particulièrement attractif pour les banques, devrait doubler pour atteindre 50 milliards $ US par an d’ici 2025.

L’équivalent des actions accréditives

Le mécanisme québécois et canadien de déductions fiscales qui ressemble le plus au marché américain des titres de participation assortis d’avantages fiscaux est probablement celui des actions accréditives.

Ce mécanisme permet aux sociétés des secteurs minier et de l’énergie renouvelable de transférer leurs dépenses d’exploration minière et d’autres dépenses expressément désignées comme admissibles à des investisseurs, qui peuvent ensuite les déduire de leur propre revenu imposable.

Ces sociétés peuvent donc émettre des actions à un prix plus élevé que celui qu’elles recevraient pour des actions ordinaires, soutenant ainsi leurs activités d’exploration et d’aménagement. De leur côté, les investisseurs sont prêts à payer ce prix supérieur en contrepartie de la déductibilité fiscale des frais admissibles engagés par la société émettrice.

Ces déductions fiscales peuvent atteindre au maximum 120 % des fonds propres investis dans ces actions. De plus, un crédit d’impôt fédéral de 15 % ou de 30 % peut également être réclamé par ces investisseurs.

Cependant, il convient de noter que ce mécanisme est plus rigide que le mécanisme américain, les incitations fiscales ne pouvant pas être cédées, et son application en étant réservée aux dépenses d’exploration et d'aménagement minières ainsi qu'à certaines dépenses précises liées à des projets d'énergie renouvelable et d'économie d'énergie telles que la production d’électricité utilisant des ressources renouvelables comme l’énergie solaire, le vent et la géothermie.

Ambition, innovation et passage à l’action (accréditive)

Le Québec pourrait s’inspirer de l’IRA pour augmenter l’attractivité des actions accréditives, élargir leur champ d’application, et ainsi créer un nouvel outil de financement de la transition énergétique.

Le secteur de l’énergie renouvelable s’apparente d’ailleurs au secteur minier à plusieurs égards, notamment quant au montant élevé des capitaux requis pour construire l’infrastructure nécessaire à l’exploitation d’une mine ou d’un outil de production énergétique. Bien établi et populaire auprès des investisseurs, le mécanisme des actions accréditives pourrait avoir le même succès dans le contexte de notre transition énergétique.

Rendre ces incitatifs plus facilement cessibles favoriserait en outre l’émergence d’un marché similaire à celui du marché américain des titres de participation assortis d’avantages fiscaux.

Plusieurs porte-drapeaux québécois, comme Hydro-Québec, Innergex ou Boralex, nourrissent de grandes ambitions quant à l’aménagement de projets énergétiques d’envergure. Leur financement, tel que celui de la décarbonation industrielle et du renouvellement de nos infrastructures, présente d’importants défis.

Pour les relever, il est important d’innover, afin de prendre à temps ce virage vers un monde plus durable, mais tout aussi prospère.

À propos des auteurs

David Tournier est associé au sein du groupe de droit des affaires chez Lavery, plus particulièrement en financement d'entreprise.

Éric Gélinas est membre du groupe droit des affaires chez Lavery. Il assiste les entreprises particulièrement au niveau des réorganisations fiscales complexes et des aspects fiscaux liés aux fusions et acquisitions nationales et transfrontalières.

Charles-Hugo Gagné est avocat au sein du groupe droit des affaires et membre de l’équipe de droit fiscal du cabinet Lavery.

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