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PL 96 : Défis d’interprétation et le rôle des tribunaux

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Robert Leckey

2022-06-22 11:15:00

La Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, engendrera plusieurs débats interprétatifs, tant au sein du public qu’auprès des tribunaux.
Robert Leckey, l’auteur de cet article. Source: Archives
Robert Leckey, l’auteur de cet article. Source: Archives
J’admets que l’interprétation des lois ne provoque normalement pas un vif intérêt chez les profanes. N’empêche, ces débats toucheront à des enjeux pertinents à toute la société québécoise. Par exemple, les tribunaux devront préciser leur rôle relativement à un législateur qui les voit comme une irritation, au mieux, et qui se soucie peu des droits fondamentaux. D’ailleurs, ces débats déboucheront sur des effets humains concrets.

Une question concerne l’interprétation de la clause de dérogation dans la Charte canadienne des droits et libertés. Ce mécanisme a beau émerger d’un compromis politique au début des années 1980, il n’en demeure pas moins qu’il est sujet à interprétation par les tribunaux comme tout élément de la Constitution.

Application controversée

Dans (les pages de La Presse), Michel C. Auger a avancé l’interprétation selon laquelle le législateur ne saurait recourir à la clause de dérogation qu’après avoir essuyé un échec constitutionnel devant les tribunaux. À l’instar d’autres auteurs, Jean Leclair a suggéré que les tribunaux conservent un pouvoir résiduel à déclarer la violation des droits fondamentaux par une loi de laquelle l’opération dépend de la clause dérogatoire.

Reste à voir si la Cour d’appel ou la Cour suprême du Canada accepteront l’invitation, qui leur a été lancée dans l’affaire de la loi 21, à mieux baliser le recours à cette clause. Le tribunal s’est alors désolé de l’usage désinvolte et inconsidéré de ce mécanisme par le législateur.

D’autres questions toucheront à l’interprétation des dispositions de la loi 96. Quelles que soient les assurances gouvernementales, qu’il s’agisse des points de presse ou des publicités placées aux frais publics dans les journaux, l’application de cette loi suscitera plusieurs controverses.

Pensons au besoin d’éclairer la zone grise entre l’obligation imposée à l’administration civile d’utiliser la langue française de manière exemplaire et l’exception qui y est prévue lorsque la santé l’exige.

Quelles en seront les conséquences pour le secteur de la santé et des services sociaux ?

Pensons aussi à l’élargissement des pouvoirs d’inspection de l’Office québécois de la langue française. En raison du recours à la clause de dérogation, ceux-ci ne sont plus restreints par les protections constitutionnelles contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Quelle place prendront les principes généraux du droit administratif, étant donné que le législateur semble avoir cautionné, au préalable, des pratiques déraisonnables et disproportionnées ?

Plus globalement, la loi 96 mérite-t-elle une interprétation large et libérale ou plutôt étroite, vu qu’elle fait exception aux droits fondamentaux ?

Normalement, la magistrature joue un rôle complémentaire à celui du législateur. Les juges clarifient ou complètent les formulations législatives, dans l’avancement des objectifs avoués ou inférés de ce dernier. Parfois, les juges corrigent des erreurs venues des rédacteurs législatifs, voire amoindrissent des contradictions. Cette fonction fait partie de la vocation fondamentale des tribunaux à soutenir l’ordre constitutionnel, y compris la primauté du droit.

Or, qu’en est-il lorsque le législateur poursuit un objectif – en l’occurrence, la préservation et la promotion de la langue française – qui s’oppose à la protection des droits et libertés fondamentaux ? La même approche généreuse et collaborative convient-elle toujours ?

La question se pose. Selon une approche plausible, la magistrature ne serait pas tenue de collaborer avec le législateur lorsque ce dernier brime les droits fondamentaux. Certes, les juges devraient donner ses effets à toute loi qui est protégée par la clause de dérogation. Ne pourraient-ils toutefois s’abstenir à compléter les lacunes d’une telle loi ou à en résoudre les ambiguïtés ? Après tout, le recours par le législateur à la clause de dérogation ne libère pas les tribunaux de leur rôle de contrepoids indépendant et impartial dans une société libérale et démocratique.

Aussi importante que soit la promotion de la langue française, l’adoption de la loi 96 nécessite de sérieuses réflexions concernant les rôles des trois branches du gouvernement et le type de société dans laquelle nous voudrions vivre ensemble.

À propos de l’auteur

Avocat émérite du Barreau, Robert Leckey est doyen de la Faculté de droit de l’Université McGill. Ce texte est d’abord paru dans ''La Presse''.
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2 commentaires
  1. DSG
    Not this again
    When will this language debate end? This is debate number 12, version 14, chapter 27. It's so boring. Would it help if DSG would only post in French? I can't guaranty that I'll be as witty but I want to do my part just to be done with this. Maybe everyone should just shut the f--- up. Fermez vos gueules. The only thing that I learned with great certainty is that people don't care what other people think, let alone what language they say it in.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 2 ans
    Speak white !
    "À l’instar d’autres auteurs, Jean Leclair a suggéré que les tribunaux conservent un pouvoir résiduel à déclarer la violation des droits fondamentaux par une loi de laquelle l’opération dépend de la clause dérogatoire."


    ????

    If you can't write properly in french, write in english, calvaire !

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