Les soft skills qui font gagner l’entrevue avant même le CV

Sophie Ginoux
2025-06-19 14:15:55

Les compétences douces, ou soft skills, jouent un rôle de plus en plus important quand vient le temps de distinguer un professionnel d’un autre.
Curieux d’en savoir plus à ce sujet, nous avons posé quelques questions à Pierre Arcand, un expert dont la société de chasse de têtes figure dans le palmarès des 10 meilleures firmes de recrutement au Canada selon Manage HR, pour savoir
M. Arcand, quelles sont les aptitudes de savoir-être les plus recherchées par les employeurs dans le domaine juridique?
Dans le cadre d’un processus de recrutement, nos clients arrivent habituellement avec une description du poste et des tâches à accomplir. Et quelquefois, ils incluent des aptitudes au niveau du savoir-être, mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Or, même s’il est évident que l’expérience professionnelle et l’intelligence juridique sont des critères incontournables, ce qui fera la différence dans les dernières étapes du processus, ce seront les aptitudes des candidats au niveau du savoir-être.
Pourquoi? Parce que les premières étapes éliminent les candidats non qualifiés au niveau de l’expérience et / ou de l’intelligence. Donc, au moment de franchir la ligne d’arrivée, lorsqu’il faudra choisir l’élu, c’est le savoir-être démontré par les candidats qui pèsera le plus lourd dans la balance. Très souvent, l’employeur le fera d’ailleurs de façon instinctive, sans vraiment s’en rendre compte.
De plus, il arrive que le savoir-être s’impose au détriment de l’expérience ou de l’intelligence (en autant qu’on y retrouve un minimum des deux). Le processus étant géré par des humains, le facteur humain entre effectivement en ligne de compte. Si nous comptons par exemple cinq candidats dans un processus d’entrevue, ils ne seront pas tous égaux au regard de la liste de critères de notre client. Ce qui ne nous empêchera pas de les soumettre tous les cinq si nous jugeons qu’ils ont chacun une chance de séduire notre client.
En bout de ligne, c’est rarement celui ou celle qui coche le plus de cases qui remporte la palme. Ce qui était un critère essentiel va l’être soudainement moins, le temps disponible pour former le candidat risquant aussi d’être augmenté si un candidat plus junior intéresse l’employeur.
En résumé, l’employeur va choisir le candidat qu’il préfère, et ensuite, il adaptera ses critères en fonction de son choix. C’est un humain, comme nous vous lorsque vous achetez une voiture. Vous avez vos critères, mais certains vont prendre le bord en cours de processus. C’est la même réalité qui s’applique pour une liste de qualités recherchées chez un candidat via une application de rencontre… C’est humain.
Quelles aptitudes de savoir-être vont faire une différence?
J’en verrais quatre, a priori.
1. La communication
Le processus d’embauche en est un de communication. Communication des attentes, des aptitudes, des intérêts et de la vision à court, moyen et long terme. Cette communication est bilatérale, alors le candidat doit être capable de recevoir autant que de transmettre l’information. Au début, le candidat transmet de l’information (son CV), mais il a avantage à avoir pris connaissance de la description du poste et à avoir notamment mis en évidence ses expériences les plus pertinentes.
À l’étape de l’entrevue, recevoir l’information est encore plus essentiel. Oui, le candidat doit se vendre, mais il doit rester réceptif aux signaux qui seront immanquablement transmis. La même question posée deux fois, un retour sur une réponse donnée, un haussement de sourcils ; ce sont tous des signaux dont on doit tenir compte afin de s’ajuster.
Des manques au niveau de la communication peuvent entraîner des impressions négatives faisant ombrage aux qualités professionnelles d’un candidat et, par conséquent, le placer un peu plus loin de son objectif.
2. L’intelligence émotionnelle
Ce savoir-être chevauche celui de la communication, mais il est en fait beaucoup plus subtil. L’expression « savoir lire la salle » est probablement ce qui l’exprime le mieux. Il consiste à comprendre ce qui se passe, les non-dits, la dynamique, les vibrations. Ce sera important dans le cadre d’entrevues, mais aussi parce que ce sera capital dans les cas d’éventuels rôles au sein d’équipes après l’embauche.
Le problème, c’est que ça ne se développe pas du jour au lendemain, et certains diront qu’on l’a ou ne l’a pas. Je ne suis pas d’accord avec cette vision. On peut avoir des lacunes à ce niveau et ce n’est pas facile de les corriger, mais ça s’apprend, tout comme l’intelligence mathématique ou les langues étrangères.
3. Les aptitudes pour les relations interpersonnelles
Encore une fois, ce savoir-être recoupe le précédent. L’intelligence émotionnelle apporte énormément aux relations interpersonnelles, mais elle ne suffit pas. On peut lire extrêmement bien la salle, mais être centré sur ses besoins, avoir une vision à court terme et vouloir briller sur toutes les plateformes.
Comment cette compétence douce s’exprime-t-elle dans le cadre d’un processus d’embauche? De manière pas très évidente, si ce n’est de mentionner que vous êtes un joueur d’équipe, que vous travaillez bien en groupe, que vous vous intégrez et vous adaptez en fonction du groupe. Il est également possible d’envoyer des messages en ce sens, comme parler de moments où on vous a identifié comme un leader, ou bien les activités que vous pratiquez.
Petit bémol : il y a des rôles, mêmes pour des avocats, qui requièrent moins d’aptitudes au niveau interpersonnel. Ce sont des rôles souvent en retrait, en support aux mandats. Mais même dans ses cas de figure, il faudra un minimum de ce savoir-être.
4. L’adaptabilité
Que l’on parle d’adaptabilité, de flexibilité ou de souplesse, on veut surtout éviter toute forme de rigidité. Mais il ne faut pas confondre rigidité et rigueur. Bien que leurs définitions dans les dictionnaires soient quasi identiques (implacabilité, intransigeance, inflexibilité, etc.), la rigueur réfère davantage à de la minutie ou à du professionnalisme, donc une qualité recherchée. Tandis que la rigidité sonne plus comme de l’intransigeance.
C’est de cette intransigeance que les employeurs veulent s’éloigner le plus possible. Ils veulent des employés qui peuvent s’adapter tant aux différentes situations, qu’aux différentes personnalités. Il faut donc éviter en entrevue d’être trop tranchant dans ses propos, ou trop campé dans ses positions de peur de laisser l’autre penser qu’on va être difficile à gérer. Ça ne veut pas dire d’être mou et sans colonne, mais on peut s’affirmer tout en ayant des nuances.
En terminant, je dirais qu’il y a de nombreuses autres formes de savoir-être. Mais si par bonheur, vous disposez des quatre énumérées ci-haut, je crois honnêtement que vous tirerez votre épingle du jeu dans le cadre d’un processus d’embauche. Ça ne veut pas dire que vous serez l’élu chaque fois, parce que vous n’êtes pas le seul à les maîtriser, et que tous les employeurs ne les maîtrisent pas eux-mêmes. Mais ce seront de bons atouts dans votre coffre à outils professionnel.