Portrait

La soutane sous la toge

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Delphine Jung

2017-09-21 11:15:00

En plus de recevoir l’appel de Dieu, cet avocat a aussi reçu l’ « appel de la justice sociale »...
Benoît-Marc Boyer
Benoît-Marc Boyer
Me Benoît-Marc Boyer a deux tenues dans sa garde-robe. La toge de l’avocat d’une part, la soutane d’autre part. Des tenues qui se « répondent », d’après lui. Puisqu’aujourd’hui, en tant que conseiller pour le bureau de l’archevêque catholique romain, il donne des conseils en droit civil ou en droit canonique et à côté, il aide les OSBL avec leurs questions juridiques.

Celui qui déjà été juge au tribunal ecclésiastique porte à la fois le titre de maître… et d’abbé.

« Si je peux donner un coup de main, je le fais toujours avec plaisir… et en pro-bono bien sûr ! », dit-il. La portée de son aide sera telle, que Me Boyer s’en satisfait bien plus qu’une contrepartie salariale. « Ces OSBL, combien de personnes vont-elles pouvoir aider par la suite! », s’émerveille-t-il.

Car dans sa résidence du quartier Saint-Henri, Me Boyer vit chichement, avec son petit salaire de prêtre, qui lui convient bien assez. D’ailleurs, loin d’être appâté par le train de vie en cabinet, ce n’est pas une carrière en droit qu’il visait lorsqu’il était plus jeune, mais bien le séminaire.

Le droit au service des personnes

Issue d’une famille chrétienne pratiquante, Me Boyer a toujours aimé aller à la messe et se laissait bercer par les témoignages des religieux, « des hommes de Dieu et des hommes engagés », dit-il.

Alors c’était presque une évidence pour lui. « Je voulais être prêtre, mais mes parents m’ont conseillé tout de même de faire des études, au cas ou… », raconte l’homme de 51 ans. En plus de recevoir l’appel de Dieu, Me Boyer a aussi reçu l’ « appel de la justice sociale ». Il voulait pouvoir mettre le droit au service des personnes.

Il fait alors un bac en droit à l’Université de Montréal de 1985 à 1988 puis passe l’examen du Barreau en 89.

Mais après son stage à Justice Canada, il part faire le séminaire pendant trois ans et demi à Montréal. On lui proposait pourtant un poste d’avocat. Il préfère choisir les ordres.

Comblé par son choix, Me Boyer avance dans sa vocation de prêtre sans oublier le droit. En 1999, il part à l’Université pontificale grégorienne de Rome pour y faire une maîtrise en droit comparé, droit civil et droit canonique. « On était 120 étudiants, dont des laïcs. Il y avait des gens de partout dans le monde », se souvient-il.

À son retour à Montréal, l’abbé devient vice-chancelier du diocèse : « c’est un peu les services du droit pour les diocèses qui regroupent les paroisses. Chacune d’elle doit faire face à des questions de droit, notamment en droit locatif, droit immobilier, droit corporatif et parfois même droit criminel ».

C’est d’ailleurs durant cette période-là qu’il devient juge au tribunal ecclésiastique. Il a alors juridiction sur plus de quatre millions de baptisés et onze diocèses et fait respecter la loi codifiée par l’Église. Il est saisi le plus souvent par des catholiques qui veulent faire annuler leur mariage.

Car même si un couple divorce aux yeux du droit civil, il reste uni devant Dieu, et ne peut donc pas se remarier à l’église, à moins de faire annuler sa première union. C’est aussi ce tribunal qui démet de leurs fonctions les prêtres condamnés pour agression sexuelle, viol, etc.

Le droit criminel dans l’Église, Me Boyer n’aime pas trop en parler. Il préfère évoquer « la paix des cœurs » qu’il offre à ces couples qui ne fonctionnent plus.

Avocat accompli, prêtre dédié, il ne se sent pas plus l’un que l’autre : « il y a une part d’interpénétration entre ces deux aspects de ma vie. Mon but, c’est d’aider les gens, et finalement le droit en est l’outil ».

Mais la loi « des Hommes » n’entre-t-elle pas en conflit avec la « loi de Dieu » ? Pour Me Boyer, les deux systèmes « s’appellent » et ne se contredisent pas forcément. Il fait aussi partie de cette génération de prêtres ouverts tant à l’homosexualité qu’à l’avortement. « Tout le monde est appelé au bonheur selon ce qu’il est. Il y a une place pour chacun de nous dans l’Église et qui suis-je pour dire qui aurait ce droit et qui ne l’aurait pas », lance-t-il.

Présider la messe en revanche n’est plus vraiment au programme, depuis qu’on lui a diagnostiqué une maladie qui limite grandement ses déplacements. Il se satisfait ainsi de porter dans la prière les intentions des gens et donner quelques conseils juridiques.

Preuve de son engagement sans faille, Me Boyer a été nominé dans la première cohorte des Best Lawyers in Canada pour le secteur des OSBL, une catégorie nouvellement définie.
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2 commentaires
  1. DSG
    Interesting
    I've heard of priests studying medicine and other sciences in order to provide earthly comforts to their devotees, but this is the first time I hear of a priest with a legal background. It's a good idea, and inspiring. Kudos to you.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    OMG !!!
    Le célibat abstinent, ça garde jeune !!!

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