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Un accusé francophone a été privé d’un droit constitutionnel, dit une juge albertaine

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Radio -canada

2022-01-28 12:30:00

Les droits d'un accusé francophone n'ont pas été respectés, dit la cour…
Les droits d'un accusé francophone n'ont pas été respectés, dit la cour. Source: Istock/Radio-Canada
Les droits d'un accusé francophone n'ont pas été respectés, dit la cour. Source: Istock/Radio-Canada
Un accusé francophone n’a pas eu droit à l’avocat de son choix, en Alberta, même si son arrestation par la GRC de Fort McMurray s’est déroulée en français.

Le jugement a été rendu par la juge Anna Loparco, de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, lors d’une audience de voir-dire, une étape préliminaire au procès de l’accusé pour déterminer si une déclaration qu’il avait faite à la police pouvait être admissible au procès.

La juge a trouvé que sa déclaration était inadmissible et l’accusé a été déclaré non coupable au terme d’un procès devant jury qui s’est déroulé en français, à Edmonton, en décembre.

Dans sa décision, la juge Anna Loparco indique que le droit de l'accusé à un avocat de son choix, garanti par l’article 10 de la Charte canadienne des droits et libertés, a été enfreint.

« Je conclus que l’effet de la violation sur les intérêts de l’accusé était sérieux », précise la juge dans son jugement.

« Il est évident que l’accusé aurait aimé consulter un avocat qui parlait français sans l’aide d’un interprète, mais qu’il ne l’a pas fait pensant que le seul choix était celui vers lequel il a été dirigé », selon Anna Loparco, juge de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta.

« Je conclus qu’il y a eu atteinte au droit de l’accusé de communiquer avec un avocat de son choix. On l’a mené à croire que s’il n’avait pas un avocat en tête, son seul choix était l’aide juridique », ajoute la juge Anna Loparco.

Les faits

En janvier 2019, l’homme est accusé d’agression sexuelle et se fait arrêter par la GRC de Fort McMurray. Même s’il parle anglais, les agents notent que l’accusé est francophone et qu’un agent qui parle français procédera à l’arrestation.

L’agent Covillo procède à l’interrogatoire, qui se déroule entièrement en français.

L’agent Covillo « est né et a grandi au Québec et parle couramment l’anglais et le français. Sa compétence en français, y compris sa capacité de communiquer efficacement et de comprendre l’accusé, qui vient du Nouveau-Brunswick, n’est pas en cause », peut-on lire dans le jugement.

Lors de l’interrogatoire, l’agent demande à l’accusé s’il a « un avocat en tête ». Quand ce dernier lui répond non, le policier le place, menotté, dans une pièce, appelle l’aide juridique et le laisse discuter avec un avocat anglophone.

La juge note, dans sa décision, que « la police l’a dirigé vers l’aide juridique sans qu’il ait eu la possibilité raisonnable d’utiliser des outils de recherche pour appeler un autre avocat ».

Après cet appel, l’accusé a précisé qu’il avait besoin de trouver un avocat francophone. « Au moins 6 fois, au cours de l’interrogatoire, l’accusé a déclaré qu’il ne voulait pas parler ou qu’il voulait parler à son avocat. De plus, l’accusé a indiqué qu’il aura besoin de quelqu'un qui parle français. »

Malgré tout, l’agent n’a pas interrompu l’interrogatoire pour lui donner l’occasion d’appeler un autre avocat parce que, « à son avis, cela n’était pas nécessaire puisque l’accusé avait déjà eu l’occasion de parler à un avocat et que le risque juridique pour l’accusé n’avait pas changé au cours de l’interrogatoire », ajoute la juge.

Des « circonstances particulières »

Pourtant, la juge note les « circonstances particulières » de l’arrestation et cite l’arrêt R. c. Evans, qui précise que lorsqu'il y a des signes concrets que l’accusé ne comprend pas son droit à l’assistance d'un avocat, les policiers « doivent prendre des mesures pour faciliter cette compréhension ».

Les policiers ne se sont pas acquittés convenablement de leurs obligations, note la juge.

« La police n’avait pas clairement posé la bonne question et n’a pas utilisé les mots appropriés pour informer le détenu de la manière d’exercer son droit à l’assistance d’un avocat de son choix. Bref, (l'accusé) n’avait pas un avocat en tête; mais, il ne savait pas non plus qu’il avait d’autres options, dans les circonstances, mis à part que de communiquer avec l’avocat de garde », note la juge.

Une situation fréquente, selon une avocate

L’avocate de la défense, Kim Arial, note que les policiers ont l’obligation de s’assurer que les accusés comprennent leurs accusations et leurs droits, peu importe la langue et pas uniquement en anglais ou en français.

« Ça s’étend à n’importe quelle langue. Les policiers ont l’obligation de s’assurer que les détenus comprennent leurs droits », dit-elle.

« La police doit s’assurer qu’un détenu est informé, mais informer n’est pas seulement de lui réciter une série de mots, mais aussi de s’assurer qu’il comprenne », ajoute-t-elle.

Kim Arial dit voir ce type de problèmes régulièrement, dans sa pratique, où environ 50 % des clients sont francophones.

« Oui, je vois cela souvent avec mes clients francophones, je vois des violations de l’article 10 », selon Me Arial.

Elle précise que la police n’a pas l’obligation de parler dans la langue d’un accusé à tout moment lors d’une arrestation, mais elle a cette obligation au moment d’informer un accusé de ses droits. Elle encourage les gens qui se font arrêter et accuser à dire qu’ils sont francophones.

« Il ne faut pas penser qu’on va causer des problèmes, qu’on est gêné ou penser que si on est plus gentil, ça va améliorer nos chances. Non. Il faut s’exprimer et dire si on ne comprend pas et si on préfère se faire parler dans notre langue », affirme-t-elle.

« Ils ne sont pas obligés de nous parler tout le temps dans la langue qu’on demande, mais ils sont obligés de nous communiquer nos droits d’une manière que l’on comprenne », précise la juriste.

Elle estime que cette cause servira de rappel de leurs obligations linguistiques aux différents services de police de la province.
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