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Avocats, comment allez-vous?

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Nadia Agamawy

2024-03-07 14:15:13

Mes Karl Boulanger et Stéphanie Gascon. Sources: Torys et Osler
Les avocats se battent sur deux fronts : celui des tribunaux et celui de leur santé mentale. Voici un état des lieux et des témoignages sur le bien-être dans la profession.

Sur la santé mentale, « il existe encore un tabou, ça, c'est indéniable », estime Me Karl Boulanger, avocat en litige civil et commercial chez Torys. Ce même constat est partagé par Me Stéphanie Gascon de chez Osler: « j’ai plein de témoignages de personnes pour qui c’est encore difficile de discuter de la santé mentale au bureau ».

Une étude, menée en 2022, a mis en lumière une réalité préoccupante : plus de la moitié des avocats canadiens éprouvent de la détresse psychologique et de l’épuisement professionnel. Les taux sont encore plus élevés chez les stagiaires, les avocats comptant moins de dix ans d’expérience, ou encore les femmes et les avocats appartenant à la communauté LGBTQ+.

« Ça ne me surprend pas du tout », commente Me Gascon.

Les pressions du métier : un équilibre fragile

Le modèle des heures facturables, la charge du travail et les exigences élevées des clients sont parmi les facteurs qui impactent considérablement la santé mentale des avocats.

« Je pense que le modèle même d’affaires fait en sorte que les clients ont souvent des exigences très élevées », explique Me Boulanger.

De plus, la nature du métier « fait qu’on n’a pas droit à l’erreur, ce qui peut causer de l’anxiété, voire de la dépression chez certains », observe Me Gascon, avocate en litige.

Souvent, ces défis s’avèrent encore plus élevés au sein des grands cabinets, où « c’est parfois difficile de mettre ses limites », note Me Gascon. Elle estime qu’il faut pourtant savoir distinguer les vraies des « fausses » urgences.

« Je pense qu’il faut être en mesure d’évaluer l’urgence d’un mandat. Est-ce que je dois vraiment empiéter sur ma fin de semaine pour le terminer ou pas ? », raisonne Me Gascon qui dit être toujours prête à le faire lorsque l’urgence est avérée.

En outre, la performance, le perfectionnisme et la rigueur sont des aspirations de tout avocat. « Ce sont des idéaux auxquels on aspire et qui mettent beaucoup de pression », avoue l’avocate chez Osler.

Évolution des mentalités : briser le tabou

Malgré des progrès notables sur la façon dont la santé mentale est abordée au sein de la profession, le tabou persiste. D’après Me Boulanger, « il y a encore cette idée que si je défends mes clients dans un litige, je ne veux pas avoir l’air d’une personne qui est « faible » parce que j’ai des enjeux de santé mentale. On dirait que la nature intrinsèque de notre job fait que c’est tabou ».

Pour le briser, le Barreau mène des campagnes de sensibilisation depuis plusieurs années. Les cabinets aussi, de plus en plus soucieux du bien-être de leurs avocats, adoptent des mesures dans ce sens.

Le « droit à la déconnexion » devient une norme croissante, encourageant les avocats à ne pas envoyer de courriels après les heures de travail, pour prendre un peu de recul.

« C’est déjà une hyper grosse différence », dit Me Gascon. Me Boulanger partage le même avis : « c’est une initiative simple, mais qui peut vraiment aider à diminuer la pression ».

Stratégies d’adaptation

Face à tous ces défis, les avocats déploient une variété de stratégies pour préserver leur santé mentale. Pour Mes Gascon et Boulanger, le sport est une activité incontournable dans laquelle ils libèrent le stress et la pression.

De plus, Me Boulanger essaie parfois de diversifier ses interactions sociales pour éviter de se retrouver piégé dans des conversations exclusivement centrées sur le travail.

Me Gascon invite ses consœurs et confrères à essayer de trouver, eux aussi, un moment pour se recentrer. « Que ce soit un livre de lecture, de la méditation, que ce soit aller courir ou aller voir tes amis. Mets juste une heure dans la journée qui te permet de faire quelque chose que tu aimes ».

« Oui, car on ne peut pas prendre bien soin des autres, si on ne le fait pas pour nous en premier », conclut Me Boulanger.

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