Me Antoine Aylwin, avocat chez  Fasken Martineau DuMoulin LLP.
Me Antoine Aylwin, avocat chez Fasken Martineau DuMoulin LLP.
«La pratique du droit nous amène à vivre des moments difficiles et de magnifiques moments.» Voilà ce qu’a écrit Me Antoine Aylwin sur sa page LinkedIn, à la suite d’un procès fort en émotions, dans lequel s’affrontaient une soeur et un frère d’une soixantaine d’années.

Les deux ne s’étaient pas parlés depuis cinq ans. Au coeur de leur chicane : leur mère décédée. Cette dernière avait effectué de nombreuses donations au bénéfice du frère du temps de son vivant.

Pour l’avocat qui a une pratique très intense, car importante en matière de successions et de fiducies, cette affaire a pris une tournure tout à fait inattendue au milieu du procès.

«Nous les avons vus se prendre dans leurs bras et pleurer ensemble après une journée de procès», indique Me Aylwin qui a pu les observer dans leur cubicule.

«Finalement, ils ont réglé le dossier en quelques minutes, poursuit-il. Il est assez rare de voir un retournement comme celui-là. Quand on se prépare pour un client, on est en mode adversarial, on se prépare à ne pas céder un pouce. »

Il déclare ainsi avoir été impressionné par le client de l'autre partie. «Il a mis son orgueil de côté pour s'excuser et admettre qu'il s'était trompé.»

Mieux qu’une victoire

Me Daniel St-Pierre a 34 ans de pratique en litige.
Me Daniel St-Pierre a 34 ans de pratique en litige.
Me Daniel St-Pierre, du haut de ses 34 ans de pratique en litige, était cette fois son adversaire. C’est lui qui représentait le frère, et, pour lui aussi, cette réconciliation était un moment magique.

«Le seul fait qu’ils aient pu se parler, se comprendre, s’asseoir ensemble, ça vaut n’importe quelle victoire en cour, dit-il à Droit-inc. Ce dont je suis le plus satisfait c’est que le client m’a remercié, il était content. Il a tout gagné sauf de l’argent : la relation avec sa soeur, la compréhension de plein de choses.»

Les deux juristes, qui étaient donc face à face en cour, s’accordent à dire que l’attitude des avocats dans pareil cas est déterminante.

«Face à un avocat de l’autre partie qui se braque, ou qui agit de façon déraisonnable, ça aurait été une autre paires de manches, estime Me Aylwin. Et en ce qui me concerne, ma cliente était réfractaire à parler à son frère. Si je lui avais dit de ne pas y aller, elle n’y serait pas allée.»

Même son de cloche du côté de Me St-Pierre qui au premier jour du procès, a suggéré à son client : Aimeriez-vous parlé à votre soeur?

Le soir même, son client trouve que c’est une bonne idée.

«Mon approche humaine lui a permis de voir au-delà de l’aspect juridique. Il a compris qu’il pouvait voir les choses d’une autre manière.»

Bénéfices

Cette manière de travailler est importante à plusieurs niveaux.

Car selon Me Aylwin, ce n’est pas seulement le temps de procès qui diminue, mais aussi les coûts et l’animosité du client.

«Son appréciation du processus et du système de justice est plus agréable. Quand tout est contesté pour rien, ça crée une atmosphère qui n’est pas positive. D’ailleurs, il est rare qu’une attitude d’ouverture entraîne une attitude de fermeture. D’habitude, ça porte ses fruits.»

Il dit s’inspirer du style de Bernard Synnott avec qui il a beaucoup travaillé et qui est maintenant juge.

«Il n’existait pas un avocat avec qui il n’avait pas une bonne relation. Il était capable d’une attitude d’ouverture tout en défendant ses clients de façon rigoureuse.»

Ces histoires familiales non résolues sont les plus dures, dit-il, car il y a des blessures affectives.

«Si en plus les avocats sont là pour déchirer leur chemise, la recette est désastreuse!»