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Condamné à rembourser un ancien client multimillionnaire!

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Élisabeth Fleury

2025-07-10 15:00:23

Un ex-avocat devra rembourser un montant salé à un ancien client multimillionnaire. Voici pourquoi…

Un ex-avocat, radié par le Barreau, qui avait emprunté de l’argent à un de ses clients multimillionnaire devra lui rembourser presque le double.

L’ex-avocat drummondvillois Paul Biron devra rembourser pas moins de 400 129,80$ à Érick Savoie, a tranché la juge Katheryne A. Desfossés de la Cour supérieure dans un jugement rendu le 4 juillet.

Me Paul Biron - Source LinkedIn

Érick Savoie réclamait de Paul Biron le remboursement d’un prêt de 225 000 $ souscrit par ce dernier le 27 juillet 2007, au taux d’intérêt annuel de 7,5 %.

Paul Biron contestait cette demande de remboursement au motif que la créance serait prescrite.

Me Christopher Atchison - Source Atchison Perrault

M. Savoie était représenté par Me Christopher Atchison, du cabinet Atchison Perrault, alors que M. Biron se représentait seul.

Les faits

Pour la petite histoire, Érick Savoie, alors machiniste pour une entreprise de la région, remporte, le 6 juillet 2007, un montant de 10 millions de dollars à la loterie.

Rapidement, rapporte la Cour supérieure, les collègues de travail de M. Savoie menacent de le poursuivre au motif que le billet gagnant leur appartient également. M. Savoie retient donc les services de Paul Biron qui est alors avocat.

« Après quelques rencontres seulement, alors qu’ils ne se connaissent pas autrement et aussi surprenant que cela puisse paraître, monsieur Biron demande à son client de lui consentir un prêt de 225 000$. La demande surprend monsieur Savoie, mais ce dernier accepte d’y réfléchir. Après réflexion, il consent à prêter la somme demandée », relate la juge Desfossés.

Le 27 juillet 2007, les parties conviennent que la somme prêtée de 225 000 $ portera intérêt au taux de 7,5 % l’an et qu’elle sera remboursable dans un délai de 90 jours d’une demande en ce sens. Paul Biron rédige le document qui constate le prêt et ces modalités.

Le 30 juillet 2007, le document de prêt est modifié par M. Biron afin notamment d’y prévoir que les intérêts seront payables aux six mois.

Le 15 octobre 2007, les collègues de travail d’Érick Savoie le poursuivent finalement, lui réclamant la somme d’environ 5,5 millions de dollars.

En mai 2008, un règlement intervient entre Érick Savoie et ses collègues de travail, de sorte que le mandat de Paul Biron comme avocat de M. Savoie prend fin.

De février 2008 à janvier 2011, Paul Biron paie à Érick Savoie une somme de 45 925 $ en paiement (partiel) des intérêts dus sur sa dette. Les paiements sont toujours effectués en argent comptant, mentionne la juge de la Cour supérieure.

Ensuite, les versions divergent. Selon M. Biron, M. Savoie lui aurait dit qu’il pouvait cesser de lui verser les intérêts bisannuellement et que ceux-ci pourront lui être payés au moment du remboursement final du prêt. M. Savoie, lui, témoigne n’avoir jamais consenti un tel report du paiement des intérêts.

Quoi qu’il en soit, poursuit la juge Katheryne A. Desfossés, entre le 15 avril 2011 et le 18 juillet 2018, M. Biron reconnaît régulièrement par écrit sa dette envers M. Savoie.

Dans ces échanges, M. Biron promet notamment à M. Savoie de le rembourser lors du dénouement d’un recours collectif qu’il a intenté.

Mise en demeure et poursuite

Le 10 avril 2019, Érick Savoie fait parvenir une mise en demeure à Paul Biron, le sommant de s’acquitter de sa dette, en capital et intérêts, dont le solde s’élève alors à 377 414,16 $.

Le 4 septembre 2020, M. Savoie produit une demande introductive d’instance en remboursement de prêt. Il demande que M. Biron soit condamné à lui rembourser la somme prêtée de 225 000 $, portant intérêt au taux de 7,5% l’an depuis le 1er septembre 2020.

Les arguments du demandeur

L’avocat de M. Savoie plaide que ce dernier a accepté de prolonger le terme suspensif applicable au remboursement du prêt jusqu’à l’issue du recours collectif intenté par M. Biron. Le dénouement de ce recours étant survenu en décembre 2018, la prescription extinctive courait toujours lorsque sa demande en remboursement est introduite en septembre 2020, argue-t-il.

Subsidiairement, l’avocat plaide que les différents courriels de M. Biron, de 2011 à juillet 2018, constituent des reconnaissances de dette qui ont eu pour effet d’interrompre la prescription en cours ou une renonciation à celle acquise, le cas échéant.

« Ainsi, dans un cas comme dans l’autre, la créance de monsieur Savoie ne serait pas prescrite au moment de l’introduction de sa demande », résume la juge de la Cour supérieure.

Le témoignage et les arguments du défendeur

Au procès, M. Biron admet avoir reconnu sa dette jusqu’au 7 avril 2015, mais soutient ne plus l’avoir reconnue par la suite. Ainsi, de son point de vue, son obligation de rembourser le prêt et les intérêts qui s’y rattachent s’est éteinte par prescription extinctive le 8 avril 2018.

« Il affirme que ses écrits postérieurs au 8 avril 2018 ne constituent qu’une reconnaissance de sa dette, devenue naturelle. Il admet d’ailleurs candidement, lors de son témoignage, qu’il reconnaît toujours cette dette naturelle qu’il a envers monsieur Savoie, mais qui n’est plus susceptible d’exécution forcée », rapporte la juge Katheryne A. Desfossés.

À propos du règlement de son recours collectif, M. Biron témoigne qu’il souhaitait utiliser cette somme pour payer M. Savoie, mais soutient que sa dette n’est plus exigible, relate encore la juge de la Cour supérieure.

L’argument plaidé par M. Biron lors de ses représentations est donc essentiellement le suivant : il reconnaît sa dette une dernière fois le 7 avril 2015, de sorte qu’elle est prescrite depuis le 8 avril 2018 puisqu’il n’a pas renoncé à la prescription acquise depuis ce moment.

« Subsidiairement, mais contradictoirement, il plaide que sa dette s’est éteinte par prescription extinctive avant cette date en 2015. Il plaide aussi divers autres arguments difficilement compréhensibles et vraisemblablement sans incidence sur le sort du litige. Bref, il fait flèche de tout bois », résume la juge Desfossés.

Le jugement de la Cour supérieure

Pour la Cour supérieure, peu importe sous quel angle les faits sont examinés, le résultat demeure inchangé : la créance de M. Savoie n’est pas prescrite lorsqu’il intente sa demande en remboursement de prêt.

M. Biron doit donc rembourser la somme empruntée de 225 000 $ avec intérêt au taux annuel de 7,5 %, tranche-t-elle.

En tenant compte des intérêts payés, ce montant s’élève à 400 129,80 $ au jour de l’introduction de la demande, calcule la juge Desfossés avant d’ordonner au défendeur de payer cette somme à M. Savoie.

Sans vouloir commenter le jugement de façon détaillée, l’avocat de M. Savoie a fait savoir à Droit-inc que son client était « très satisfait de l’analyse de la situation par l’honorable juge Desfossés et des conclusions de son jugement ».

Il n’a pas été possible de joindre Paul Biron.

Radié par le Barreau

Le 3 avril 2023, le Conseil de discipline du Barreau du Québec a reconnu Paul Biron coupable d’avoir, « profitant de son statut d’avocat », emprunté de son client une somme de 225 000$, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 59.2 du Code des professions.

Le 26 avril 2023, Paul Biron s’est vu imposer une radiation de son ordre professionnel pour une période de deux ans.

Saisi d’un appel de l’intimé, le Tribunal des professions a confirmé cette sanction dans une décision rendue le 3 octobre 2024.

Le 9 octobre 2024, Paul Biron a déposé à la Cour supérieure une demande pour surseoir à la publication de l’avis de radiation, mais celle-ci a été rejetée le jour même.







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