Nouvelles

La veuve d’un mafieux doit rembourser 4 M$ à un ancien avocat

Main image

Florence Tison

2021-02-12 14:30:00

Un avocat à la retraite retrouvera sous peu son argent perdu dans une pyramide de Ponzi. Son avocate explique sa stratégie lors du procès...

Me Meryem Abouamal. Photo : LinkedIn
Me Meryem Abouamal. Photo : LinkedIn
À la suite d’un procès qui a duré 13 jours, Diane Brazeau, l’ex-femme du prêteur mafieux Roger Valiquette assassiné par balles en 2013, doit rembourser 4 millions $ à un avocat à la retraite montréalais.

L’ex-avocat en droit de la famille Norman S. Kessner, 75 ans, avait investi toutes ses économies en 2010 dans ce qui s’est avéré être un stratagème à la Ponzi orchestré par Roger Valiquette et Diane Brazeau.

Valiquette trouvait des investisseurs pour son entreprise Express Finance Investissement inc. (EFI), que son épouse Diane Brazeau gérait. Les investisseurs obtenaient des dividendes mensuels tirés des investissements de nouveaux investisseurs.

Le couple profitait d’un train de vie princier en possédant notamment des propriétés au Mexique, en Floride, sur l’Île Paton, à Laval, ainsi qu’un yacht. En 2012, Diane Brazeau a en outre déclaré un revenu de 626 468 $, et Roger Valiquette de 742 766 $.

La recherche de nouveaux investisseurs pour EFI a pris fin avec l’assassinat de Valiquette le 18 décembre 2013. Les journaux le lient au crime organisé.

Mais même avant, au 31 décembre 2021, EFI était déficitaire.

« Comment peut-on payer des créanciers alors qu'il n’y a pas de revenus d'intérêt? » soulève l’avocate de M. Kessler, Me Meryem Abouamal, de A.M.A. solutions juridiques. La seule possibilité de payer, c’est avec le capital d’autres personnes ou avec son propre argent! »

Le défi de lever le voile corporatif

L’ancien avocat Norman S. Kessner a perdu tout son argent. Il poursuit EFI en 2015 sous le nom de son entreprise pour retrouver son investissement, mais EFI se place à l’abri de la Loi sur la faillite. EFI admet la dette de 2 800 000 $ suite au prêt de Kessner, mais ne peut la rembourser.

« Nous, on avait une admission du montant réclamé de 2,8 millions plus les intérêts additionnels, qui portent la réclamation à à peu près 4 millions $. Notre but, c'était d’aller chercher la responsabilité de l’ensemble des sociétés qui constituent le groupe Express Finance », expose l’avocate de M. Kessler, Me Meryem Abouamal.

En effet, Diane Brazeau est l'administratrice de pas moins de 14 sociétés sœurs de EFI fondées entre 1988 et 2012, au sein desquelles l'argent des investisseurs circulait. Si EFI est insolvable, ces autres sociétés ne le sont pas, et pourraient être tenues solidaires au remboursement.

« La solidarité permet à ma cliente (NDLR : l’entreprise de Norman S. Kessner) d'aller chercher le montant du jugement à n'importe quelle compagnie qui a été poursuivie. La difficulté du dossier, c'était au niveau de la levée du voile corporatif et de démontrer ainsi la solidarité entre sociétés sœurs qui représentent une structure corporative complexe », détaille Me Abouamal.

Après avoir entendu 20 témoins, le Tribunal en vient à la conclusion que « toutes ces personnes morales sont utilisées à titre d’alter ego du couple Valiquette-Brazeau ».

Contre toute attente, c’est un témoin de la défense qui est venu confirmer que toutes ces sociétés ne formaient qu’un seul et même groupe.

Le comptable agréé du couple, Johnny Colonna, fait mention dans son témoignage de « prêts effectués entre les compagnies reliées par un contrôle commun, en l’occurrence Valiquette et Brazeau ». Il confirme que toutes les sociétés étaient apparentées.

« C’est vraiment un hasard assez étrange : ce n'était même pas notre témoin! » s’exclame l’avocate de Norman S. Kessner.

D’autres témoins travaillant pour le couple ajoutent que toutes les entreprises siègent à la même adresse à Laval, partagent les mêmes employés, le même numéro téléphone, la même papeterie, la même télécopieuse.

« C’est sûr que nous, on est venus dire qu'il s'agit d’une fraude, ce qui a été déterminé par (la juge Aline U.K. Quach) en levant le voile corporatif », souligne Me Abouamal.

« Dans le cas à l’étude, le Tribunal est d’avis que les importants transferts de fonds qui avaient cours entre la société EFI et ses autres sociétés-soeurs constituent de la fraude et milite en faveur de la levée du voile, en cascade, de toutes les sociétés qui y ont participé », peut-on lire dans le jugement.

Diane Brazeau s’est défendue en maintenant qu'elle ne prenait plus part à la gestion de ces sociétés et qu’elle s’était séparée de Roger Valiquette en 2012, mais le Tribunal a douté de sa crédibilité.

Le 7 janvier dernier, la juge Quach a condamné solidairement les sociétés administrées par Diane Brazeau à payer avec intérêts la somme due à l’ancien avocat Norman S. Kessner.

Il ne restera à la veuve de Valiquette que des miettes.

Un remboursement encore incertain

Le délai d’appel expirera bientôt. Mais même si Diane Brazeau ne fait pas appel, Me Abouamal doute que son client reçoive la totalité de ce qui lui est dû.

L’entreprise de M. Kessner a fait saisir avant jugement plusieurs biens immobiliers, dont des condos et des terrains, une voiture décapotable Mercedes, et des certificats d’actions des entreprises de Mme Brazeau. Sitôt le délai d’appel passé, M. Kessner pourra procéder à la liquidation dans l'espoir que la vente de ces biens totalise 4 millions $.

« Moi, je suis pas mal persuadée que les choses qu'on a saisies ne paieront pas la dette, soupire son avocate. Si Madame va en appel, d'autres intérêts vont s'ajouter, et ça dépend aussi de la valeur marchande de ces terrains-là. Mais on va espérer qu'on va collecter (la totalité)! »

L’avocat de Diane Brazeau, Me Gianluca Campofredano, a confirmé à Droit-inc que sa cliente ferait appel du jugement. Il s’est refusé à tout autre commentaire.
11454

Publier un nouveau commentaire

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires