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Le projet de loi 96 sera contestable devant les tribunaux, selon le Barreau

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2021-09-30 10:15:00

Le projet de loi 96, qui vise à moderniser la Charte de la langue française, risque fort d'être contesté devant les tribunaux…

Malgré toutes les précautions juridiques prises par le gouvernement Legault pour rendre inattaquable sa vaste réforme de la loi 101, le projet de loi 96 risque fort d'être contesté devant les tribunaux.

C'est du moins l'avis du Barreau du Québec, convaincu que le projet de loi 96 parrainé par le ministre Simon Jolin-Barrette n'est pas en terrain solide sur le plan juridique, et ce, malgré l'inclusion d'une clause visant à déroger aux chartes des droits.

Me Catherine Claveau.  Source : Banque d’images Droit-inc
Me Catherine Claveau. Source : Banque d’images Droit-inc
Dans son mémoire présenté mercredi aux parlementaires par la bâtonnière, Me Catherine Claveau, dans le cadre de la consultation menée sur le projet de loi 96, qui vise à moderniser la loi 101 ou Charte de la langue française, le Barreau dit estimer qu'il existe bien un « risque élevé de contestations judiciaires » de cette législation.

Le gouvernement a inclus une disposition dérogatoire à son projet de loi 96, en vue de le soustraire à d'éventuels recours judiciaires.

En mai, au moment du dépôt du projet de loi, le premier ministre François Legault avait justifié son geste en disant que « le fondement même de notre existence comme peuple francophone en Amérique » était en jeu. Il fallait faire primer les droits collectifs sur les droits individuels. Le ministre Jolin-Barrette avait rappelé de son côté que la loi 101 adoptée en 1977 avait été largement charcutée par les tribunaux.

Le recours à cette clause, prévue à l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982, est un procédé tout à fait légal, reconnaît le Barreau. Mais un tel geste pourrait entrer en collision avec les droits constitutionnels conférés par l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, c'est-à-dire le droit de tout citoyen d'utiliser la langue française ou la langue anglaise quand il se présente devant un tribunal.

Or, « on ne peut pas déroger » à l'article 133 de la loi de 1867, a rappelé Me Sylvie Champagne, une porte-parole du Barreau.

Selon l'analyse du Barreau, plusieurs aspects du projet de loi sont susceptibles d'être contestés en cour et éventuellement abrogés par les tribunaux.

Le ministre Simon Jolin-Barrette. Source : Facebook
Le ministre Simon Jolin-Barrette. Source : Facebook
Par exemple, on s'interroge sur la primauté de la version française des lois et règlements consacrée par le projet de loi, alors que le principe d'égalité du statut juridique des langues française et anglaise a été confirmé par la cour. On se questionne également sur l'interdiction d'exiger le bilinguisme des juges lorsque requis. Le Barreau craint aussi que la loi 96 constitue une brèche au principe de l'indépendance judiciaire et à celui de l'accès à la justice en langue anglaise.

Il propose de retirer du projet de loi l'exigence de fournir une version française d'une décision judiciaire écrite en anglais « immédiatement et sans délai », car cela pourrait miner l'indépendance des juges en raison des délais de traduction.

L'indépendance de la magistrature pourrait aussi être menacée, selon lui, par la volonté du gouvernement de renoncer à exiger le bilinguisme des nouveaux juges, sauf si le ministre de la Justice estime que la connaissance d'une autre langue que le français est vraiment nécessaire.

Un son de cloche différent

Benoît Pelletier.  Source : droitcivil.uottawa.ca
Benoît Pelletier. Source : droitcivil.uottawa.ca
Plus tôt, l'expert en matière constitutionnelle, professeur à l'Université d'Ottawa et ex-ministre dans le cabinet de Jean Charest, Benoît Pelletier, est venu donner un son de cloche bien différent en prenant la défense de la disposition dérogatoire incluse dans le projet de loi 96, une clause dans laquelle il ne voit « rien d'indigeste, rien d'imbuvable ».

Au contraire, cette disposition permet aux parlements « d'avoir le dernier mot sur certaines questions qu'ils considèrent comme fondamentales », a-t-il dit aux élus, convaincu que le Québec n'a pas abusé de cette clause dans le passé.

Il a rappelé cependant qu'aucune loi québécoise ne pouvait avoir préséance sur l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.

L'ex-ministre responsable des Relations intergouvernementales a dit souhaiter que le gouvernement Legault explore la possibilité de doter le Québec de sa propre constitution.

Il a dit aussi souhaiter que l'Assemblée nationale réaffirme la non-adhésion du Québec au rapatriement unilatéral de la Constitution canadienne, en 1982.

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8 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 2 ans
    Le Barreau, colonisé jusque dans le rapport déposé en son nom !
    "Mais un tel geste pourrait entrer en collision avec les droits constitutionnels conférés par l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, *c'est-à-dire le droit de tout citoyen d'utiliser la langue française ou la langue anglaise quand il se présente devant un tribunal*."


    Dans son rapport, rédigé par trois francophones (en plus de toutes les autres personnes qui ont certainement examiné des version de travail de ce document), le Barreau écrit plutôt, à la page. 25 :

    "Cette utilisation de la clause dérogatoire est tout à fait légale, mais elle ne peut pas porter sur les droits constitutionnels que confère l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, *c’est-à-dire le droit d’user la langue française ou la langue anglaise dans toute plaidoirie ou pièce de procédure devant les tribunaux.*"


    C'est le Barreau, et non le législateur, qui "use" la langue française (et en abuse !).


    Dans sa conclusion, le Barreau écrit "qu'il appuie l’objectif du projet de loi de protéger la langue française à titre de langue de la législation et de la justice et de favoriser son
    utilisation par les membres des ordres professionnels."


    "Et en même temps" (comme dirait Macron), le site web du Barreau, lorsqu'on entre l'url "barreau.qc.ca", redirige automatiquement l'usager vers la version anglaise du site. Pour avoir la version francaise (l'équivalent de "apputez sur le "4" pour être servi en français dans les banques offrant également un service en anglais, en chinois et en espagnol), on ne peut cliquer une étiquette bien en évidence disant "en francais". Il faut cliquer sur un carré (oui, comme une tête carrée !), et l'option "français" se retrouve presque complètement en bas du menu. Tout un symbole !


    http://www.barreau.qc.ca/fr/actualites/memoires-enonces-positions/commission-parlementaire-projet-loi-96-barreau-transmet-recommandations/

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 2 ans
    barreau.qc.ca
    FYI : Le site web du barreau redirige en anglais seulement si vos options et paramètres personnels de votre ordinateur sont configurées de telle façon que l'anglais soit privilégié.

    Perso avec mes outils informatiques, barreau.qc.ca est redirigé automatiquement vers la version francophone du site.

    Regards,

  3. DSG
    Not again
    We wouldn't have these problems if people would just learn and use French. I know people who live and work here who never use French, even when communicating with a predominantly French audience. They obviously could read French yet they refuse to use it; sometimes simply because they think they're not as witty or as cool in French. Such people make me sick. They should move to Toronto.

  4. Roscoe Pound
    Roscoe Pound
    il y a 2 ans
    Yes again
    I am almost as witty and cool in French as in English, but that is really not the point. Bill 96 clearly violates s. 133 of the Constitution Act, 1867, by requiring corporations to file certified French translations of all their pleadings; it endangers the rights of the accused under the Criminal Code to a trial in the official language of his choice.

    • Roscoe Pound
      Roscoe Pound
      il y a 2 ans
      And
      It also eliminates a party's right to a translation of a judgment -- from now on, the only right is to a French version. Are you an Anglophone in a custody battle with your Anglophone ex? Take your French judgment and run it through Google translate, the court will no longer owe you anything.

    • Pirlouit
      Pirlouit
      il y a 2 ans
      Vivre au Québec
      Ou apprend le français, tu vis au Québec

  5. Roscoe Pound
    Roscoe Pound
    il y a 2 ans
    Ou encore
    Ou exercer ses droits constitutionnels parce que nous vivons dans un état de droit.

    • Pirlouit
      Pirlouit
      il y a 2 ans
      J'ai le droit
      Y a des droits constitutionnels qui sont ridicules ou obsolètes, c'est pas une raison pour les faire valoir

      Exemple, demander un procès par jury pour un dossier de 20$. C'est un droit constitutionnele aux États-unis mais ça donne le ton.

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