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Tribunal spécialisé en violence conjugale et sexuelle : des visions s’affrontent

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Radio -canada

2021-11-01 14:15:00

L’AQAAD s’oppose à la création d’un tribunal spécialisé en la matière, tandis que des victimes d’agression sexuelle considère le système de justice comme désuet…

Me Michel Lebrun, avocat criminaliste. Source: Radio-Canada
Me Michel Lebrun, avocat criminaliste. Source: Radio-Canada
Le projet de loi pour la création d’un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et conjugale au Québec fait l'objet de consultations et de vives critiques. Bien que la Cour du Québec reconnaisse que des actions concrètes doivent être posées pour mieux soutenir les personnes plaignantes dans les dossiers de violence conjugale et sexuelle, l’Association québécoise des avocats et avocates de la défense (AQAAD) s’oppose à la création d’un tribunal spécialisé en la matière.

Son président, l’avocat Michel Lebrun, partage les préoccupations de la juge en chef Lucie Rondeau, qui a semoncé le gouvernement mardi en s’élevant contre le projet de loi 92. Il indique que le projet de loi, dans sa forme actuelle, laisse place à beaucoup d’interprétations. « Il est très court, il fait seulement 14 articles ».

Michel Lebrun estime que dès les premières actions qui ont conduit à ce projet de loi, dès la parution du rapport intitulé « Rebâtir la confiance », il y avait la présomption que la confiance était compromise envers le système de justice. Il estime que c’est très péjoratif pour les gens qui y travaillent, notamment les avocats de la défense.

« On passe de la présomption que le système ne fonctionne pas, qu’il faut rétablir la confiance. Et maintenant, rétablir la confiance passe par le fait qu’un tribunal va assumer qu’il y a eu de la violence. Donc, la juge Rondeau exprime ces préoccupations-là avec lesquelles on est plutôt d’accord », explique-t-il en entrevue à l’émission ''En direct''.

D’un point de vue opposé, la comédienne Lily Thibeault, originaire de Grand-Mère, qui a fait un témoignage coup de poing dans le documentaire La Parfaite victime, a déposé cette semaine une pétition de plus de 10 000 noms à l'Assemblée nationale pour appuyer l'idée de la création d'un tribunal spécialisé. Elle estime que la confiance des victimes est à zéro envers le système actuel.

Parlez-en à des gens autour de vous, parce que malheureusement, il y en a beaucoup des victimes d’agressions sexuelles, il n’y a personne qui a envie de porter plainte en ce moment tellement les expériences sont négatives. Il y a vraiment urgence d’agir indique-t-elle en entrevue à l’émission ''En direct'', en réaction aux propos de l’avocat Michel Lebrun.

Michel Lebrun est d’avis que c’est d’induire le public en erreur et de ne pas aider la cause des plaignants de marteler que le système va les victimiser à nouveau. « Ce n’est pas le cas. Il existe des équipes spécialisées de procureurs, les policiers ont des équipes spécialisées, les tribunaux sont sensibilisés, les avocats de la défense aussi, on est sensibilisés. On fait souvent beaucoup plus partie de la solution que du problème. »

Pour Lily Thibeault, un tribunal dédié à la cause pourrait aider à regrouper des gens centrés sur les besoins des victimes. Elle cite l’exemple d’un avocat interrogé dans le documentaire d’Émilie Perreault et de Monic Néron qui a pris conscience de ses propres biais après avoir suivi des formations avec une spécialiste en neurobiologie des traumas.

« Quand on a des biais, souvent, ils sont inconscients. Ce que je trouve difficile, c’est qu’il y a plusieurs acteurs du système de justice qui, au lieu d’entendre et de faire une espèce d’introspection, ils sont sur la défensive. Depuis les derniers mois, au lieu d’entendre et qu’il y ait un début de dialogue d’ouverture, il y a beaucoup de débats. »

Michel Lebrun répète que le système a évolué depuis les 30 dernières années et que les victimes y sont traitées avec respect. Il est d’accord pour dire qu’on peut faire mieux, qu’« il y aura toujours des angles morts et des situations qui peuvent être améliorées », mais qu’il ne faut pas faire table rase du système actuel.

« On est dans l’erreur. On ne sert l’intérêt de personne, à commencer par les personnes qui portent plainte parce que la présomption d’innocence, la notion du doute raisonnable, les piliers fondamentaux du système de droit criminel, ils existent pour des raisons qui sont tout à fait justifiables et ils doivent être défendus », selon Michel Lebrun, président de l’Association québécoise des avocats et avocates de la défense.

Si les deux points de vue sont opposés, Lily Thibeault est d’accord avec Michel Lebrun sur le contenu peu volumineux du projet de loi. Elle mentionne que le rapport avait initialement 190 recommandations. « Ce projet de loi là a été fait rapidement et ça, je salue la volonté du ministre (Simon Jolin-Barrette) de vouloir agir rapidement, mais je pense qu’il faut prendre le temps de bien faire les choses », souligne-t-elle.
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