La Presse

Trop chers, les avocats?

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Rene Lewandowski

2009-11-06 10:15:00

Les conseillers juridiques d'entreprises en ont assez des honoraires exorbitants de leurs cabinets d'avocats. Et ils ne sont pas gênés pour le dire!

Nadia Martel a beau être elle-même avocate, elle y pense toujours deux fois avant d'appeler son... avocat. Au tarif de 600$ l'heure, et parfois plus, exigé par certains spécialistes du droit, elle estime qu'il vaut mieux avoir quelque chose de vraiment important à demander avant de téléphoner. Alors, lorsqu'elle doit absolument le faire, elle se prépare comme un journaliste avant une interview importante. Ses questions sont courtes et précises, ses demandes sont claires et elle va droit au but sans perdre une seconde. Elle sait qu'elle a tout intérêt à se dépêcher car, à ce prix, les facturent gonflent rapidement.

«J'essaie d'être le plus efficace possible», dit la femme de 41 ans, qui occupe le poste de conseillère juridique principale chez Bombardier Produits récréatifs (BRP), à Valcourt.

Nadia Martel connaît bien les grands cabinets. Elle y a longtemps pratiqué avant de sauter la clôture en entreprise il y a quelques années. Leurs systèmes de tarification horaire, elle sait comment ils fonctionnent. Et elle l'avoue d'emblée, ces méthodes posent de plus en plus problème pour les gestionnaires des départements juridiques aux budgets serrés.

«Pour nous, c'est une préoccupation quotidienne», dit-elle.

L'an dernier, Nadia Martel a donc lancé le chapitre québécois de l'Association of Corporate Counsel (ACC). Cette organisation internationale fondée en 1982 regroupe plus de 25 000 avocats d'entreprises répartis dans plus de 80 pays. Au Québec, ils sont une centaine de conseillers juridiques d'entreprises à s'être joints à l'initiative de Me Martel. Ces temps-ci, ils sont eux aussi en réflexion.

Il y a deux semaines, plusieurs d'entre eux étaient d'ailleurs à Boston, à l'occasion du congrès annuel de l'ACC, où les attendaient plus de 1600 conseillers juridiques des quatre coins du monde. Nadia Martel y était aussi. Dans les corridors, souligne-t-elle, les avocats d'entreprises ne parlaient que de deux sujets, à savoir en quoi et comment les politiques du gouvernement de Barack Obama allaient influencer les entreprises, mais aussi, et surtout, comment eux réussissaient ou non à obtenir des tarifs raisonnables de leurs procureurs externes.

En période de récession, il n'est pas anormal de voir les entreprises renégocier les prix et conditions avec leurs fournisseurs. Mais habituellement, ce sont surtout les fournisseurs de biens qui en paient la note, rarement ceux qui fournissent des services, encore moins les professionnels. La crise actuelle a probablement changé un peu la donne.

Les cabinets au défi!

En tout cas, dans l'industrie juridique, l'ACC mène depuis quelques années une bataille sans merci contre la tarification des grands cabinets, qu'elle considère excessive. Il y a deux ans, l'organisme a même lancé le «Value Challenge», sorte de concours mettant au défi les avocats en pratique privée de développer et de proposer des modes de tarification alternative. On les invite à plus de créativité et à publiciser leurs propositions.

Certains l'on fait, mais, indubitablement, ça prend du temps avant de changer les cultures et mentalités. Un sondage publié par l'ACC durant son congrès indique en effet qu'une majorité d'avocats en entreprises se disent toujours déçus de leurs avocats externes. En outre, plus de la moitié (57%) des juristes interrogés estiment que la qualité du travail de leurs avocats a diminué au cours de la dernière année et qu'ils n'en ont pas obtenu pour leur argent. Pis, sur les deux tiers (69,9%) qui mentionnent avoir fait des suggestions à leurs avocats pour qu'ils améliorent leur qualité de services, près de quatre cas sur 10 soulignent que moins de 10% de leurs avocats les ont écoutés.

Dans les cabinets d'avocats, on se dit très sensibles aux préoccupations des clients. Au Canada, ça discute fort parmi les associés principaux et dans les comités. Quelques-uns sont même sur le point de dévoiler de nouveaux projets. Chez Ogilvy Renault, par exemple, on songe à proposer à certains clients un «menu» dans lequel ils pourraient choisir parmi plusieurs types de tarification: taux fixes, taux moyens, taux de contingence (avec primes aux résultats), frais mensuels fixes, forfaits, fourchettes budgétaires selon les mandats.

«On le fait déjà avec plusieurs clients, mais l'idée est de standardiser ce système dans tous nos bureaux au Canada», dit la chef du marketing, Lise Monette.

Chez Osler, on propose aussi ce genre de tarification, mais on n'a pas encore mis au point de stratégie globale qui pourrait s'appliquer à travers tout le réseau. «Chaque client a des attentes différentes. C'est toujours du cas par cas», explique l'associé-directeur du bureau de Montréal, Shahir Guindi.

Il n'empêche qu'on a beau être créatif, il y a des situations où la tarification alternative fonctionne et d'autres non. Ainsi, en litige, dans le domaine des assurances où l'on a beaucoup de volume, il est possible de négocier à forfait. En revanche, pour piloter une fusion et acquisition, ça devient plus compliqué. «Pour un bureau transactionnel comme le nôtre, c'est très difficile de tarifer à forfait», dit le patron de Davies à Montréal, Pierre-André Themens. Il explique que, dans ce genre de transactions, il y a toujours des imprévus; dans ce contexte, impossible ou presque de proposer un tarif fixe.

Chose certaine, les choses évoluent, même si ça prend du temps. Nadia Martel explique que, chez BRP, on a réussi à négocier certains éléments avec ses cabinets externes (Osler, BCF et Fasken). Par exemple, on a obtenu des termes de paiements plus longs et certains frais sont maintenant exclus de la facturation (les frais de photocopie entre autres, la tarification à la minute). Et il arrive de plus en plus souvent de s'entendre sur un prix fixe pour des mandats particuliers. Récemment, on a ainsi négocié avec un cabinet la rédaction d'un contrat commercial pour la somme forfaitaire de 10 000$. Il y a cinq ans à peine, ce genre d'entente aurait presque été impensable...

Photo: ''Nadia Martel''
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16 commentaires

  1. Me
    Me
    Je ne suis pas du tout d'accord avec ce constat. Non, ils ne chargent pas trop cher.

    Il faut simplement que les in-house laissent les "clowns" externes faire leur tour de piste et arrêtent de les contacter. Le marché est rempli à craquer de gens compétents à des tarifs beaucoup plus bas. Si les in-house sont incapables de les dénicher, au moins qu'ils arrêtent de chialer pour rien. C'est pas aux clowns de baisser leurs prix, c'est aux in-house de faire un effort pour magasiner... Partez donc, le clown va bien finir par vous rappeler 6 mois plus tard avec un tarif coupé en deux.

  2. Me
    Me
    Personnellement je préfère toujours porter mes mandats forfaitaires sur une base horaire, à la comptabilité à l'interne. Cela permet d'accorder des bonus gratuits pour garder les clients.

    Prenons à titre d'exemple le dossier forfaitaire de 10 000. Lorsque je reçoit un dossier forfaitaire je me demande ce que ça me couterait en temps s'il ne l'était pas. Dans le cas présent si c'est purement une rédaction ça ferait 33 heures a 295.

    Or... le motif pour lequel on accepte au forfaitaire c'est parce qu'on a de l'expérience pour justement accepter. Je m'explique: on le fait parce qu'on sait, qu'en réalité il nous faudra 10-12-15 ou 18 heures pour compléter le mandat bref, beaucoup moins que 33. Alors je porte le 33 au compte annuel d'heures facturables à l'interne et si je vois, à la fin, que ce mandat m'a "coûté" en réalité 15 h, je me trouve à en "gagner" 8.

    Qu'est-ce que je fais avec le 8 ? Souvent rien, parce que le client n'en demande pas plus. Mais si jamais le client me sollicite pour une heure ou deux de plus, je lui les offre gratuitement. je me dis qu'1-2 h représentent le quart de ce "surplus" de 8 heures sur lequel je suis déjà payé.

    Alors très souvent, pour lui faire plaisir, je lui envoie une facture qui ne fait que comptabiliser le temps: exemple: 2x250, 2x275, avec le total à payer en bas: 0 $..... Ils adorent ça.

    (Évidemment, si les petites questions supplémentaires commencent à gruger sérieusement mon "profit" dans le 33h vs. 15h, là je vais facturer... mais si ça ne fait que l'entamer quelque peu, je ne facture pas).


    Bref,
    Si un client te donne un mandat forfaitaire de 10 000 et qu'en plus tu le factures au tarif horaire pour une question supplémentaire... c'est que visiblement tu n'as aucun sens du marketing.

    • Master P.
      Master P.
      il y a 14 ans
      Re : Me
      > Alors je porte le 33 au compte annuel d'heures facturables à l'interne et si je vois, à la fin, que ce mandat m'a "coûté" en réalité 15 h, je me trouve à en "gagner" 8.



      Petite erreur de calcul cher confrère. 33 – 15 = 18 et non 8 comme vous l’indiquez à plusieurs reprises. Simplement de l’inattention je présume.

      Par contre avec un surplus de 18, vous pouvez être plus généreux avec les heures gratuites.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 14 ans
      Re : Me
      >
      > Qu'est-ce que je fais avec le 8 ? Souvent rien, parce que le client n'en demande pas plus.


      Avec le 8h restant? Je croyais que vous en profitiez pour venir "troller" sur Droit-Inc...

    • K
      Re : Me
      Last time I checked 33-15=18.

      > Personnellement je préfère toujours porter mes mandats forfaitaires sur une base horaire, à la comptabilité à l'interne. Cela permet d'accorder des bonus gratuits pour garder les clients.
      >
      > Prenons à titre d'exemple le dossier forfaitaire de 10 000. Lorsque je reçoit un dossier forfaitaire je me demande ce que ça me couterait en temps s'il ne l'était pas. Dans le cas présent si c'est purement une rédaction ça ferait 33 heures a 295.
      >
      > Or... le motif pour lequel on accepte au forfaitaire c'est parce qu'on a de l'expérience pour justement accepter. Je m'explique: on le fait parce qu'on sait, qu'en réalité il nous faudra 10-12-15 ou 18 heures pour compléter le mandat bref, beaucoup moins que 33. Alors je porte le 33 au compte annuel d'heures facturables à l'interne et si je vois, à la fin, que ce mandat m'a "coûté" en réalité 15 h, je me trouve à en "gagner" 8.
      >
      > Qu'est-ce que je fais avec le 8 ? Souvent rien, parce que le client n'en demande pas plus. Mais si jamais le client me sollicite pour une heure ou deux de plus, je lui les offre gratuitement. je me dis qu'1-2 h représentent le quart de ce "surplus" de 8 heures sur lequel je suis déjà payé.
      >
      > Alors très souvent, pour lui faire plaisir, je lui envoie une facture qui ne fait que comptabiliser le temps: exemple: 2x250, 2x275, avec le total à payer en bas: 0 $..... Ils adorent ça.
      >
      > (Évidemment, si les petites questions supplémentaires commencent à gruger sérieusement mon "profit" dans le 33h vs. 15h, là je vais facturer... mais si ça ne fait que l'entamer quelque peu, je ne facture pas).
      >
      >
      > Bref,
      > Si un client te donne un mandat forfaitaire de 10 000 et qu'en plus tu le factures au tarif horaire pour une question supplémentaire... c'est que visiblement tu n'as aucun sens du marketing.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 14 ans
      Re : Re : Me
      HA HA HAAAAA........ELLE EST BONNE. :)
      > > Qu'est-ce que je fais avec le 8 ? Souvent rien, parce que le client n'en demande pas plus.
      >
      >
      > Avec le 8h restant? Je croyais que vous en profitiez pour venir "troller" sur Droit-Inc...

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Facturation?
    Je suis un "in-house" qui utilise des grands cabinets. Pour moi, ce n'est pas le fait que le taux horaire est élevé, mais plutôt l'incompréhension des factures!! :) Je ne souviens jamais du fait que j'ai parlé plus de 1 heure avec un tel avocat (max. 30 minutes + un email). Et de plus, si j'ai appelé un tel avocat, c'est que je ne veux pas avoir un autre avocat (junior) qui me facture en même temps!!

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Le TROLL
    Bon le Troll nous explique sa facturation, c'est évident qu'il passe ses journées sur droit.inc le Troll. C'est à se demander si il travail des fois.

  5. anonyme
    anonyme
    il y a 14 ans
    anonyme
    > si il travail des fois.

    trois fautes dans cet extrait... faut le faire.

  6. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Anonyme
    J'ai déjà eu à travailler avec Me et son cabinet à des nombreuses reprises lorsque j'étais chez Cascades. C'est vraiment quelq'un de très particulier.

  7. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Anonyme
    Troll est un nom commun, pas un acronyme. Inutile de le gueuler.

  8. Me
    Me
    >>> Bon le Troll nous explique sa facturation, c'est évident qu'il passe ses journées sur droit.inc le Troll. C'est à se demander si il travail des fois.


    Aidez-moi comprendre. Je suis slow d'esprit. Expliquer quelque chose ici est indubitablement la preuve qu'on passe ses journées ici ? Intéressant...

  9. Me
    Me
    * à comprendre.

  10. Me
    Me
    >>> Last time I checked 33-15=18.

    10 points, shoe boy.
    Proud?

  11. Hypocrite
    Hypocrite
    il y a 14 ans
    Et le copinage?
    Ces pleurs de conseillers juridiques d'entreprises sont une farce! Une feinte faite à leur CFO pour démontrer qu'ils exigent des réductions de prix pour participer à l'effort de rationalisation corporative.
    En fait, ces conseillers chuchotent à l'oreille de leurs avocats externes, généralement de bons amis de leur ancien bureau qui les traitent bien, "t'inquiète, on gueule mais c'est pour l'apparence: ce que tu coupe en taux, rajoute-le en temps. En contrepartie de ton "write-off" des photocopies, charges-moi pour la numérisation: on a maintenant un bureau sans papier... Wink! Wink!"
    Le pire dans tout ça est que ces complaintes sont chantées par les conseillers principaux et « chief legal officer » de ce monde, ceux-là même qui empochent des centaines de milliers, voire des millions, de dollars chaque année en coupant les salaires de leurs avocats internes !

  12. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Pitié!
    Les entreprises paient pour le NOM du bureau avec qui ils font affaire à l'externe. Il y a des avocats beaucoup moins dispendieux et tout aussi compétent sur le marché.

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