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Une chute à la maison peut être un accident de travail, statue le tribunal du travail

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Radio -canada

2021-12-23 12:00:00

Le Tribunal administratif du travail a récemment conclu qu’une chute à la maison peut être un accident de travail. Retour sur les faits…

Me Katherine Poirier. Source: Site web de Borden Ladner Gervais s.r.l.
Me Katherine Poirier. Source: Site web de Borden Ladner Gervais s.r.l.
Le Tribunal administratif du travail a déterminé qu’une femme qui a chuté dans l’escalier de sa résidence en se rendant prendre son dîner alors qu'elle était en télétravail pourra être indemnisée en vertu de la loi sur les accidents du travail.

Alexandria Gentile-Patti, qui occupe un poste d’agente de service à la clientèle chez Air Canada, travaillait à partir de son domicile en septembre 2020 lorsqu’elle s’est blessée en faisant une chute dans l’escalier de sa résidence. Elle s'en allait en pause-repas au rez-de-chaussée.

Me Katherine Poirier de Borden Ladner Gervais s.r.l. représente Air Canada et Me Daniel Cloutier de SDAT-Unifor Québec représente Mme Gentile-Patti dans ce dossier.

Blessée sur le côté gauche de son corps, la travailleuse a informé son superviseur de l’accident et rempli un rapport d’accident, comme le prévoient les lois du travail.

Par la suite, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail a reconnu que cette chute est un événement couvert par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et que les blessures subies par la dame constituaient par le fait même des lésions professionnelles.

Sphère professionnelle ou personnelle?

En désaccord avec les conclusions de la Commission, Air Canada a porté l’affaire devant le Tribunal administratif du travail en faisant valoir que la chute qu’a faite son employée ne peut être considérée comme un accident de travail.

Selon l'employeur, elle « n’était plus dans sa sphère professionnelle, mais plutôt dans sa sphère personnelle » lorsque s’est produit l’accident, puisqu’elle était en pause-repas.

Me Daniel Cloutier. Source: Youtube
Me Daniel Cloutier. Source: Youtube
Air Canada estimait qu'il n’y a pas de « connexité » entre ce que fait un employé pendant ses pauses et le travail qu’il accomplit. Le transporteur aérien soutenait également que « lorsqu’un travailleur est dans le confort de son foyer, il y a une présomption de vie privée faisant en sorte qu’il n’y a pas de contrôle effectif de la part de l’employeur », peut-on lire dans la décision du Tribunal administratif du travail.

Dans les prémisses du jugement, on décrit un accident de travail comme étant un « événement imprévu » et soudain qui survient par le fait ou à l’occasion du travail.

Le Tribunal administratif du travail devait donc déterminer si cette chute survenue dans la résidence personnelle d’une employée, pendant sa pause-repas, constitue ou non un événement « imprévu et soudain » survenu dans le cadre du travail.

Dans sa décision rendue le 3 décembre dernier, le Tribunal rejette la contestation d’Air Canada et confirme que la victime a bel et bien subi une lésion professionnelle dans le cadre d'un accident de travail. Elle doit donc être traitée et indemnisée en conséquence.

« Certes, au moment de la chute, Mme Gentile-Patti n’est pas rémunérée par l’employeur et la chute survient dans sa résidence privée, alors qu’elle s’apprête à effectuer une activité de nature personnelle. Toutefois, le contexte dans lequel survient cet incident comporte certaines dimensions qui font en sorte qu’il s’agit d’un événement imprévu et soudain qui survient à l’occasion du travail », précise le document de six pages.

« En mode télétravail, la résidence privée devient, certes, le lieu de travail, notamment l’environnement circonscrit où le travailleur exerce ses fonctions. », est-il mentionné dans la décision du Tribunal administratif du travail.

Un lieu de travail comme un autre

« La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (…) ne prévoit pas de cadre d’analyse distinct de l’événement imprévu et soudain, que celui-ci se produise à l’intérieur de la résidence privée du travail, dans l’établissement de l’employeur ou encore ailleurs, (comme) dans un stationnement », explique le Tribunal.

Selon le Tribunal, l’outil pour déterminer « si un événement imprévu et soudain survient à l’occasion du travail », même s’il s’agit de télétravail, demeure le cadre d’analyse développé par la jurisprudence qui repose sur six critères :
  • Le lieu de l’événement;

  • Le moment de l’événement;

  • La rémunération de l’activité exercée par le travailleur au moment de l’accident;

  • L’existence et le degré d’autorité de l’employeur ou le lien de subordination du travailleur;

  • La finalité de l’activité exercée au moment de l’événement, qu’elle soit incidente, accessoire ou facultative aux conditions de travail;

  • Le caractère de connexité ou d’utilité relative de l’activité du travailleur en regard de l’accomplissement du travail.


L’application de cette grille est déterminante, selon le Tribunal, car « en mode télétravail, le passage de la sphère professionnelle à la sphère personnelle et vice-versa peut être plus fréquent au cours d’un quart de travail ».

« Néanmoins, ajoute la décision, le travailleur qui exerce son emploi en mode télétravail, à son domicile, doit bénéficier de la même protection de la loi au chapitre de la notion d’à l’occasion du travail que le travailleur qui exerce son travail dans l’établissement de l’employeur ».

« De fait, la loi n’apporte aucune distinction, condition ou exigence sur le lieu où survient l’événement imprévu ou soudain pour se voir accorder les bénéfices de la loi, sauf pour sa portée territoriale (car il s’agit d’une loi du Québec) », conclut le Tribunal.
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1 commentaire

  1. Me(e)
    Me(e)
    il y a 2 ans
    Le raisonnement peut aller très loin
    Ce qui est troublant dans cette décision, c'est que l'employeur n'a aucun contrôle sur l'environnement de travail de l'employé et sur la santé et sécurité au travail.

    Est-ce qu'un employé qui contracte une maladie respiratoire chez-eux en raison de moisissures dans son grenier pourrait-il taxer son employeur? Une rampe mal vissée au domicile de l'employé pourrait-elle être la cause d'un accident de travail? Ça va loin, surtout dans un contexte où l'employeur n'a aucun contrôle sur cet environnement. Il pourrait devenir l'assureur des milieux dangereux avec un tel raisonnement.

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