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Déclarations troublantes d'un ancien avocat de la Congrégation de Sainte Croix

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La Presse Canadienne

2010-11-22 10:15:00

Les autorités de la Congrégation des Frères de Sainte-Croix ont fermé les yeux sur plus d'une dizaine de cas de présumées agressions sexuelles commises aux collèges Notre-Dame et Saint-Césaire, révèle une lettre de neuf pages de l'avocat qui défendait la congrégation.

Dans une lettre obtenue par La Presse Canadienne dimanche matin, Me Émile Perrin (photo) répertorie les cas de sévices présumés sexuels dont il a eu connaissance pendant les 24 années où il a travaillé pour la congrégation.

Le document, daté du 22 juin 2006, lève le voile sur les pratiques des dirigeants des établissements scolaires et des autorités de la congrégation religieuse _ notamment celles de l'actuel recteur de l'Oratoire Saint-Joseph, le père Claude Grou.

Tous les prêtres qui, à la connaissance de l'avocat, auraient posé des gestes criminels de nature sexuelle sont nommés explicitement dans le document qui s'adressait au frère provincial Wilson Kennedy.

Dans quelques cas, les religieux fautifs ont été relocalisés, relate Me Perrin. D'autres encore ont avorté puisque les victimes ne se sont pas présentées au tribunal.

Manoeuvres cléricales

Me Perrin expose cas par cas comment il a manœuvré, à la demande de la congrégation, pour étouffer la plupart de ces scandales.

"La tâche la plus ardue qui m'a été confiée, en tant qu'avocat de votre congrégation pendant toutes ces années, a été d'apprendre à manoeuvrer entre cette mince ligne séparant le religieux et le profane, ce qui était strictement du ressort de la congrégation de ce qui était d'ordre civil", écrit l'avocat avant d'exposer le cas d'une victime d'abus sexuels.

Cet ancien étudiant, qui aurait subi des sévices sexuels pendant deux ou trois ans, avait demandé un dédommagement de 250 000 $ à la Congrégation des Frères de Sainte-Croix .

Me Perrin écrit avoir rencontré la victime, à la demande du directeur général de l'époque au Collège Notre-Dame.

La victime aurait alors exposé dans les détails les agressions qui sont survenues.

"Ces détails (...) se sont tous avérés exacts. Le frère (...) a admis plus tard avoir eu des relations sexuelles avec (...), tout comme le frère (...)", écrit l'avocat, qui a ensuite rapporté l'affaire aux autorités ecclésiastiques de la Congrégation des Frères de Sainte-Croix.

En attendant d'obtenir des instructions, Me Perrin aurait rencontré "plusieurs fois" l'avocat de la présumée victime afin de discréditer celle-ci.

"Je l'ai sommairement décrit comme un profiteur, un trafiquant de drogue et un maître-chanteur", peut-on lire à la troisième page de la lettre de Me Perrin.

Par la suite, l'avocat a reçu les consignes des autorités du Collège, dont celle du supérieur général de l'époque, Claude Grou. Ce dernier est actuellement recteur de l'Oratoire Saint-Joseph.

"Nous avons reçu un télégramme du supérieur général, Claude Grou, qui était au Brésil à ce moment, nous donnant l'ordre de ne pas payer."

Mais peu après, il y a eu un changement de garde au Collège Notre-Dame.

Le nouveau dirigeant, le frère Charles E. Smith, a court-circuité les procédures religieuses habituelles et a finalement ordonné le versement de la somme de 250 000 $.

"Le frère Smith a pris un énorme risque. Si cette situation avait été connue, le Collège aurait perdu son financement public et le scandale aurait probablement forcé la fermeture du Collège. (...) En outre, c'est un crime aux yeux du Code criminel canadien d'acheter quelqu'un qui a droit à un recours criminel", précise l'avocat dans sa lettre.

D'autres cas?

Dans son document, Me Perrin avoue qu'il est au courant d'un plus grand nombre d'agressions sexuelles et qu'il n'a pas tout dit.

Le fait de rendre cette lettre publique pourrait justement encourager certaines présumées victimes à dénoncer les sévices sexuels qu'ils ont subis, selon le fondateur du Comité des victimes de pédophiles au Collège Notre-Dame, Robert Cornellier.

"Ça démontre que les victimes n'ont pas imaginé ce qui s'est passé. Il y avait des victimes qui avaient honte d'en parler, dont une qui en avait parlé

à sa famille... personne ne le croyait. Avec ce document-là, ça vient prouver que ça s'est produit, et que ça s'est produit à une grande échelle", a déclaré M. Cornellier lors d'une entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne, dimanche soir.

Robert Cornellier a été "choqué" lorsqu'il a lu ce document, mis en ligne par une personne qu'il a déclaré ne pas connaître.

"C'est comme une conspiration. L'avocat a dit dans la lettre qu'il a dénoncé des cas auprès de la congrégation et que rien n'a été fait. Les autorités savaient ce qui se passait et elles n'ont rien fait pour protéger les enfants", a-t-il déploré.

En mars 2009, une demande de recours collectif contre la Congrégation des Frères de Sainte-Croix a été déposée par Robert Cornellier, qui est le frère d'une victime aujourd'hui décédée.

La demande de recours collectif contre la Congrégation des Frères de Sainte-Croix et le Collège Notre-Dame viserait aussi le collège St-Césaire près de Granby, un autre collège dirigé par les frères de Sainte-Croix.

La demande sera entendue le 13 décembre prochain.
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6 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    Secret professionnel?
    Bien content que cette lettre ait été divulguée. Elle va aider la cause des victimes mais cet avocat n'était-il pas lié par le secret professionnel ou est-ce qu'il manque quelque chose dans l'article pour mieux comprendre?

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 13 ans
      Re : Secret professionnel?
      "Robert Cornellier a été "choqué" lorsqu'il a lu ce document, mis en ligne par une personne qu'il a déclaré ne pas connaître."

      C'est clair me semble.

    • anonyme
      anonyme
      il y a 13 ans
      Re : Secret professionnel?
      > Bien content que cette lettre ait été divulguée. Elle va aider la cause des victimes mais cet avocat n'était-il pas lié par le secret professionnel ou est-ce qu'il manque quelque chose dans l'article pour mieux comprendre?
      À lire la lettre on peut voir, en effet, qu'il avait cette préoccupation et je ne suis pas sûr que ses motifs pour se croire délié étaient bons.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    Anonyme
    Me Perrin n'a nullement violé le secret professionnel. Il ne dévoile pas ses méthodes à un tiers. Cette lettre est un rapport de ses manoeuvres fait à l'adresse de son client. Elle a simplement été coulée ou interceptée.

    Par contre, Me Perrin jette de la boue sur notre profession plus que si il violerait le secret professionnel.

    En dernier lieu, les victimes n'ont pas de quoi se rejouir. Ce genre de document ne risque pas d'être admis en preuve par aucun juge.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    Indigence du vocabulaire
    >Déclarations troublantes...

    Troublants, inacceptables, non-éthique, ... autant de mots pour masquer l'incapacité de leur auteur de qualifier les choses.

  4. GBS
    GBS
    Je ne crois pas qu'une lettre relevant du secret professionnel puisse être utilisée dans des procédures judiciaires, si le privilège n'a pas été levé par le client...

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