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À bout, un chef de PME poursuit Revenu Québec

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Agence Qmi

2011-03-07 14:15:00

Le propriétaire d’une PME de Laval, Jean-Yves Archambault, vit un véritable cauchemar depuis que Revenu Québec a débarqué chez lui en 2006. Mais il a décidé de ne pas se laisser faire et a déposé une requête et intérêts contre le ministère.

C'est Me Boudreault qui va porter la requête de M. Archambault et de sa société
C'est Me Boudreault qui va porter la requête de M. Archambault et de sa société
Dans sa requête en dommages et intérêts contre le ministère, M. Archambault réclame 12,7 millions $ en son nom et celui du Groupe Enico, sa société spécialisée dans les technologies d’automatisation. C'est Mélanie Boudreault du cabinet montréalais Morency qui représente Jean-Yves Archambault et son entreprise.

Les allégations formulées par M. Archambault et défendues par Me Boudreault sont très graves et pourraient faire jurisprudence si elles s’avèrent fondées. Revenu Québec n’a jamais fait face à une poursuite en dommages de cette ampleur.

La requête introductive dévoile certaines méthodes musclées qui seraient employées par le fisc québécois pour récupérer des sommes qui lui échapperaient. Selon cette requête, « la présomption d’innocence, la rigueur intellectuelle et même l’honnêteté et le respect des lois sont des notions étrangères à certains employés du ministère ».

Victime d'un stagiaire ?

Le document détaille les mésaventures de M. Archambault. Il raconte qu’en octobre 2006, il a reçu la visite de deux agents de Revenu Québec ; Guy Fournelle employé du ministère et François Boudrias présenté comme un simple stagiaire. Ils ont demandé à vérifier l’état de ses paiements de taxes à la consommation. Jean-Yves Archambault aurait collaboré sans rechigner. Tout s’est bien passé jusqu’en avril 2007, au moment où sans raison apparente, M. Fournelle le rappelle pour lui demander d’accélérer l’envoi de documents additionnels.

Quelques semaines plus tard, le PDG de Groupe Enico rencontre de nouveau les deux fonctionnaires de Revenu Québec, qui l’ont informé d’un projet d’avis de cotisation de 325 000 $ en taxes impayées pour les années 2003 à 2006. La somme est jugée « renversante » par M. Archambault. Selon lui, elle excède de très loin les erreurs qui auraient pu se produire du fait d'erreurs comptables.

M. Fournelle aurait alors expliqué à M. Archambault que le calcul du projet d’avis de cotisation est en partie le fruit du travail de M. Boudrias, qui ne serait plus stagiaire, mais vérificateur à temps plein. Ce dernier lui aurait aussi laissé entendre que les sommes non payées ont dû lui profiter personnellement puisqu’elles ne se retrouvaient plus dans l’entreprise. Il aurait donc pu recevoir de nouveaux projets d’avis de cotisation personnels sur la base des revenus non déclarés.

À la merci

« Pour la première fois, M. Archambault constate que son sort est à la merci de gens apparemment convaincus qu’ils font face à un “fraudeur”», a déclaré son avocate. Ensuite, tout s’est emballé. M. Archambault a fourni les documents demandés mais n’a jamais reçu d’explications satisfaisantes de M. Boudrias sur les calculs qui ont pu mener à l’énorme avis de cotisation. Revenu Québec aurait également perdu la trace d’un transfert d’argent bel et bien effectué par la firme CGI, à qui Enico a sous-traité son service de remise des déductions à la source aux gouvernements.

Le cauchemar de Jean-Yves Archambault dure depuis 5 ans
Le cauchemar de Jean-Yves Archambault dure depuis 5 ans
Cette erreur a entraîné le transfert de son dossier au service de la perception de Revenu Québec, ce qui aura des conséquences fatales pour l’entreprise. Enico n’est plus seulement considérée comme une entreprise fraudeuse, elle est devenue une entreprise « délinquante ». M. Archambault raconte qu’il est parvenu, au prix de gros efforts, à retracer le détail des transactions effectuées par Enico entre 2003 et 2006, mais M. Boudrias s’est dit toujours insatisfait.

Des erreurs troublantes

En examinant les feuilles de travail de M. Boudrias, M. Archambault a cependant découvert des choses encore plus troublantes. Certains montants contestés par Revenu Québec ne correspondaient à aucun chèque. Dans ces cas, le montant en cause est en tout point identique à un montant déjà contesté où apparaît un numéro de chèque. C’est comme si on avait délibérément « dédoublé » des montants contestés pour grossir l’ampleur de la « fraude » soupçonnée.

Encore plus stupéfiant, selon la poursuite, les feuilles de calcul de M. Boudrias font référence à des numéros de chèque inexistants. « Tout chèque portant un numéro séquentiel supérieur à 12 060 $ étant inexistant, la somme à laquelle il réfère est fictive et ne peut être qu’inventée de toutes pièces », affirme M. Archambault dans sa poursuite. Revenu Québec a retenu en outre des crédits d’impôt pour R-D de 359 000 $ pour l’année 2006 appartenant à Enico, ce qui a gravement fragilisé les finances de l’entreprise.

En février 2008, c’est le coup fatal. Le compte d’entreprise de M. Archambault à la Banque TD a été saisi, sans même qu’il n’ait reçu d’avis final que ce soit à l'oral ou à l'écrit. « Cette saisie rend perplexe, étant donné qu’Enico est débiteur de la Banque TD et créditeur de Revenu Québec en R-D pour 2007 », peut-on lire dans la poursuite. Cette saisie a définitivement ruiné la crédibilité d’Enico auprès de ses clients, de ses bâilleurs de fonds et de ses employés et précipité la mise sous la protection des tribunaux d’Enico.

Acharnement

Pour M. Archambault, le principe de l’État de droit a clairement été violé dans le traitement de son dossier.« Certaines manœuvres de Revenu Québec discréditent l’importance de l’image d’équité et d’impartialité que doit dégager l’État dans sa conduite et ses relations avec ses citoyens et sont indignes d’un État moderne », affirme la poursuite. Le rôle des supérieurs de M. Boudrias est critiqué parce qu’ils ont été incapables d’infléchir le cours des choses, d’après le document. M. Archambault a appelé Daniel Bourassa, le directeur du service des plaintes de Revenu Québec, qui lui a rétorqué que son histoire ne fait aucun sens.

La poursuite estime que sa vie a été détruite par les multiples erreurs du fisc québécois. « Avant les événements, M. Archambaut était un homme positif, énergique, extraverti et social. Mais depuis mai 2007, il est devenu stressé et très angoissé », a expliqué Me Boudreault. Il est tombé en dépression et a perdu le sommeil.

La porte-parole de Revenu Québec Valérie Savard a refusé de commenter le cas précis de M. Archambault, soulignant que l’affaire est encore devant les tribunaux. Depuis le dépôt de la requête, quatre procureurs représentant Revenu Québec ont été impliqués dans le dossier et tous ont demandé des transferts d’affectation pour des raisons inexpliquées.

Agressivité

Pour Amir Khadir, la lutte contre l'évasion fiscale ne peut se faire aux dépens des petits entrepreneurs
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Revenu Québec se démarquerait par son agressivité parmi les centres de perception en Amérique du Nord. Selon le fiscaliste Pierre Nadeau, l’objectif est « d’aller chercher le plus d’argent possible » auprès de la population. « Quand je travaillais à Revenu Canada, on avait tendance à donner le bénéfice du doute au contribuable, a expliqué M. Nadeau. Dans les cas ambigus, on évitait d’envoyer un nouvel avis de cotisation, de crainte de se tromper. »

À Revenu Québec, chaque cas est préjugé litigieux, a-t-il signalé.
Le fiscaliste chez Jurifisc a assuré que l’anonymat relatif dans lequel travaillent les employés de Revenu Québec les amène à considérer les dossiers traités sans humanité, les contribuables seraient pour eux de simples numéros. « Essayez de trouver les adresses et les numéros de téléphone des centres de perception de Revenu Québec, vous aurez bien de la misère ».

« Il y a beaucoup d’employés contractuels au centre de perception, des contrats de six mois, des employés qui arrivent d’autres pays où le gouvernement a tous les droits », a souligné Pierre Nadeau. Sans dire qu’il existe des quotas à la perception, M. Nadeau dit avoir rencontré des employés de Revenu Québec qui lui ont confié qu’ils avaient « beaucoup, beaucoup de pression » pour aller récupérer des sommes « non payées ».
« J’aurais peur de Revenu Québec s’il se mettait sur mon cas, même si tout était en règle », a-t-il confié.

Quota à le performance


Du côté du ministère, on nie qu’il existe des quotas à la performance. Mais le gouvernement ne cache pas son intention d’augmenter son efficacité dans la perception des taxes et des impôts. Le gouvernement libéral s’est donné des objectifs extrêmement ambitieux dans son effort de redressement des finances publiques. D’ici trois ans, le fisc devra récupérer 1,75 milliard de dollars de plus en impôt non payé.

Cela fait craindre à Amir Khadir que les cas comme celui de M. Archambault se multiplient. « Il ne faudrait pas que la lutte à l’évasion fiscale se fasse sur le dos d’honnêtes citoyens et de petits entrepreneurs », a dit le député de Québec Solidaire.
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