Comment se préparer à plaider devant la Cour suprême?
Huit ans après la création de son cabinet multidisciplinaire, un avocat se prépare à plaider pour la première fois devant la Cour suprême.
Il y a huit ans, Me Jean-Philippe Caron fondait Calex Legal, un cabinet multidisciplinaire basé à Montréal.

Aujourd’hui, il est accompagné d’une associée et de six avocats. « Cette aventure un peu folle a été parsemée d’embûches, mais ce sont précisément ces difficultés qui nous ont permis d’acquérir le bagage nécessaire pour naviguer à travers les défis rencontrés au fil des ans », écrit-il sur LinkedIn.
Après avoir représenté des clients devant toutes les instances judiciaires du Québec, l’avocat s’apprête maintenant à franchir une étape marquante : plaider pour la première fois devant la Cour suprême.
Comment se prépare-t-on à un tel moment? Quel regard porte-t-il sur l’évolution de son cabinet et sur les défis rencontrés en cours de route? On a discuté avec lui.
Qu’est-ce qui vous a motivé à créer le cabinet Calex Legal, il y a maintenant huit ans?
J’ai toujours aimé travailler dans mon propre environnement, à ma manière. Cette liberté m’a permis de bien comprendre les rouages du métier et, progressivement, de construire une équipe dont je suis aujourd’hui très fier. Plusieurs collaborateurs nous accompagnent depuis leurs premiers stages universitaires : ils ont grandi avec le cabinet, en même temps que la pratique a évolué.
Avec l’essor de l’intelligence artificielle et les changements constants dans le milieu, il est essentiel de savoir avancer et rester à l’avant-garde. Notre approche repose avant tout sur la recherche de solutions. Pour résoudre un dossier efficacement, il faut d’abord comprendre le problème, puis faire preuve de créativité. Nous nous attachons à examiner chaque dossier sous tous ses angles, quelle que soit la matière.
Avec du recul, comment percevez-vous l’évolution du cabinet depuis huit ans? Quels défis avez-vous rencontrés?
Nous avons dû faire face à plusieurs défis. La pandémie a été une période très particulière : pendant presque cinq mois, le litige tournait au ralenti, ce qui a évidemment eu un impact important, surtout pour un cabinet principalement axé sur cette pratique.
L’autre défi constant est la fidélisation des ressources et la construction d’une culture d’entreprise. Une culture solide se bâtit progressivement. Aujourd’hui, nous avons réussi à nous démarquer sur le marché. Nous recevons de nombreux mandats provenant de collègues et d’autres cabinets, notamment en situations de conflits d’intérêts. Notre pratique est très variée : il y a peu de domaines dans lesquels nous ne pouvons pas intervenir.
Vous allez plaider pour la première fois devant la Cour suprême. Que représente cette étape pour vous?
C’est particulièrement intéressant parce qu’il s’agit d’un dossier en procédure civile, un domaine que je maîtrise bien. Je plaisante souvent en disant que je suis davantage un expert en procédure qu’un avocat !
Le dossier soulève une question importante pour la profession : dans quelles circonstances un avocat manque-t-il de la distance nécessaire pour continuer à assumer son rôle d’auxiliaire de la justice? Nous allons défendre la dissidence exprimée par la juge en chef du Québec, Manon Savard, dans l’arrêt de la Cour d’appel.
Nous n’étions pas impliqués au départ ; nous sommes intervenus après la décision d’appel, avec l’appui de notre avocat-conseil.
Nous avons donc la chance de vivre cette expérience dans un moment particulier. Le dossier touche à des enjeux comme l’accessibilité à la justice et le droit de choisir son avocat. Ce droit ne devrait être limité que dans des circonstances réellement graves et contraignantes.
Comment se prépare-t-on à plaider devant la Cour suprême? Quels enjeux particuliers faut-il anticiper?
Il faut connaître chaque aspect du dossier et être prêt à répondre à toutes les questions possibles. On prépare un plan détaillé, mais on sait qu’il sera souvent mis de côté rapidement : la discussion peut aller dans toutes les directions.
Il y a aussi trois intervenants dans notre dossier, ce qui ajoute des angles et des argumentaires différents. Cela montre que la question est d’intérêt national et que la décision aura un impact d’un océan à l’autre. La décision de la Cour d’appel est composée de trois jugements distincts, ce qui illustre bien la complexité et la divergence d’opinions. C’est important que la Cour suprême intervienne pour clarifier le cadre.
Aujourd’hui, je peux anticiper certaines pistes, mais moi-même je ne sais pas encore pleinement comment l’audience va se dérouler.
Vous avez mentionné un intérêt marqué pour la procédure civile. D’où vous vient cette passion?
Connaître le droit, c’est une chose ; savoir comment l’appliquer et le faire avancer, c’en est une autre. Dans notre système de justice, la procédure a un rôle central : elle permet de faire progresser un dossier efficacement. Cette expertise s’acquiert sur le terrain : en se présentant en salle d’audience, en participant aux conférences de gestion, aux audiences d’ordonnance…
Au départ, le dossier est un cadre. Ensuite, il faut trouver la meilleure manière de le faire évoluer de façon efficace et stratégique. C’est cet aspect qui me passionne.