Le mode de travail hybride est-il viable pour les avocats ?
Camille Dufétel
2023-03-14 15:00:00
Elle croit que le temps de télétravail, « un privilège de l’employé » qui, chez les avocats, dépend des domaines de pratique, pourrait bien finir par diminuer.
Avec sa collègue Me Nathalie Gonthier, elle s’entretenait il y a peu avec l’équipe de la plateforme Carrefour RH, une initiative de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés qui offre des solutions aux enjeux RH, dans un balado.
Toutes deux ont discuté des enjeux de gestion de la performance due à l’ascension du télétravail, notamment ceux concernant la surveillance des employés et le droit à la déconnexion. Droit-Inc est revenu sur ces enjeux concernant les avocats, avec Me Boyle.
Le mode de travail hybride initié par la pandémie est-il voué à perdurer chez les avocats selon vous ?
Ce qu’on voit présentement chez les avocats, c’est que ça dépend beaucoup du cabinet et de la présence des associés. S’ils sont très présents, les avocats vont avoir tendance à être davantage au bureau, surtout dans les domaines plus litigieux.
Si on regarde chez BCF, en litige, en droit de l’emploi, en droit du travail, pour toutes les portions litigieuses, les avocats sont très présents par la nature du travail. En droit commercial, il y a plus de télétravail, car le domaine s’y prête davantage.
Cela dit, je ne pense pas qu’on reviendra à un total présentiel, mais à mon avis, il va finir par y avoir un retour de balancier. D’ici un an ou deux, le taux de télétravail va probablement diminuer. Mais c’est mon opinion personnelle.
Pourquoi pensez-vous cela ?
Parce qu’il y a des problèmes de santé mentale importants liés au télétravail à long terme en raison de l’isolement. Plusieurs médecins et organismes en ont parlé. Tu n’as plus de relations avec les gens de ton travail.
C’est sûr que le télétravail est intéressant pour les personnes qui ont un temps de transport important, parce que ce temps de trajet provoque beaucoup de stress, et aussi pour ceux qui ont des jeunes familles.
C’est pour ça que je pense que le travail hybride, pour certains groupes de pratique, va quand même demeurer. En fait, soit il va rester tel quel, soit le nombre de jours de télétravail va diminuer.
L’autre problème du travail hybride, c’est qu’il pose des problèmes de productivité. Moi, je ne conseille que des employeurs et je le vois effectivement. Au début de la pandémie, il y a eu une augmentation de la productivité parce que c’était nouveau et que les gens ne pouvaient pas sortir.
Mais là, en général et pas que pour les avocats, les gens se disent, « je suis en télétravail aujourd’hui, donc je vais aller faire mes commissions ». Alors qu’avant la pandémie, ils auraient posé une journée. Ils diminuent leur temps de travail pour faire leurs choses personnelles.
Souvent, les plaintes que j’ai d’employeurs sont qu’ils essaient de rejoindre leur employé et n’y arrivent pas. L’employé les rappelle deux heures plus tard alors qu’il est supposé être en temps de travail.
Je pense qu’il y a un relâchement au niveau des employés et ça va nuire au maintien du télétravail parce que les employeurs ne pourront plus accepter cela. Surtout dans un contexte où l’on voit que l’économie ne va pas très bien.
Les employeurs se plaignent-ils à propos d’autres enjeux liés au télétravail ?
Il y a en fait des employeurs qui apprécient beaucoup le télétravail à 100 %.
Mais il faut adapter son style de gestion. Une fois que c’est fait, ça peut très bien aller. Certains employeurs sont meilleurs que d’autres pour gérer des employés.
Télétravail ou pas, ce n’est pas facile d’être un employeur en 2023. On est en pénurie de main d’œuvre, on a des problèmes au niveau économique, on a de nouvelles perceptions de la part des employés...
Que conseillez-vous alors à un employeur pour mieux gérer ses employés à distance ?
D'avoir une politique claire sur le télétravail pour que les employés sachent vraiment à quoi s’attendre. Ça va aider beaucoup à gérer leur performance.
Et d’être à l’écoute des employés qui vont développer des problématiques, par exemple au niveau de la santé mentale. Il faut avoir un bon programme d’aide aux employés.
Doivent-ils surveiller leurs employés en les appelant régulièrement, ou cela risque-t-il de montrer un manque de confiance ?
L’équilibre dans cela est difficile à atteindre. Si un gestionnaire vous appelle pour un oui ou pour un non et que vous n’êtes pas capable de faire votre travail, il y a des recours pour ça.
Mais si les employés répondent aux demandes de façon normale, il ne devrait pas y avoir de problème. L’important, c’est vraiment l’équilibre.
Du côté des employés, dans votre récent balado, vous parlez d’un autre enjeu, celui du droit à la déconnexion. Est-il compromis à cause du travail hybride ?
En fait, au Québec, il n’existe même pas. C’est le cas en Ontario, mais ce n’est pas très encadré. On demande juste à l’employeur de faire une politique et il n’y a pas beaucoup de paramètres restrictifs.
Mais je pense qu’une saine gestion de sa connexion, autant par le patron que par l’employé, est une bonne chose.
On voit surgir ce droit à la déconnexion quand il y a de l’abus. S’il n’y a pas d’abus, qu’on est raisonnable, il n’y a pas de raison d’avoir de droit à la déconnexion légiférée.
Donc actuellement, il n’est pas possible pour un employé de porter plainte à ce niveau au Québec...
Si ça va trop loin, les employés pourraient porter plainte parce que d’une certaine façon, à l’extrême, cela pourrait constituer du harcèlement.
Mais les employeurs sont conscients de cela maintenant.
Finalement, pensez-vous que le mode de travail hybride est une bonne ou une mauvaise chose ?
Ça dépend du type de travail et du type d’employé. Je connais des gens dans le milieu des assurances, ça fait des années-lumière qu’ils sont en télétravail et ça va très bien.
Ça prend des personnes très disciplinées et de très motivées. Pour certains types d’employés, ça peut être très bon, et pour d’autres, ce n’est pas une bonne idée.
Je pense qu’il devrait avoir plus de présentiel, mais encore une fois, ça dépend du type de compagnie et de modèle d’affaires.
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