Pourquoi les avocats ont-ils si peur de vendre leurs services?

Thomas Vernier
2025-05-22 14:15:34

Pour de nombreux avocats, le développement d'affaires ne se résume pas qu'à une question de temps disponible, mais bien à un manque de courage fondamental. Cette réalité dérangeante est mise en lumière par Jay Harrington, consultant spécialisé dans le coaching juridique, qui décortique les freins psychologiques empêchant les juristes de prospérer commercialement, rapporte Attorney at Work.
« Même quand du temps est dégagé, il y a un autre obstacle qui freine de nombreux avocats : l'inconfort de s'exposer », explique Harrington. Le développement d'affaires juridiques exige de l'effort, de la patience et une forte résilience émotionnelle.
« Vous pouvez faire tout ce qu'il faut et passer des semaines - ou des mois - sans victoire. Pour des professionnels ambitieux et performants habitués à exceller, c'est une pilule difficile à avaler. »
Vendre soi-même : un défi émotionnel unique
La vente de services juridiques se distingue crucialement des autres formes de vente par un aspect fondamental : l'avocat vend sa propre personne.
« Vous ne vendez pas un gadget ou une licence logicielle. Vous vendez vous-même - votre perspicacité, votre jugement, votre expérience et votre temps », souligne l'expert.
Conséquence directe : quand un prospect ne répond pas ou décline, cela peut sembler profondément personnel.
Les vendeurs professionnels sont formés pour encaisser ces refus avec des mantras comme « Certains accepteront. Certains refuseront. Peu importe. Passez à autre chose ».
Mais les avocats ne sont pas des commerciaux de carrière, et la plupart peinent à adopter ce niveau de détachement.
Harrington identifie trois réactions typiques face à cette difficulté : éviter complètement le développement d'affaires en se disant qu'on « s'y mettra plus tard » ; construire des relations mais rester passif sans jamais concrétiser ; ou faire une tentative puis battre en retraite au premier signe de désintérêt, même tiède.
Les vraies questions que se posent les avocats
Face à ces blocages, l'expert répond aux interrogations les plus fréquentes de sa pratique de coaching. « Et si je contacte quelqu'un et qu'il ne répond pas ? » demandent souvent les juristes. « Ce n'est pas un rejet - c'est la réalité. Les gens sont occupés et distraits. L'absence de réponse signifie rarement un désintérêt ; plus souvent, c'est juste que le timing n'est pas bon », répond-il.
Pour éviter de paraître insistant ou auto-promotionnel, Harrington conseille de « se concentrer sur l'aide à apporter ». Partager un article pertinent, proposer une mise en relation utile ou transmettre un conseil pratique. « Quand vous menez avec pertinence et service, vous êtes perçu comme une ressource, pas comme une nuisance. »
L'inconfort de « demander du travail » peut être surmonté par un recadrage mental : « Vous ne mendiez pas du travail - vous offrez de l'aide. Abordez chaque conversation avec curiosité. Quel problème affrontent-ils ? Pouvez-vous aider à le résoudre? »
Du temps et de la patience : les clés du succès
Le manque de temps, excuse récurrente, est balayé par une recommandation simple : traiter le temps de développement d'affaires comme tout autre engagement. « Le travail client remplira toujours chaque heure disponible. Commencez par bloquer 30 minutes par semaine. Mettez-le dans votre agenda. Protégez-le. »
Quant à l'impatience face aux résultats, Harrington rappelle que « le développement d'affaires, c'est de l'agriculture, pas de la chasse ». Il faut planter des graines - l'email d'aujourd'hui, le déjeuner de la semaine prochaine, le webinaire du mois prochain - et attendre la croissance. « Pensez en trimestres, pas en jours. »
L'expert conclut par une analogie parlante : imaginez recevoir 100 tickets à gratter, dont sept ou huit sont gagnants. La plupart des gens gratteraient les 100, sachant que quelques gains se cachent dans le tas. « La vente fonctionne de la même manière. Vous essayez, vous écoutez, vous relancez, et vous continuez jusqu'à ce que quelque chose marche. »
Le message final est clair : « Le développement d'affaires ne consiste pas à être sans peur. Il s'agit d'être persistant malgré la peur. » Car au final, le véritable prix n'est pas seulement le travail gagné, mais la confiance construite qui permet de continuer.