Litige 2024

Litige Civil et Commercial : Les Avocats Québécois face aux nouveaux défis

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Sophie Ginoux

2024-10-28 15:00:02

Me Karim Renno
Me Karim Renno
Face aux changements sociétaux et technologiques, les avocats réinventent la pratique du litige civil et commercial au Québec. Voici le premier volet de notre dossier spécial…



Le litige civil et commercial est sans aucun doute la pratique la plus commune au Québec. Pourquoi ? Parce qu’elle embrasse une immense variété de conflits juridiques qui peuvent survenir entre des individus, des entreprises ou d’autres entités.

« C’est ce que j’aime dans ce métier, témoigne Me Karim Renno, associé et cofondateur du cabinet Renno & Vathilakis. Un jour, on plonge dans un dossier de construction. Le lendemain, on analyse un recours collectif de consommateurs. Et le surlendemain, on règle une chicane entre actionnaires. On ne s’ennuie jamais. »

Me Isabelle Vendette
Me Isabelle Vendette

Si la perspective d’un quotidien sans cesse renouvelé attire un certain nombre d’avocats dans cette spécialité, d’autres apprécient aussi l’impact concret qu’ils ont dans la vie de leurs clients, qu’il s’agisse de personnes ou de sociétés.

« Notre rôle auprès des entreprises est primordial, confirme Me Isabelle Vendette, qui évolue depuis 15 ans au sein de McCarthy Tétrault. Nous les aidons à faire face aux transformations économiques, technologiques et sociétales qui les touchent toutes. »

Un constat que corrobore Me Jean-Maxim Lebrun, lui aussi avocat depuis 15 ans chez Dunton Rainville. « Le Québec est un terreau fertile en PME, qu’il faut accompagner en tant qu’experts en droit, mais aussi en tant que conseillers commerciaux conscients de leur réalité d’affaires » dit-il.

Des relations humaines que Me Annie-Pier Ledoux, Barreau 2022 et avocate pour le cabinet Bissonnette Giroux, privilégie également dans son travail : « Dans mon créneau du droit du logement, je gère des dossiers qui me rappellent tout le temps pourquoi j’ai choisi ce métier, c’est-à-dire pour défendre des gens et leurs droits. En ce sens, il se rapproche à certains égards du droit social. »

L’incontournable droit collaboratif

Me Jean-Maxim Lebrun
Me Jean-Maxim Lebrun

L’attrait du droit civil et commercial ne repose donc pas seulement sur le chiffre d’affaires et les heures facturables que sa pratique peut apporter. Pour l’ensemble de nos intervenants, il va même de soi, désormais, d’éviter le plus possible de se rendre jusqu’en Cour.

« Les dates de procès sont de plus en plus difficiles à obtenir, convient Me Renno. Nous n’avons de ce fait pas le choix de nous remettre constamment en question, de soupeser nos attentes en matière d’auditions, tout en ayant la preuve nécessaire pour faire valoir nos points. Ce n’est jamais évident. »

Le meilleur litige est celui qu’on évite, estime pour sa part Me Lebrun, qui constate que le marché inflationniste, les délais juridiques et la généralisation de nouvelles pratiques jouent tous en faveur de la systématisation du droit collaboratif et du règlement à l’amiable des conflits.

Cette manière de gérer les dossiers s’associe parallèlement au développement de la médiation et de l’arbitrage, y compris en commerce international, auparavant cantonné à des villes comme Paris, Londres ou New York.

Me Annie-Pier Ledoux
Me Annie-Pier Ledoux

« C’est une pratique de plus en plus populaire au Québec », confirme Me Sébastien Richemont, associé chez Fasken et de temps à autre appelé à officier à titre de médiateur sur une affaire. « J’aime cette position alternative, cela me permet d’être juge à temps partiel » dit-il.

Le droit collaboratif a cependant des limites. Celles du caractère belliqueux ou contestataire des parties, évidemment. Mais aussi celles relatives au choix du médiateur, qui doit faire en sorte que les deux camps soient à l’aise avec lui. Cette étape est d’ailleurs tellement délicate qu’en matière commerciale, Me Renno élabore toujours une stratégie pour ses clients.

Et qu’en est-il du côté civil ? Me Ledoux, qui se retrouve souvent face à des individus qui s’autodéfendent et ne possèdent aucune expertise en droit, mise beaucoup sur des solutions négociées. « On le sait rapidement, si on a un bon ou un mauvais dossier en main, explique-t-elle. Il faut donc l’envisager dans l’intérêt et le bénéfice de toutes les parties, pas seulement de la sienne. »

La sophistication et la dématérialisation du droit

Me Sébastien Richemont
Me Sébastien Richemont

L’avènement des nouvelles technologies a de bons côtés, et d’autres plus pervers. Dans le premier cas, l’apparition d’outils informatiques dotés d’intelligence artificielle permet de traiter un plus grand volume de dossiers. La démocratisation de la visioconférence a également facilité, depuis la pandémie, le traitement de plus de causes sans grande contestation.

« Procureurs, parties, tribunaux. Le fait qu’un dossier soit gérable à distance évite des déplacements et des pertes de temps inutiles. Pour un cabinet comme le nôtre présent partout dans la province, c’est un gros plus » admet Me Lebrun.

Par contre, comme le souligne l’associé et président du Comité de direction de Woods, Me Richard Vachon, la complexité des dossiers a augmenté au même rythme que les technologies dans notre quotidien.

Me Richard Vachon
Me Richard Vachon
« Je crois que notre pratique n’a jamais été plus exigeante qu’aujourd’hui, indique l’avocat de plus de 20 ans d’expérience. Le volume de documentation dématérialisée que nous gérons désormais -pensons juste aux courriels et aux messages textes – est vraiment impressionnante.

Me Vachon ajoute que la multiplication des législations, normes et réglementations touchant les différents secteurs d’activités dans lesquels évoluent les clients, de même qu’une jurisprudence toujours plus copieuse, alourdissent la tâche des avocats. « Je crois donc qu’au lieu de se simplifier, le droit civil et commercial se complexifie sans cesse » conclut-il.
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