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Un pionnier du droit autochtone de retour chez Gowling

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Sonia Semere

2025-06-05 15:00:17

Un ancien juge et figure clé du développement du droit autochtone fait son grand retour au sein du cabinet. Droit-inc s’est entretenu avec lui.

Robert Mainville - source : Canadian Lawyer


L’honorable Robert Mainville est de retour chez Gowling, cette fois comme associé au bureau de Montréal. Ancien juge à la Cour d’appel du Québec et à la Cour d’appel fédérale, il concentrera sa pratique sur l’arbitrage national et international, les litiges complexes, ainsi que le droit autochtone, un domaine dans lequel il est reconnu comme l’un des pionniers au Canada.

Au cours de sa carrière, Robert Mainville s’est notamment illustré comme principal négociateur de la Paix des Braves, entente historique conclue en 2002 entre le gouvernement du Québec et les Cris.

Son retour vient renforcer l’expertise du cabinet sur plusieurs fronts, notamment les questions constitutionnelles et autochtones, où Gowling est déjà actif.

Droit-inc a discuté avec lui de ses motivations, de l’évolution du droit autochtone et de sa nouvelle vision de la pratique privée.

Après plus de 15 années à la magistrature, qu’est-ce qui vous a incité à revenir à la pratique privée?

J’ai eu le privilège de servir comme juge pendant 15 ans, dont cinq à la Cour d’appel fédérale. C’était une expérience extrêmement enrichissante, mais au fil du temps, j’ai senti que j’avais accompli ce que je voulais dans cette fonction. J’aurais pu continuer encore quelques années, mais j’ai eu envie de revenir à une pratique plus proactive, un environnement où je pourrais m’impliquer autrement, collaborer de manière concrète avec des équipes, conseiller des clients, contribuer à la réflexion stratégique.

J’étais resté en contact avec les équipes de Gowling, et lorsque l’occasion s’est présentée, le moment m’a semblé idéal. J’ai rejoint un cabinet à l’avant-garde, notamment sur des enjeux de droit autochtone, ce qui correspond parfaitement à mes valeurs et à mes intérêts professionnels.

Justement, en matière de droit autochtone, quels sont les grands enjeux juridiques actuels ? Quelle évolution avez-vous pu constater dans ce domaine?

Le droit autochtone a énormément évolué au fil des décennies. J’ai eu la chance d’être là dès les débuts, à une époque où le droit autochtone, tel qu’on le connaît aujourd’hui, n’existait pratiquement pas. Le grand tournant est venu avec l’adoption de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaît les droits des peuples autochtones. Ce fut une avancée majeure, tant sur le plan juridique que symbolique.

Par la suite, dans les années 1990 et 2000, on est passé à une phase de mise en œuvre concrète de ces droits, notamment à travers des ententes avec des entreprises, dans les secteurs minier, forestier, etc. Au Québec, par exemple, il y a eu de nombreuses ententes de partage des bénéfices liés à l’exploitation des ressources naturelles sur les territoires ancestraux.

J’ai été personnellement impliqué dans plusieurs de ces négociations, et cela m’a énormément enrichi sur le plan professionnel. Aujourd’hui, on sent un nouvel élan, notamment grâce au droit international. L’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a contribué à créer un véritable dynamisme. Les discussions se font désormais à plusieurs niveaux : local, provincial, fédéral et international.

Durant vos années à la magistrature, notamment à la Cour d’appel fédérale, y a-t-il eu des décisions qui vous ont particulièrement marqué?

Toutes les décisions que j’ai rendues ont une importance, chacune pose des questions fondamentales, que ce soit sur les faits ou sur le droit. Mais s’il y a une affaire qui m’a particulièrement marqué à la Cour d’appel fédérale, c’est l’affaire Herzigova. Il s’agissait d’une cause portant sur la définition des crimes de guerre, à la lumière des Conventions de Genève et de la Loi canadienne sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.

C’était un dossier complexe, lié à une demande d’asile. La Cour devait déterminer si les actes reprochés au demandeur, en lien avec des crimes présumés commis à l’étranger, étaient suffisamment graves pour justifier un refus d’asile, malgré le risque de persécution auquel il pouvait être exposé.

En quoi votre expérience à la magistrature vous offre-t-elle un regard différent aujourd’hui dans votre rôle d’avocat ? Pensez-vous que cela influence votre façon de pratiquer?

Définitivement. Cette expérience me donne une perspective complètement différente sur la pratique du droit. D’ailleurs, c’est pour cette raison que les juges qui reviennent à la pratique privée ne peuvent pas plaider devant les tribunaux où ils ont siégé, justement pour préserver l’indépendance et l’impartialité du système judiciaire.

Mais sur le plan de la pratique, avoir été juge me permet de mieux comprendre les limites du pouvoir judiciaire. On comprend plus finement ce qui relève du judiciaire, ce qui relève du politique, ou encore de l’administratif. Et ça, ça change beaucoup la façon dont on conseille nos clients.

Je crois profondément que l’avenir du droit repose moins sur l’affrontement judiciaire que sur la négociation, la prévention et la recherche de solutions durables. Comprendre comment les tribunaux tranchent, et surtout quand ils choisissent de ne pas intervenir, permet d’orienter stratégiquement les dossiers en amont, et d’accompagner les clients de façon plus éclairée.

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